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Adel Abdessemed, l'un des plus audacieux artistes d'aujourd'hui, connu dans le monde entier pour sa liberté irréductible exercée contre tous les pouvoirs, reçoit une mystérieuse invitation à passer une nuit dans le musée Picasso, au coeur de l'exposition « Guernica ». Mais la toile mythique y sera absente. Peinte au lendemain des bombardements fascistes, qui le 26 avril 1937 ont réduit en cendres la ville basque, elle ne peut plus quitter l'Espagne.
Il sera accompagné d'un écrivain qui admire son travail, et a reçu la même invitation, sans plus d'explication. Il sera le « scribe » de l'artiste.
Le temps d'une nuit intense, sillonnée par les éclairs lancés par les oeuvres d'art, les confessions de l'artiste sur son travail et l'Algérie, et ses dessins au charbon, ils vont traverser le musée comme deux Orphée qui ne peuvent pas se retourner. Dans ce pas de deux sensuel et électrique, on ne sait plus qui manipule qui.
Même si la couverture n’évoque en rien Manuel de Falla, c’est pourtant le nom du compositeur qui résonne instantanément en lisant le titre du nouvel ouvrage co-écrit par une plume et un pinceau. Point de notes malgré ce mirage d’une nuit dans les jardins d’Espagne. Nous sommes loin du palais de l’Alhambra, loin de Cordoue mais l’exubérance claque dès les premières pages : le héros est un autre andalou, le célébrissime Pablo Picasso, le lieu est un musée parisien incontournable portant le nom du génie de Malaga, mon tout est un tableau universel, tragique, un combat de vie et de mort : Guernica.
Adel Abdessemed, artiste aux multiples facettes reçoit un jour une curieuse lettre signée Concepciòn – déjà le prénom est évocateur – pour aller passer une nuit au musée Picasso situé dans le quartier du Marais à Paris avec le journaliste écrivain Christophe Ono-dit-Biot. Un courrier sibyllin les invitant à s’y rendre à 20h00 et à quitter ce lieu symbolique à l’aube. Vont-ils tenir promesse ?
Oui malgré le côté cabalistique, et pour notre plus grand plaisir, chacun va raconter à sa façon, entrecroisement de la sculpture au fusain et au stylo, cette nuit chargée d’ivresse – au propre comme au figuré – autour de l’auteur de Guernica. Car dans cette rencontre nocturne entre trois personnages – aucun doute que l’âme picassienne veillait – un dénominateur commun avait été posé en orbite : la guerre.
26 avril 1937, en Biscaye, la légion Condor envoyée par Hitler bombarde Guernica pour soutenir Franco en pleine guerre civile espagnole. Un coup de force militaire, des essais techniques. Toute la géhenne belliqueuse faisant des centaines de morts et de blessés, une population meurtrie pour des décennies. Quelques jours plus tard, Picasso représente la scène apocalyptique par une fresque monumentale qui fera le tour du monde et deviendra une toile de la mémoire collective.
26 décembre 1991, début de la guerre civile algérienne qui durera plus de dix ans et fera plus de 100.000 victimes sans compter les innombrables disparus. Des années de braise où le pays sera en feu dans une phase destructrice entre le socle d’un gouvernement et les flammes de diverses organisations terroristes qui vont répandre la terreur. Adel Abdessemed, berbère de la région des Aurès quittera son pays natal en 1994 lorsque le directeur de l’Ecole supérieure des beaux-arts d’Alger sera assassiné avec son fils.
Années 2000, un sémillant journaliste part en reportage, du Liban à l’Afghanistan en passant par la Birmanie. Il frôle les guerres et devient un témoin des organisations terroristes. De son expérience sur le terrain, Christophe Ono-dit-Biot en fera des romans parce que réalité et fiction ne cessent de chevaucher ensemble sur la route infinie de l’humanité jalonnée des méandres de l’inhumanité.
Nuit du 11 au 12 juillet 2018 : les deux artistes sont réunis autour d’un autre pour réfléchir sur l’un des plus vieux usages du monde : le conflit, et comment l’art peut devenir une arme pour faire fléchir la guerre, un instrument pour combattre l’ennemi. Les deux compères vont donc déambuler dans les diverses salles de l’Hôtel Salé, nous faire gravir les marches du somptueux escalier où tout est emprunté de yin et de yang, de noir et de blanc sur les gris de l’existence. Mais la couleur va jaillir des verres, pour honorer Bacchus et faire de la nuit une offrande à la liberté.
Des dessins originaux, une narration dynamique, de la mythologie aux héros modernes, cette « nuit espagnole » est loin d’être un chant crépusculaire, elle est au contraire une ode lumineuse sur l’art et ses pouvoirs immortels. Sans oublier ce nécessaire esprit de rébellion pour qu’une société puisse continuer à créer des rêves.
Puisse la collection « Ma nuit au musée » créée par Alina Gurdiel nous enchanter pendant de nombreuses années, elle permet de marier, pour le meilleur, l’art sous toutes ses formes et de nous faire voyager dans ces temples laïques chargés d’une empreinte éternelle.
Et si l’occasion se présente, n’hésitez pas à aller au 5 rue de Thorigny, une fois le seuil franchi, peut-être entendrez-vous un rire aussi artistique qu’unique et rencontrerez-vous un scribe accroupi qui vous racontera une belle histoire : celle de deux amis réunis par la peinture pour disserter sur les banderilles lancées trop souvent sur l’immense tableau des civilisations.
En attendant que vos pas vous guident vers ce haut lieu artistique, laissez-vous conduire par les sieurs Abdessemed et Ono-dit-Biot pour « Une nuit espagnole » pacifique sous les étoiles de l’art d’une empreinte immarcescible.
Blog => https://squirelito.blogspot.com/2020/05/une-noisette-un-livre-nuit-espagnole.html
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