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Prendre le temps de se poser, comprendre le hasard qui sculpte notre histoire bien avant notre naissance.
« On ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas sa famille, être né quelque part c'est toujours un hasard. » Chantés par Maxime Le Forestier, ces mots résonnent tout au long de ce roman.
Léon va voir défiler les composantes de sa vie, assis sur un banc, en face de chez lui.
Sollicité par des auteurs assez régulièrement pour lire leurs oeuvres, je ne donne plus suite à ces demandes. Souvent parce qu'ils sont édités en e-books et que je ne suis ni équipé de liseuse, ni adepte de la lecture sur écran d'ordinateur. N'ayant jamais testé la liseuse, je peux évidemment revenir sur mes propos si un fabricant d'un tel appareil passant par ici me propose un de ses objets à titre gracieux (on ne sait jamais, avec un peu de chance, ça peut marcher). Néanmoins, je lis les mails et parfois même les premières lignes des livres des demandeurs lorsque c'est possible. Et là, après avoir lu le premier chapitre du livre de Dominique Lin, je fus intrigué et agréablement surpris. Je lui ai donc répondu et il m'a fait parvenir très gentiment un exemplaire de son roman dédicacé (merci à lui et à son éditeur, dont j'ai déjà parlé pour La dernière nuit)
Dominique Lin écrit la vie d'un homme tout simplement. Pas celle d'un "grand homme" qui laissera une oeuvre de quelque nature qu'elle soit, non celle de millions de gens : "Certaines personnes s'inscrivent dans la mémoire collective, d'autres se contentent de vivre leur temps discrètement. Pas de fait de guerre, pas de découverte, de théorie mathématique ou de citation philosophique. Il n'en reste pas moins qu'elles ont aimé, espéré, donné du plaisir ou de l'espoir à ceux qu'ils ont connu." (p.29) On est loin du fameux quart d'heure de gloire warholien qu'on met désormais à toutes les sauces, de ces personnes qui pour vivre ont besoin de se raconter entièrement sur les réseaux sociaux, de passer dans des émissions de plus en plus racoleuses et pitoyables (pour ce que je peux en voir sur le Zapping par exemple ou en entendre parler un peu partout, car même en ne s'y intéressant pas, on est quasiment obligé d'en avoir entendu parler ou d'en avoir vu des scènes désespérantes de platitude et de nullité). Non, Léon, est un homme profond qui a besoin de faire le point. Tous les questionnements y passent : pourquoi être né ici et pas là ? Pourquoi dans cette famille pauvre ? Pourquoi vivre seul avec sa mère ? Comment en est-il venu à ne plus apprécier ce travail qui le passionnait au départ ? S'échapper dans la lecture suffit-il à vivre pleinement une vie d'homme ? Etc, etc, ...
Subtilement et assez richement écrit (j'ai par exemple appris l'existence et la signification d'au moins deux mots : "vernal" = relatif au printemps et "allicier" = attirer, séduire) c'est un livre qui se mérite, qui se lit sans aucune longueur ressentie. L'auteur alterne les parties racontant la vie de Léon vue par un narrateur omniscient à la troisième personne du singulier avec des parties en italique, dans lesquelles Léon s'interroge, repense à sa vie d'enfant puis d'adolescent et d'adulte (écrites à la première personne du singulier).
J'ai noté beaucoup de pages qui m'ont plu ou touché, dans certaines desquelles j'ai pu me sentir concerné :
"Léon allumait rarement la télé [...] préférant se plonger dans l'immensité des livres. Il les préférait peu épais, persuadé que quelques pages suffisaient à exprimer l'idée de l'écrivain, le surplus n'étant que verbiage et digressions. [...] Les livres qu'il appréciait relevaient de la concision, de la ciselure." (p.40), je prends pour moi et en même temps, pour ce livre qui en est une illustration. Une autre phrase que j'aime beaucoup, presqu'un aphorisme tiré d'une réflexion plus générale sur la mort : "La mort, cette porte qui ne s'ouvre que dans un sens, est le seul rendez-vous garanti de notre agenda, tous les autres sont aléatoires." (p.41/42)
Pour résumer, vous avez bien fait Dominique de me solliciter, sans cela je serais passé à côté d'un livre très fin et très profond, bien écrit et point trop épais (157 pages).
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