Ils ont éclairé 12 mois de lecture passionnée...
Prix Baz'Art des mots 2018 « Cette sensation de fin du monde, quand tu as dix ans et que tu comprends, du haut de ton mètre vingt, qu'il va falloir abandonner la sécheresse de ton ocre si tu ne veux pas crever. Je serais restée des millénaires, agenouillée contre ma terre, si je n'avais pas eu une telle soif. Maman a caressé la peau de mon cou, toute fripée et desséchée, elle m'a vue vieille avant d'avoir atteint l'âge d'être une femme. Elle a fixé les étoiles et, silencieusement, elle a pris la main de papa. On n'a pas besoin de discuter pendant des heures quand on sait qu'est venu le moment de tout quitter. J'étais celle à laquelle on tient tant qu'on est prêt à mourir sur les chemins de l'abîme. J'étais celle pour laquelle un agriculteur et une institutrice sont prêts à passer pour d'infâmes profiteurs, qui prennent tout et ne donnent rien, pourvu que la peau de mon cou soit hydratée. J'ai entendu quand maman a dit On boira toute l'humiliation, ce n'est pas grave. On vivra. Il a fallu que je meure à des milliers de kilomètres de chez moi. »
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Livre choc, "Ne préfère pas le sang à l'eau" est un coup de poing à l'estomac, une boule dans la gorge...
Quand la grande citerne explose à Cartimandua, c'est l'essentiel de la vie qui disparaît. Cette eau qui manque, qui rend fou, cette eau qui assèche autant les corps que les coeurs. Quel avenir se prépare ? Quelle humanité s'éteint ?
C'est ma deuxième rencontre avec Céline Lapertot et je suis définitivement conquise. Son univers, sa poésie, ses mots si justes, cette écriture qui résonne… Tout en elle est d'une puissance folle.
Si l'histoire de ce roman est difficile à situer, quel pays, quelle époque, elle retentît douloureusement à nos oreilles.
Quand la soif pousse des gens à braver les déserts, la chaleur, le déracinement, et que le regard des autres tuent plus que cette douleur au fond de la gorge, nos coeurs se serrent. Quand la haine voile les regards, que les coupables sont les derniers arrivés, les plus fragiles, ceux qui veulent juste survivre, alors nos mains se tordent…
Roman fort et puissant sur l'amour, l'amitié, la trahison et la culpabilité, c'est avant tout un cri, un poing levé, et des mots écrits à la craie contre la violence aveugle, le rejet de l'autre et l'égoïsme…
A toi Karole, victime innocente, puisses-tu nous regarder avec bienveillance, où que tu sois… Pardonne-nous surtout…
Quel roman ! Une dystopie et comme toutes les dystopies, plutôt sombre. Dans un lieu et un temps imaginaire, l'eau vient à manquer. Et lorsque la grande Citerne, source inépuisable d'eau, explose, la démocratie tombe et s'installe la tyrannie, la peur, la violence et la répression. Les coupables sont tout trouvés, les nez-verts, ces migrants déracinés par la soif qui sont venus toujours plus nombreux vers l'Eldorado d'un pays où on n'a pas soif...
A travers Karole la petite migrante tombée amoureuse de la Citerne en qui elle voit une déesse avec la foi aveugle des enfants, Thiego emprisonné parce qu'il résiste à la tyrannie par des mots, Marco l'ami qui a trahi Thiego, Matheo le maton du pénitencier l'auteur explore une palette de sentiments d'une justesse sidérante.
Ce n'est pas une lecture facile qui se lit d'un seul jet, j'ai repris mon souffle à plusieurs reprises, mais la plume de Céline Lapertot est superbe, dense, intense. L'écriture est fiévreuse, dans l'urgence de décrire une situation qui ressemble tellement à des choses connues, qui entre en résonance tellement fort avec notre société que c'en est assourdissant. L'auteur nous parle de tolérance, de partage et de respect de la vie. Malgré la violence du propos il y a une poésie, un rythme envoûtant dans ce court roman hypnotique (135 pages) que je vous invite à découvrir.
