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Philosophie magazine n 115 pourquoi est il si difficile de changer decem. 2017 janv. 2018

Couverture du livre « Philosophie magazine n 115 pourquoi est il si difficile de changer decem. 2017 janv. 2018 » de  aux éditions Philo Revue
Résumé:

Pour bien des trajets, la répétition répond à une nécessité pratique?: l'itinéraire qui nous mène de la porte de notre habitation à celle de notre travail, qui nous permet d'acheter à manger ou de rejoindre nos proches, n'a pas vocation à varier. Nous attendons peu d'illuminations de ces... Voir plus

Pour bien des trajets, la répétition répond à une nécessité pratique?: l'itinéraire qui nous mène de la porte de notre habitation à celle de notre travail, qui nous permet d'acheter à manger ou de rejoindre nos proches, n'a pas vocation à varier. Nous attendons peu d'illuminations de ces déplacements. Il s'agit d'accorder un moyen à une fin?; or il existe un tracé optimal entre deux points, par rapport auquel toute déviance n'est qu'une perte de temps. Mais cette tendance à répéter est plus étonnante pour les promenades. Il est quelques lieux où je passe régulièrement et dans lesquels j'ai ma randonnée, ma boucle idéale que je reprends à la façon d'un rituel. Par exemple, il ne s'écoule jamais une année sans que je fasse le tour de l'étang de Grez-sur-Loing. Chaque hiver, je suis la même balade d'une dizaine de kilomètres, entre labours noirs et forêt nue, le long de l'Orba, dans le Piémont. Chaque été, je gravis la montagne San Pietro jusqu'à un vieil ermitage où passa Benoît de Nursie, depuis le village de Toirano, en Ligurie. Il y a aussi des boucles plus anciennes, inscrites dans la mémoire affective et sensorielle de telle manière qu'on n'hésite jamais aux croisements, qu'on les ferait les yeux fermés?: si je retournais demain à La Villedieu-du-Clain, village de mon enfance, j'irais traverser le bois des Cartes, pour me promener dans une sapinière puis déboucher sur la route de Gizay après la propriété de La Ferrière. Je crois que nous avons tous ces parcours en nous, auquel nous obéissons presque comme s'il s'agissait d'algorithmes et que nous étions des machines, alors même qu'ils nous paraissent intimes, irrationnels et saturés d'émotions. Ce qui donne de l'importance à la première fois. Car chacune de ces promenades, il a bien fallu que nous la découvrions - avant de la recommencer. Une première fois exige de nous un supplément d'énergie, elle n'est possible que si nous ouvrons une brèche dans nos habitudes, que si nous acceptons de marcher à l'inconnu. Quitter sa propre ornière, c'est traverser un vertige?: une première fois n'est réussie que si elle nous fait douter de nous-mêmes et de nos capacités, que si nous éprouvons au moins momentanément l'inquiétude d'être perdu, de ne plus savoir rentrer. Il y a sans doute une loi de proportionnalité, en promenade comme en amour?: plus la première fois nous aura plongé dans l'anxiété, et en même temps transi et comblé de délices, plus souvent nous referons la balade. D'où un paradoxe?: si une première fois est bouleversante, elle nous condamne à la répétition. Chacun se demande de temps à autre comment rendre l'existence un peu moins pesante. J'avoue que je ne suis pas grand amateur de préceptes, de ces listes de dix-conseils-pour-embellir-sa-vie, dont l'optimisme et la bienveillance ont quelque chose d'accablant. Mais je serais tenté de faire une exception à mon habitude de ne rien prescrire, puisque précisément c'est de cela qu'il s'agit. Voici un bon conseil?: pour vivre mieux, empruntez au moins une fois par semaine, pour aller au travail, en revenir, ou simplement pour le plaisir, un chemin nouveau.

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