Un huis clos bouleversant à découvrir sans plus tarder.
Dans cette salle, Charlie, quinze ans, patiente avec sa mère. Bientôt, son père sortira du bloc. Elle s'appellera Alice. Durant ce temps suspendu, Charlie se souvient des deux dernières années d'une vie de famille terrassée. Deux années de métamorphose, d'émoi et de rejet, de grands doutes et de petites euphories. Deux années sismiques que Charlie cherche à comprendre à jamais. Tandis que les longues minutes s'écoulent, nerveuses, avant l'arrivée d'Alice, Charlie raconte la transition de son père. Sans rien cacher de ce parcours plus monumental qu'un voyage dans l'espace, depuis le jour de Pâques où son père s'est révélée. Où, pour Charlie, la terre s'est mise à trembler.
Julien Dufresne-Lamy signe un cinquième roman doux et audacieux, profondément juste, sur la transidentité et la famille. La bouleversante histoire d'amour d'un clan uni qui apprend le courage d'être soi.
Un huis clos bouleversant à découvrir sans plus tarder.
Charlie, adolescent, nous raconte son étrange vie, les séismes qui s'y sont produits, lui qui depuis toujours se projetait dans l'image de son père. La génétique ayant fait de lui le petit clone de cet homme, en tout point de vue, il se construisait avec ce père comme modèle. Jusqu'au jour des mots étranges sont apparus au sein du foyer : dysphorie de genre, transidentité, non-congruence de genre. le père de Charlie a depuis toujours l'intime conviction que la nature s'est trompée en l'enfermant dans le mauvais corps. Et donc Charlie nous raconte l'instant présent, de l'hôpital où sont père se fait opérer, et nous emmène dans ses souvenirs, assister à la métamorphose de cet homme qu'il s'est parfois mis à détester, voire mépriser.
L'écriture est très belle et retranscrit tellement bien ce que peut ressentir un ado dont la vie bascule dans autre chose, dans une sorte de deuil inattendu et très douloureux. Je me suis imaginée à la place de Charlie et j'ai compris ce qu'il ressentait, comme si la terre s'ouvrait sous ses pieds. Pourtant que faire ? Comment réagir ? Ce n'est de la faute de personne. Ce n'est même pas une faute.
Et la mère dans tout ça ? Elle fait figure de fantôme dans un premier temps. Vraiment. À la même vitesse que le père s'épanouit, la mère et Charlie s'étiolent. La chenille devient papillon pendant que les deux autres humains de cette famille deviennent zombies.
Tout est si bien décrit, la peur de beaucoup de choses, de l'inconnu notamment, de la cruauté du monde, de la bêtise humaine, de la souffrance liée au rejet et aux moqueries, de l'homophobie (oui, oui), de la transphobie, et du harcèlement. Les crachats et les insultes. Les langues de vipère, au travail, dans le voisinage, au supermarché. Car les gens aiment se moquer, blesser, rejeter, mais se rendent-t-ils compte qu'en faisant cela ils abîment une personne dans son estime de soi et rendent sa vie beaucoup moins belle ?
Il y a beaucoup de moments douloureux car changer de genre doit véritablement être un séisme de magnitude XXL et c'est réellement un parcours du combattant pour toute la famille, mais énormément d'amour et d'abnégation s'affirment au fil du temps.
J'ai adoré cette histoire, et vraiment, j'ai trouvé le style de Julien Dufresne-Lamy sublime, souvent métaphorique et toujours poétique, et parfois je me demande comment font certains auteurs pour mettre autant de beauté dans un récit. Car ce parcours de vie, qui raconte une transition douloureuse pour toute la famille mais un espoir absolu pour le père et finalement de l'amour encore et toujours, est superbement raconté, avec parfois un aspect onirique. Chaque mot est le bon, chaque tournure de phrase est parfaite. Je me suis tout de même demandé si on appelle toujours Papa son père devenue femme.
Ce livre nous montre aussi qu'on ne vit pas le monde de la même façon, qu'on soit homme ou femme, avec ou sans transition.
