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50 poèmes de Pauline Picot, fragments autobiographiques qui sont aussi des relevés du quotidien de celles et ceux qui l'entourent.
Ces textes sont comme des précipités. En quelques lignes, ils décrivent avec émotion et vivacité ce qui nous bouleverse. Dans ces précipités il y a de la vitesse, une fulgurance, mais aussi de l'intensité. Pauline Picot écrit de manière condensée, la parole est jaillissement.
Ces 50 poèmes sont autonomes mais forment une série qui se complète au fil des pages.
Les textes de Pauline Picot affirment un « je » auquel le lecteur ou la lectrice peut s'identifier. Le livre est conçu dans un petit format, pour être mis contre soi, glissé dans une poche, un sac, objet « à taille humaine » pouvant être facilement transporté. Un jeu graphique avec la silhouette de Pauline Picot, dont le travail d'autrice et de performeuse est étroitement lié au corps, se déploie sur les pages de gauche, en regard du poème, affirmant son mouvement vers le lecteur jusqu'à engloutir la page et de dissoudre dans une forme abstraite.
Je viens vous annoncer qu'il reste
Sept poissons dans la mer
Dix-neuf euros pour la fin du mois
Cents trois maisons en feu dans le paysage Mais qu'il reste également Huit mille combinaisons de nos corps Les possibilités sont donc encore Relativement ouvertes - J'ai cligné de l'oeil Et entre-temps les gens Avaient fait des enfants - L'enfant ne dit plus kodoban Le numéro n'est plus attribué Ce plat ne figure plus au menu Ton amoureux de CP s'est tué Nous ne prenons plus les chèques L'ancienne gare n'est plus desservie Ta mère ne tresse plus tes cheveux Ce document n'est plus au format papier Tu ne sais plus conjuguer l'allemand Ils ne les font plus dans cette couleur Votre sentier secret a été condamné Le pas de porte a changé d'enseigne Nous ne donnons plus d'échantillons Ce produit est désormais interdit Tu ne reconnais plus son rire Les fêtes ne se font plus ici
Si l'on regarde les pages de gauche, on a une silhouette, tendue en arrière, inconfortable, cou cassé vers le ciel, une silhouette instable, dans une position difficile à tenir, une silhouette immobile sur laquelle on peut zoomer en faisant défiler très vite les pages (ce livre est aussi un flip book) et l’univers est entier contenu dans ce corps.
Si l’on regarde les pages de droite, on a un peu la même chose : des poèmes qui évoquent le quotidien, les petits tracas, la vie, l’amour parti, les grandes questions que nous soupesons avec nos maigres bras, que nous évoquons malgré notre sentiment d’impuissance. Et à force de lire les poèmes des pages de droite, c’est tout notre univers qui apparait : contradictoire, frustrant, imparfait, mais bel et bien le nôtre, celui avec lequel il faut composer. Nous sommes ici, nous n’avons pas choisi (toujours avoir en tête cette phrase de Beckett : « Mais réfléchissez, réfléchissez, vous êtes sur terre, c’est sans remède ! »).
« Permettez-moi de palpiter » qui sortira début septembre aux éditions Vroum est un grand petit livre, émouvant, touchant. Et dans ses doutes, ses joies, ses questions, ses contradictions, Pauline Picot m’offre un miroir : sans surprise, c'est mon image (mon désarroi comme mes joies) que je vois apparaitre. Eric Pessan
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