On en a très peu parlé sur IG, à peine une dizaine de chroniques et c'est vraiment dommage. C'est un texte extrêmement fort et beau qui mérite d'être mis dans la lumière ...
Il m’a fallu attendre son troisième roman pour découvrir cette jeune auteure, professeur de français à Strasbourg. Belle découverte! J’aime d’emblée son écriture incantatoire, son sens de la tragédie et son regard lucide sur les problèmes actuels de société.
Rien de tel pour ouvrir les yeux que de s’inscrire dans un roman d’anticipation, de travailler ses personnages au plus près en les icônisant, de fondre ses messages dans une fable bien construite, à la fois concise et profonde.
Tout commence avec le mouvement et le désir. Trois cent « nez-verts » assoiffés arrivent à Cartmandua, avec dans le coeur « Cet espoir immense en la chance d’un autre destin, d’une opportunité, où tout sera aussi facile que le fait de tourner le robinet d’eau froide. Et boire. »
Mais le village tombe sous la dictature de Ragazzini, faisant exploser la citerne qui trônait comme un trophée de nantis. Installés dans leur confort, personne, hormis Pia, la mère de Thiego, n’a rien vu venir.
« On n’écoute pas quand on est trop confortable dans son bien-être. »
Le corps noyé de la jeune Karole, qui avait tant chéri la citerne à son arrivée symbolise la perte de tout espoir. Morte par ce qui devait la sauver. Les images sont fortes pour dénoncer l’inhumanité.
En alternance, nous découvrons Thiego dans la prison de Cartmandua. Le jour de l’explosion de la citerne, il avait appris la maladie de sa mère et décidé de combattre l’injustice avec ses armes, les mots. Dans la tête de Thiego passent toutes les difficultés de la vie en prison, le manque, les regrets, les amitiés et les trahisons. Il résiste en pensant aux mots des livres, aux mots qu’il taguait sur les murs. Il survit en pensant à sa femme, en écrivant son nom sur les murs de sa prison.
« Il en aura fallu du sang pour qu’on comprenne que l’eau ça se partage. »
Avec ce roman d’anticipation, Céline Lapertot traduit remarquablement l’espoir et la peur des migrants, l’égoïsme des nantis. La force des mots évoque des images choc, symboliques. Le regard sur notre société est percutant, intelligemment glissé dans cette fable aux personnages d’une grande sensibilité.
Aussi puissant que ces deux précédents romans, Céline Lapertot, publie en ce début d'année " Ne préfère pas le sang à l'eau" aux Editions Viviane Hamy.
p. 96 : " L'humanité ne regarde jamais, même le plus grand de ses trésors, l'eau, la terre, le feu, quand il danse chaque jour sous son regard. "
Située dans un avenir que l'on peut imaginer proche, l'histoire se déroule dans un village imaginaire du nom de Cartimandua. La Terre promise. Lorsqu'au fil des années l'eau a commencé à manquer, on y a fait construire dans ce tout petit pays industrialisé, une des plus grande citerne de réserve d'eau au monde. Particulièrement convoitée, ce trésor est très envié par des milliers de gens jusqu'à l'autre bout de la planète.
Dans une narration à plusieurs voix, on y retrouve notamment Thiego, qui, par les mots a tenté de bousculer le système dictatorial en place. Emprisonné, il nous fait le récit de l'évolution de sa situation.
P. 19 : " On meurt pour des idées, voilà ce que j'ai dit à Tristan lorsqu'il a souhaité nous rejoindre. Fais attention à ce que tu écris, on en meurt. "
Parallèlement, c'est aussi l'histoire de la petite Karole que l'on suit. Réfugiée à Cartimandua avec sa famille, elle a quitté son pays pour trouver cette eau si précieuse. Mais les "nez-verts" comme on les surnomme ne sont pas les bienvenus. La dictature en place leur impose par conséquent un rationnement.