Énorme coup de cœur pour ce roman extrêmement intelligent, âpre et soyeux à la fois.
À treize ans, Charlie a surpris son père en train d’essayer des perruques féminines dans leur garage. Ce fut son premier « tremblement de terre » …
Puis, sous une toile de tente, à Noirmoutiers, ce même père a « bousillé » leurs vacances en leur annonçant officiellement savoir – depuis l’âge de cinq ans – qu’il était une fille et qu’il ne voulait plus continuer à le nier (malgré le fait qu’il les aimait plus que tout …)
À quinze ans, Charlie patiente dans une salle d’attente d’hôpital (toujours en présence de sa mère) que son père « meurt » sur une table d’opération afin que puisse naitre Alice. Il va alors se remémorer toutes les épreuves endurées et les souffrances subies depuis deux ans (moqueries scolaires, insultes, honte, dégoût, colère et révolte …) Les – ô combien violents – séismes de son quotidien … Avant d’être en état de sortir d’un puits qu’il croyait sans fond et de découvrir son amour profond à l’égard de son géniteur. De réaliser l’importance des douleurs (physiques et psychologiques) endurées par celui-ci, ainsi que le courage moral qu’il lui aura fallu, afin de s’affirmer en vue d’exister aux yeux du monde et de ses proches.
Un beau récit (sans concessions ni faux-semblants) à la fois cruel et tendre, qui décrit en détail le long chemin de croix parcouru par toute une famille, puis les énormes sacrifices (non moins nécessaires) pour que l’un d’entre eux puisse s’ouvrir à la vie.
Touchant et bluffant, j’ai beaucoup aimé ce texte qui inspire le respect et l’empathie !
« Je crois que, comme toutes les plus belles déclarations d’amour, il y a des mots qui restent à jamais, pour peu qu’on change ou qu’on se relève des ruines, des mots qui creusent en soi, qui à perpétuité se nichent dans l’ADN, des mots tissés dans les fils de la chair, pour toujours indélogeables »
Mais quel roman ! Quel coup de cœur !
J’aime tant la plume de cet auteur que les sujets qu’il aborde à chaque fois.
Plus je lis de ses livres, moins j’ai envie de finir le roman… je tarde pour rester dans cet univers.
Ce roman m’a profondément touché, ce tremblement de terre.
Qui peut mieux décrire cette transidentité du père que Charlie, l’adolescent, leur fils.
Ainsi nous attendons avec Charlie, à l’hôpital, pour la dernière intervention, la vaginoplastie d’Alice. 4h de cette famille où Charlie se remémore l’ensemble des étapes à travers lesquels ils sont tous passés.
Tant d’amour, tant de renoncement, tant de colère, tant de compassion.
Charlie, comme vous, comme moi, on lui a appris le langage. On lui a appris à nommer. A genrer. Féminin. Masculin.
Il a quinze ans.
La leçon est assimilée.
Le voici contraint de desapprendre.
Vite et violemment.
La salle d'attente d'un hôpital. A ses côtés, sa mère.
Au bloc opératoire, son père. Où des chirurgiens s'emploient à lui construire un vagin.
Son père. Alice. Trans.
Ce sont les mots et les souffrances de Charlie, du petit garçon face à l'inconnu. A l'impossible. Un parent qui change de sexe. Qui exprime ce mal-être et ose offrir ça à sa famille : la liberté d'être soi. Avec ou sans mot.
Parce que des mots, finalement, il y en a trop. de quoi y perdre son identité à vouloir tout nommer, précisément. Comme une révolution qui ne saurait plus son but.
Du père, Alice, il est peu question, intrinsèquement.
Le sujet n'est pas le parcours du combattant de ce père de famille. Mais celui de son épouse, un peu. Cette femme insultée par le voisinnage, cette femme qui s'interroge sur sa sexualité, suis-je lesbienne maintenant, est-ce un homme que j'ai aimé, son corps d'homme, ou suis-je capable de continuer à aimer cette femme qui est mon mari...
