Étienne est photographe de guerre. Il a été otage durant de longs mois. C’est au moment de son retour que l’histoire débute.
Personne ne revient indemne d’une telle expérience. Durant la captivité, ce sont les images heureuses, les sons (la musique est omniprésente), le souvenir de certaines...
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Étienne est photographe de guerre. Il a été otage durant de longs mois. C’est au moment de son retour que l’histoire débute.
Personne ne revient indemne d’une telle expérience. Durant la captivité, ce sont les images heureuses, les sons (la musique est omniprésente), le souvenir de certaines odeurs qui l’ont fait tenir. Etienne a appris à vivre avec les privations, dans un espace clos là où il a grandi au milieu d’une nature omniprésente. A la libération, il réapprend à vivre, à parler, à communiquer. Etonnamment, il y a beaucoup de silences dans ce magnifique roman. C’est l’âme humaine d’Etienne et de ses amis que Jeanne Benameur vient sonder, leur part d’ombre.
Ces silences sont entrecoupés de musique, celle qui relie le violoncelle, le piano et la flûte de ces trois amis. Une musique omniprésente qui répare, qui « borde le sommeil » d’Etienne, qui sauve de la folie (cette scène incroyable dans un pays en guerre quand un homme vient l’attraper par la manche dans le bar d’hôtel où il joue du piano pour qu’il vienne jouer chez lui, p. 89), qui créé un lien invisible mais tellement puissant pour ceux qui le ressentent. Les trois amis se comprennent sans même se parler. Etienne fixe l’horreur du monde, Jofranka couche sur le papier les atrocités des femmes victimes des guerres pour faire condamner leurs bourreaux et Enzo, Enzo le seul qui n’a pas quitté le village mais qui voyage à travers le travail du bois « Tes pays, je les sens parfois dans mes mains quand je travaille. Le bois m’a toujours emmené dans les forêts et pas seulement les forets d’ici. Avec le bois je vais loin. A ma façon ».
L’écriture aussi est musicale. Les mots claquent, virevoltent pour dire l’absence, l’horreur, les sensations « Lui qui a rapporté tant d’images qui laissent sans voix, il lui faut des mots. Pour tenter de comprendre » (p. 95). Si je m’étais écoutée, j’aurais souligné tellement de passages.
Ce roman est d’une délicatesse infinie pour évoquer les failles et les sentiments des protagonistes, pour rappeler l’horreur du monde et révéler la beauté de ceux qui la combattent.