Mais à peine a-t'elle avalé son premier verre d'eau que la citerne explose ! Accident ou complot, ce véritable tsunami charrie les corps et les décombres, emportant tout sur son passage, et laissant les habitants totalement abasourdis.
P. 61 : " Ça te stupéfie, un adulte mort. Mais un enfant, ça te désespère. Jusqu'à la fin de ta vie. "
Volontairement cinglante, l'écriture est aboutie et maîtrisée, et la construction élaborée. L'auteure aborde ici une problématique on ne peut plus contemporaine, qu'est la raréfaction des ressources en eau potable, appuyée dans ce roman par une dictature qui censure tout acte de rébellion.
De style philosophique à forte tendance dystopique, on frôle la réalité malgré tout. Et c'est avec quelques frissons que l'on parcourt ce roman.
La distance imposée par l'auteure vis-à-vis de ses personnages provoque indubitablement une identification du lecteur à travers eux. Un roman qui pose question sur notre rôle à chacun dans notre rapport à la consommation de l'eau, mais également dans notre rapport face à ceux qui en manque.
Une belle prise de conscience !
P. 136 : " Quelle vie m'attend, là-bas, à quelques tout petits kilomètres que je parcours lentement. Il en aura fallu du sang, pour qu'on comprenne que l'eau, ça se partage. "
Il faut commencer par souligner l’ambiance, l’atmosphère très particulière que Céline Lapertot réussit à installer dès les premières pages de ce livre fort et qui pourrait dérouter par cette absence de vrais repères. Mais c’est là justement la volonté de la romancière, nous entraîner sur un terrain déstabilisant sur lequel l’angoisse est diffuse, la menace permanente, sans que pour autant on ne puisse clairement l’appréhender.
Nous sommes avec 300 personnes assoiffées sur les routes d’un exil improbable. Elles ont pris la route à la recherche de l’eau qui leur manque désormais cruellement. Cette eau qui est le gage d’un avenir meilleur. Portés par un «espoir immense en la chance d’un autre destin, d’une opportunité, où tout sera aussi facile que le fait de tourner le robinet d’eau froide. Et boire. Boire jusqu’à plus soif cette foi en la vie retrouvée.» Au fil des pages, on comprend toutefois que si l’espoir fait vivre, il peut aussi se tarir.
En remontant aux origines de cette tragédie, on découvre en effet qu’il leur aura fallu une fois chevillée au corps pour croire à des lendemains qui chantent. Car s’ils se retrouvent sans eau, c’est que la citerne qui leur fournissait le précieux liquide a explosé. Cette citerne qui était justement censée leur apporter paix, stabilité et prospérité. Cette citerne qui «devait révolutionner la vie des habitants de Cartimandua. (…) Une merveille de technologie faite d’acier et de béton. Un paquebot indestructible, contrairement au Titanic.» Voilà toutefois que l’histoire se répête… sauf qu’il ne s’agit pas ici d’un accident, mais d’un attentat perpétré pour asseoir le pouvoir d’un tyran. L’ironie de l’histoire veut du reste que cette citerne ait été érigée en face d’un pénitencier où sont enfermés les opposants au régime, les empêcheurs de penser en rond, comme ce jeune garçon qui entendait réveiller les consciences en délivrant des messages de liberté sur les murs de la ville. Comme tous ses co-détenus qui ne supportent plus le régime draconien auquel ils sont soumis, n’ayant droit qu’à le moitié d’un verre d’eau par repas.
Lä encore, la plume de Céline Lapertot fait merveille. On sent l’idée d’une mutinerie s’ancrer dans les crânes des prisonniers, mais on sent aussi la tension s’aviver chez leurs geôliers.
«Il aura fallu du sang pour qu’on comprenne que l’eau, ça se partage». Il aura aussi fallu cet écriture sèche pour faire de ce conte sur l’émigration, le climat, la tyrannie une formidable réussite. C’est bien simple, en le refermant, on ne regarde plus sa bouteille d’eau de la même façon!