Et puis Charlie. Qui doit faire le deuil de l'image du père traditionnel.
Leur terre tremble.
Assez fort pour tout casser ?
On a classé Julien Dufresne-Lamy comme porte-parole queer, avec ou sans son consentement, je l'ignore.
Mais je trouve une certaine originalité à se placer loin des souffrances, des pensées, des angoisses, d'Alice. Elle est là, en filigrane, en toile de fond. La parole est donnée au fils, uniquement, et l'on perçoit l'impact sur un esprit modelé, et l'amour et la force qu'il faut pour sortir de ces carcans. Encore plus quand il s'agit de vos modèles. Vos héros. Vos parents.
Le sujet porte l'écriture.
Sans quoi, le livre s'effondrerait.
On est dans l'air du temps, somme toute.
Ça se lit, vite et bien. Ça laisse quelques interrogations, et tant mieux.
Ce matin, je me suis assise aux côtés de Charlie dans la salle d’attente un peu triste d’un hôpital. Avec lui, j’ai attendu qu’Alice naisse. Alice, ce n’est pas la sœur de Charlie. Alice, c’est le père de Charlie. Ce père qui, il y a deux ans, a fait trembler le monde de Charlie, celui de sa mère aussi. Dysphorie, transgenre, transidentité : autant de mots nouveaux entrés dans la vie du jeune garçon comme par effraction.
Assise sur cette chaise d’une salle d’attente d’hôpital, j’écoute jusqu’au bout Charlie raconter son séisme. Voilà deux ans que la révélation sous une toile de tente à Noirmoutier a bouleversé tous les repères. L’annonce qui chamboule le fils, remue la mère, bouscule l’équilibre et tout ce qu’on croyait.
Aujourd’hui, c’est celui de la transition, celui du nouvel éveil, celui de la mort aussi d’Aurélien, l’homme que Charlie voyait dans le père. Pendant les quelques heures que va durer l’opération, Charlie se souvient. De tout. Du choc, des perruques, de la colère, des talons hauts, du père d’avant, des breloques, du silence de sa mère, des hormones, des mots qui blessent, des robes, des autres que l’on fuit, des rendez-vous chez les spécialistes en tout genre, de la honte, de la première épilation, de sa mère qui tombe, des seins qui pointent, d’avoir changer de camp, de ce qui ne sera plus. Les souvenirs affluent et avec eux, tout ce qu’il n’a pas toujours voulu voir : un père « déguisé » surpris au fond d’un garage, une mère qui, elle aussi, sait garder ses secrets profondément enfouis.
Mon père, ma mère, mes tremblements de terre, à l’instar du précédent roman de Julien Dufresne-Lamy, Jolis Jolis Monstres, n’est pas de ces livres qui cherchent à donner des leçons. En donnant une voix aux « oubliés » de la littérature, Julien Dufresne-Lamy fait bouger les lignes avec humanité. Il y a dans l’histoire de Charlie et de sa famille, l’histoire d’une dysphorie, l’histoire d’une transition mais surtout et avant tout l’histoire d’un amour incommensurable d’un fils pour son père, d’une femme pour son mari, d’un père pour son fils, d’un mari pour sa femme, d’une famille. Aimer ce n’est pas dire oui à tout, toujours. Mais aimer c’est comprendre. Aimer c’est accepter l’autre dans son entièreté et sa différence, au-delà de l’image que l’on s’était forgée. Une nouvelle fois, Julien Dufresne-Lamy aborde avec pudeur des thèmes sociétaux, débarrassés des clichés simplistes, obligeant à élever le regard, à s’interroger en invitant le·la lecteur·trice à passer quelques heures au plus près de ses personnages profondément humains, remplis de larmes et de cris, de sourires et de silences, pleins de la tragique beauté dont est faite la vie.
