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Palombella Rossa a fait date. Une piscine, un match de water-polo, un député du parti communiste Italien frappé d'amnésie, des souvenirs et des figures qui surgissent par morceaux, à la fois épars et tenaces, et au milieu de tout cela les sommations insensées du journalisme et de l'« actualité » : Nanni Moretti a été un des premiers à décrire ensemble un communisme sur le point d'être frappé d'oubli et un cinéma de plus en plus menacé par la télévision en particulier et par les médias en général. Le sixième long métrage du cinéaste italien est présenté à Venise en septembre 1989 puis sort en France en novembre de la même année : entre-temps, le mur de Berlin est tombé. Rares sont les ceux qui, autant que Moretti, auront su être à l'heure.
Pour cette raison, Palombella Rossa a volontiers été vu comme le dernier représentant d'un monde politique et cinématographique sur le point de disparaître. Qu'en est-il aujourd'hui, vingt-cinq ans après ? Cet essai tient que le grand film de Nanni Moretti a encore de nombreux secrets à livrer. Il entend démontrer que son enseignement reste en vérité devant nous, de plusieurs manières et sur plusieurs fronts. Palombella Rossa livre une description singulière des rapports entre mémoire et oubli, capacité sportive et incapacité politique, communisme et performance. Il appartient à un nouvel âge de la comédie, où le rire naît du fonctionnement des choses et non de leur chute, où le comique cesse d'être corporel pour donner naissance à ce que Serge Daney, dans ses essentielles « Notes sur Palombella Rossa », a appelé un « burlesque mental ». Il recherche une langue débarrassée des raccourcis journalistiques pour entrer, non dans le domaine de la vérité pure, mais dans celui de l'adresse ou du chant. Il replace la relation conflictuelle entre cinéma et télévision dans cet espace-là - appel, adresse, jeux de voix. - et dans l'ordre de la culture populaire, plutôt que dans celui d'une rivalité « médiatique ». Comme tous les films de Moretti, Palombella Rossa est construit comme une série de problèmes qu'il faut enchaîner et non régler, traverser et non résoudre.
Ainsi l'éthique du cinéaste italien peut-elle enfin apparaître pour ce qu'elle est : non pas une résistance, une intransigeance ou une intraitabilité, mais au contraire une ouverture en vue d'une politique et d'un cinéma à venir.
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