L'eau qui disparait, la sécheresse, 300 paires de jambes, à la recherche d'un trésor, capables de parcourir des milliers de kilomètres pour boire, simplement boire. Karole, une petite fille est en marche avec ses parents et une partie de son peuple "les nez-verts" pour un pays voisin Cartimandua qui a la chance de posséder une immense Citerne qui met ses habitants à l'abri de la soif en alimentant en eau courante une grande partie de la ville.
Une énorme citerne, faite d'acier et de béton, un paquebot indestructible. Mais un jour, la citerne explose, des soldats partout dans la ville, la fin d'une civilisation, il faut la manière forte dans un pays pour que les règles soient à nouveau respectées, et un dictateur est porté au pouvoir. Il faut toujours un coupable, et l'étranger est toujours le premier désigné. La raréfaction de l'eau creuse un fossé entre les peuples, et les gens ne veulent pas partager.
Thiégo, lutte contre ce tyran, il a publié des lettres ouvertes dans des journaux clandestins, la liberté se construit un stylo à la main. Sur les murs il trace Liberté j'écris ton nom . Dénoncé par son ami d'enfance Marco, Thiégo se retrouve dans un pénitencier.
Une fable polyphonique qui aborde les thèmes essentiels du monde d'aujourd'hui, le partage des richesses, les migrants, les réfugiés climatiques, les démocraties vacillantes, la tentation de l'extrémisme, la xénophobie. Un court roman d'une richesse incroyable, plaidoyer pour la différence, la liberté et la fraternité.
D’un côté, il y a les migrants qui ont franchi des kilomètres dans la souffrance et la faim pour arriver jusqu’à Cartimandua. De l’autre côté il y a les habitants qui ont du mal à accepter les nez-verts, ces migrants qu’ils rejettent avant même de les comprendre et les accepter.
Un jour, le drame arrive, la citerne réserve d’eau explose et dévaste une partie de la ville. Une petite fille jouait dans le bac à sable tout à côté, emportée par le flots, elle qui a traversé le désert avec sa famille meurt noyée, engloutie par l’eau qui devait apaiser les brulures de sa gorge déshydratée et la désaltérer.
Pendant ce temps-là, le pays tombe sous la coupe d’un dictateur, Ragazzini, qui établit sa puissance en assoiffant les populations. Dans cette ville il y a également un pénitencier. Et dans ce pénitencier, il y a T qui compte inexorablement les briques rouges des murs de sa prison. T a osé écrire sur les murs pour dénoncer, dire l’espoir, réveiller les consciences, il a été trahi par son ami d’enfance. ..
On comprend que ce pays, ces hommes, cette époque sont imaginaires, mais que cela pourrait être ici et maintenant. Dans son roman Céline Lapertot parle d’immigration, de dictature, de liberté, de différence, de violence. Elle évoque aussi les mots qui sauvent, l’écriture, la fraternité et la confiance. L’auteur est une jeune femme aux textes engagés qui décillent les yeux des lecteurs. Ce sujet touche ses lecteurs, car il entre en résonnance avec l'actualité et avec nos interrogations actuelles.
chronique complète ici https://domiclire.wordpress.com/2018/03/18/ne-prefere-pas-le-sang-a-leau-celine-lapertot/
Quel livre ! Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu un récit d'une telle puissance. L'écriture, l'intrigue, la réflexion de cette dystopie sont époustouflantes. Ce livre marque les âmes et remue les coeurs, perturbe l'esprit et s'incruste dans toutes les cellules.
Ce récit fiction est nécessaire car il concerne l'humanité toute entière, il résonne dans notre monde bancal. Cartimandua. C'est là que se situe la grande citerne d'eau enviée par tous ceux qui n'en ont pas. Lorsque les "nez verts" fuient leur pays pour s'hydrater, les habitants de Cartimanda ne sont pas partageurs. Quand l'eau vient à manquer dans la ville, les premières victimes sont les étrangers, persécutés. Un régime totalitaire s'empare du pouvoir, mais des résistances se mettent en place.
Un texte époustouflant de justesse.
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