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Eté 1987. Johanna, Franck, Vincent et Christophe se connaissent depuis toujours et forment une bande que rien ne peut séparer. Un dimanche d'août, quittant les rues de leur petit village de Province pour rejoindre la forêt, ils découvrent un endroit coupé du monde où vit un homme étrange que tout le monde surnomme " l'Indien ". Au même moment en région parisienne, deux jeunes amis entament une cavale sanglante après un braquage et mettent le cap plein sud pour se faire oublier.
Rapprochées par le destin, ces trajectoires dissemblables vont se télescoper et exhumer de grandes souffrances enracinées dans le passé. Durant cette période de transition délicate qu'est l'adolescence, la petite bande va apprendre à grands frais que l'innocence à une fin, contrairement à la violence.
Corrèze, été 1987, Christophe s'en souvient. Il revient sur les lieux qui ont marqué sa mémoire car le temps est venu de raconter.
Raconter les copains Vincent et Franck mais surtout raconter Johanna et ce qu'il ressent quand il la voit. Raconter leurs moments de plénitude à "Calicoba beach" cet endroit qu'ils ont découvert et appelé du nom de la chanson du groupe Gold qui passe sans cesse à la radio. Un lieu à part, ils y sont protégés du monde, surveillés par René "L'indien" comme on le surnomme au village.
A plusieurs centaines de kilomètres de là, deux potes viennent de braquer un convoyeur de fonds. Leur cavale commence et elle laisse quelques cadavres sur son chemin. "Les tueurs au losange", surnoms dû à leur goût pour les Renault, descendent vers le sud, en quête de liberté, au hasard des routes départementales.
Le lecteur comprend vite que ces deux trajectoires vont se croiser... Sébastien Vidal fait durer le plaisir. A grands renforts de passages sensoriels, parfois répétitifs, presque agaçants tant il cherche à marquer le contraste.. il nous conte d'un côté l’éden adolescent et de l'autre la fuite sanglante. Le tout dans une nature omniprésente. Tout a son importance, la fumée des cigarettes des deux voyous, les reflets de l'étang du Puy perdu... Tout.
Puis la fin, attendue, crainte... Des secrets se révèlent, les évènements s'enchainent et signent la fin de l'innocence, le passage à l'âge adulte, dans la violence et la peur.
Merci à ceux qui ici m'ont conseillé de lire ce livre. Un roman noir qui prend JP Manchette comme inspiration (plusieurs fois cité dans le récit d'ailleurs) et qui parvient comme lui à rendre des voyous attachants. Je découvre un auteur et avec lui un style, des images, des odeurs, des lumières... Une expérience que je compte prolonger.
« Il y a en nous, un lieu où nous pleurons pour les autres. » Jim Harrison
« Comme l’a dit Victor Hugo, rien n’est plus puissant qu’une idée dont l’heure est venue. »
La Canopée littéraire !
« Ici, presque toujours, novembre arrive en octobre. »L’incipit donne le ton. La Haute Corrèze élève ses entrelacs, ses bruissements de feuilles, l’essence des pins, les crissements des pas dans les forêts automnales. On ressent d’emblée l’atmosphère de ce récit réussi et dont on ne lâche rien.
Dans ce livre, deux histoires résolument différentes, qui vont s’assembler subrepticement. Dans l’éveil et la capacité hors norme de Sébastien Vidal. C’est ici, le piédestal de ce récit.
La première, celle d’un groupe d’amis depuis leur plus tendre enfance, jeunes adolescents devenus dans cette Corrèze emblématique et magnétique, Johanna, Franck, Vincent et Christophe le narrateur. En plein été, celui de 1987 dans l’orée d’un changement de cap, celui du lycée. Il fait beau. Dans cette chaleur d’insouciance. L’heure est aux confidences, aux craintes des séparations proches. Ils profitent des langueurs estivales. Déambulent en pleine nature, font du vélo et savent l’heure de l’escompte hyperbolique du futur. On ressent les ferveurs d’une camaraderie liante et vénérable.
Un jour certain, dans un de leurs périples, ils s’égarent à la nuit tombée en gravissant une colline. Un lieu édénique s’élève en apogée. « L’eau qui somnolait reflétait la silhouette des arbres, et au milieu le bleu du ciel se confondait avec la couleur plus sombre des flots, donnant à l’ensemble un ton délicat et fragile, qui pouvait frémir à la moindre brise. Nous dévorions le site des yeux. »
Ils sont ici, dans cet espace vierge, un entre-monde où ils imaginent déjà un antre tenu secret, rien que pour eux. Mais ce lieu n’est pas inhabité. Ici, vit l’Indien, dans une cabane en bois à flanc de rocher. Un homme connu du village, comme marginal, solitaire, reclus à La Thoreau David. Il va leur proposer un marché. Venir se baigner autant de fois qu’ils le veulent au Puy perdu dans l’étang, à condition de ne rien dire aux autres. Comme un privilège, une invitation au silence, au secret et à la force intrinsèque d’un lieu magnétique et salvateur. Mais peut-être aussi L’Indien a t-il besoin de la jeunesse autour de lui, un moyen exutoire de compenser les douleurs de sa vie.
« Je tournais la tête vers les rochers plats pour effacer une larme récalcitrante et je le vis, l’Indien. Il était là, assis sur un des quatre monolithes couchés. Un naufragé. »
« La bande aux yeux marron » va se lier avec l’Indien. Apprendre de lui, de sa sagesse et de ses secrets, de sa maturité et de ses passions littéraires. On ressent un homme qui fédère ce récit. On l’aime et on désire connaître le son de sa voix, un peu à l’instar de Kakuro Ozu dans l’Élégance du hérisson.
Dans l’autre versant, deux amis et collègues vont braquer des convoyeurs de fonds. Adrénaline fois mille, un tsunami qui enfle. Crescendo, entre les meurtres et la fuite, ils se parlent, se devinent liés par l’irrévocable. On ressent un fragment sociétal, finement politique et engagé. Ils doutent, mais ne peuvent revenir dans le passé. Ils regrettent ce temps de labeur et de sueur et d’exploitation. Mais c’est trop tard pour « Les Tueurs au losange. » De fil en aiguille, ils arrivent en Corrèze. Que va-t-il se passer ?
Comment ces deux récits vont s’entrecroiser ?
Ce roman est la coexistence de l’ombre et de la lumière. Profondément humain, il a cette obsession cardinale d’élever la beauté des rencontres, les fiançailles des cœurs, les apprentissages de la vie et les initiations adolescentes. Les sonorités des gravités sont des chants d’oiseaux. Ce tissage fascinant est de haute voltige, tant il donne la parole aux cheminements intérieurs, au chaos fait homme aussi, parfois. Les liens sont des rais de lumière en pleine clairière. « Où reposent nos ombres » est une fresque sombre et merveilleuse. Publié par les majeures éditions Le Mot et le Reste.
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