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El Cerro Rico de Potosí, emperador de todos los montes, pirámide de todos los minerales, palacio de todos los tesoros, es hoy un vertedero de escombros que amenaza con derrumbarse sobre los diez mil mineros que entran todos los días. Potosí fue el escenario de los conquistadores españoles que acumularon la plata, de los barones mineros que instauraron el primer capitalismo boliviano, de la revolución de 1952, las masacres militares y la última guerrilla del Che. Del subsuelo salieron los obreros que tumbaron dictaduras; ahora salen niños que se manifiestan y consiguen leyes para trabajar a partir de los diez años. En Potosí están los mecanismos de la riqueza extraordinaria y de la pobreza tan ordinaria. En Potosí está la violencia. Al final de la cadena hay una niña de doce años que entra a trabajar en la mina. Esa niña se llama Alicia y Potosí cuenta su historia. SOBRE EL AUTOR Ander Izagirre escribe con los veinte dedos. Ha publicado crónicas sobre los porteadores de la cordillera del Karakórum, las niñas que trabajan en las minas de Bolivia, los campesinos que se rebelan contra la Mafia en Sicilia, las guaraníes que hicieron una revolución jugando al fútbol, los ciclistas que se dopaban con bacalao, también sobre mi vuelta a España en vespa y sobre señores que construyen calaveras gigantes, coleccionan penes de todas las especies o atraviesan Argentina empujando una carretilla de cien kilos. Recibió el Premio Europeo de Prensa 2015 por un reportaje sobre crímenes militares en Colombia. EXTRACTO Villca es minero viejo, una categoría improbable en Bolivia. A los 59 años no le queda ningún compañero de su edad. Él está vivo, dice, porque nunca fue codicioso. Nunca trabajó temporadas largas en la mina. Nunca veinticuatreó. Es decir: nunca hizo turnos de veinticuatro horas seguidas bajo tierra. Salía a la superficie, regresaba unos meses al pueblo de sus padres a cultivar papas y pastorear llamas, dejaba que los pulmones respiraran aire puro, que se le limpiaran de polvo, y luego volvía a la mina, pero nunca estuvo allá dentro cuando una bolsa de gas asfixiaba a sus compañeros o un derrumbe los aplastaba. Tiene la sensación de que ya ha jugado muchas papeletas con la muerte y de que no debe arriesgarse más. Así que se retira. Jura que dentro de unas semanas se retira.
Lui qui a toujours joué un rôle de premier plan dans l’histoire de La Bolivie au point de figurer sur les armes du pays, le Cerro Rico menace aujourd’hui de s’effondrer, sapé de l’intérieur par cinq siècles d’exploitation minière. « Mont riche » en espagnol, « celui qui explose » en quechua, on le surnomme aussi « la montagne qui dévore les hommes », tant les mineurs et leur entourage – hommes, femmes et enfants – continuent de lui payer un lourd tribut humain pour des conditions de vie misérables. Après plusieurs années d’investigations et de rencontres, le journaliste espagnol Ander Isaguirre nous livre un reportage choc, assortissant son tableau apocalyptique de la précarité des mineurs boliviens d’un panorama historique et géopolitique qui éclaire les vastes enjeux de l’extraction des matières premières si abondantes dans le pays.
Parmi ses nombreuses rencontres de terrain autour de la ville de Potosi, au pied du Cerro Rico, l’auteur a choisi de centrer son récit sur Alicia, une jeune fille clandestinement employée à la mine depuis l’âge de douze ans, menant avec sa mère et ses frères et sœurs une existence de forçats ne leur assurant même pas de quoi subsister dignement. Son père tué par la silicose quand elle avait huit ans, l’adolescente s’éreinte – au sens propre du terme puisque la pollution des eaux lui a déjà coûté un rein – dans des conditions innommables et terriblement risquées, sans rémunération aucune au prétexte de la dette écrasante que la mine a abusivement attribuée à sa mère veuve. Leurs conditions de vie sont en-dessous de tout : à peine de quoi manger, un campement de fortune sur les pentes empoisonnées du terril où l’on avale et l’on respire une poussière mortifère chargée de métaux lourds, et un travail de bêtes : vers de terre s’infiltrant dans les galeries pour extraire argent et étain à l’ancienne, au simple pic et sans aucune mécanisation ; laborieuses fourmis broyant ensuite au marteau les pierres extraites, pour en tamiser les maigres traces de minerais.
Ils sont aujourd’hui cent vingt milles mineurs en Bolivie, employés dans des coopératives artisanales, à exploiter les gisements du Cerro Rico anarchiquement, sans encadrement, plan ni technologie, et au mépris des plus élémentaires règles de sécurité. A eux tous, qui y gagnent à peine de quoi survivre avec une espérance de vie moyenne inférieure à trente-cinq ans, ils ne représentent que 3 % de la production bolivienne de minerais, le reste étant extrait sans main d’oeuvre par une seule multinationale étrangère de pointe. De fait, depuis que l’exploitation des ressources minières boliviennes a commencé au XVIe siècle, elle n’a jamais profité au pays et à sa population. Les colons espagnols réduisirent les Indiens en esclavage pour mieux faire main basse sur les métaux précieux. Puis, les mines restèrent longtemps sous la coupe de quelques sociétés suffisamment puissantes pour faire et défaire les dictatures au gré de leurs intérêts : elles continuèrent ainsi à exploiter purement et simplement la main d’oeuvre locale, exportant les richesses extraites sans taxation ni retombées économiques pour le pays. Après la révolution de 1952, la gabegie au sein des mines nationalisées provoqua leur ruine et leur fermeture. Une seule fut reprise par un groupe japonais qui a su investir pour la moderniser, les autres furent émiettées en une constellation de coopératives non viables, mais où la population s’empresse de s’employer faute d’alternative.
Aujourd’hui, l’hémorragie se poursuit : la Bolivie n’a que ses ressources naturelles dont l’exploitation continue à lui échapper. Pris à la gorge par la spéculation sur les matières qui a ruiné tant de nations sous-développées, le pays dépend des crédits internationaux et des conditions imposées par ceux-là même qui l’ont étranglé. Et ses habitants, parmi les plus pauvres de toute l’Amérique du Sud avec 94 % d’entre eux incapables de pourvoir aux nécessités de base et même 46 % ne pouvant s’assurer une alimentation de survie, continuent à tomber comme des mouches, écrasés dans les effondrements de galeries, étouffés par la silicose, empoisonnés par l’air et l’eau contaminés, épuisés par la malnutrition et ces conditions de travail bestiales qui les attendent dès l’âge de douze ans.
Malheureusement sans illusion quant à l’impact de son livre dans l’indifférence du monde, Ander Izaguirre aligne implacablement ses constats les plus terribles de la situation des mineurs boliviens, peuplant son évocation de portraits saisis sur le vif, au plus près de la réalité du terrain. Choqué par le sort d’Alicia et des siens, pourtant capables d’une vitalité et d’une résilience confondantes, c’est avec un terrible sentiment d’impuissance désabusée que l’on parcourt le décryptage de l’Histoire et des intérêts politiques, financiers et économiques, qu’en toute objectivité et avec beaucoup de clarté, l’auteur nous propose comme impitoyable genèse de cette situation. Immense coup de coeur.
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