Charlie, un ado, nous raconte les tremblements de terre de sa famille. Le premier est arrivé pendant son année de 4ème, sa mère avait organisé des vacances dans un camping à Noirmoutier. Un soir, dans la tente, son père leur a dit sa « dysphorie du genre », sa « transidentité » ou son « trouble de l’identité de genre ». Sa mère et lui n’y comprenaient rien alors il leur a dit : « Je suis une femme. A l’intérieur, une vraie. Ce n’est vraiment pas grave. Je t’aime. Je vous aime. Mais je n’ai jamais été un homme. »
Après ce séisme, il découvre le secret de son père. Les perruques et les robes cachées dans le garage. Au début, Charlie ne supporte plus son père, ses mensonges sont durs à avaler. Et toute l’attention est tournée vers son père. Il monopolise la parole. « Mon père me volait ma crise d’adolescence sans trembler. »
Puis son père annonce sa transition à son entourage, ses collègues. Il enchaîne les rendez-vous médicaux et psychologiques, jongle avec des traitements aux effets secondaires. « Chez nous, la secousse a duré deux ans. »
Au collège, tout allait bien jusqu’au jour où son père est venu le chercher sans prévenir, avec sa perruque. C’est le début des moqueries puis du harcèlement. Charlie se réfugie au CDI, décroche et est déscolarisé.
Ensuite c’est sa mère qui explose et décide de partir habiter un temps chez sa sœur, Rita, avec Charlie.
« Il y a deux sortes de gens affreux dans la vie. Les gens qui ont un avis sur tout. Et les gens qui tendent la main à tous sauf à ceux qui en ont besoin. Rita et Jo, c’était la combinaison hypocrite des deux. »
Charlie nous donne des repères avec les numéros de nuits qui ont suivi le premier tremblement. Désormais il essaie d’utiliser le pronom « elle » quand il parle de son père et de mettre au féminin tout ce qui se rapporte à lui.
« Nuit 404, mon père rentre du travail effondrée. […] Mon père a été virée du laboratoire après avoir annoncé sa vaginoplastie. […] Avec le licenciement de mon père, mes parents n’ont pas eu d’autre choix que de financer l’opération de réassignation. »
Puis vient le jour de l’opération. Charlie se pose des questions, toujours et encore. Auront-ils toujours des passions communes après cette ultime étape ?
« Dans 4 heures, Papa aura disparu.
Une mort, pas vraiment.
Une absence pour toujours. »
« Papa.
Est-ce que je pourrai encore l’appeler comme ça ? »
Le roman alterne entre les moments au présent, pendant l’opération chirurgicale, et les souvenirs de Charlie. Dans la salle s’attente, il rencontre Marin(e), une jeune femme qui aborde sa transition pour être un homme. Ils discutent et Marin lui dit qu’on ne peut pas « préjuger du genre des individus » que l’on rencontre. Il faut les laisser se présenter.
« Avoir un parent trans, faut que tu saches que c’est une chance. T’as une alliée pour l’éternité. Parce que ton reup a l’expérience des corps, elle te guidera. Quand c’est l’enfant qui transitionne, c’est la rupture : notre corps, celui des autres. » Les parents se trouvent démunis, surtout avec les garçons trans, car l’espoir d’avoir des petits-enfants s’efface.
Les chapitres sont courts et s’enchaînent. Avec cette voix d’ado sincère, on va à l’essentiel, sans détour, c’est captivant. Dans ce roman, on apprend beaucoup de choses, même si, comme le dit Julien Dufresne-Lamy à la fin de l’ouvrage, il n’y a pas de réalité ou de parcours unique. Chaque transition est différente. L’histoire de cette famille est touchante. Les personnages sont attachants. L’auteur nous montre ce combat de tous les jours pour être différent mais surtout être soi. Après toutes ces épreuves et doutes, ce qui triomphe au final c’est l’amour de cette famille. C’est tout simplement beau. Merci pour ce texte et d’avoir donné une voix à une minorité.
Je vais enchaîner avec la lecture de « Jolis jolis monstres », son précédent roman sur la culture drag qui a reçu plusieurs prix.
Un auteur est un livre a decouvrir ,superbe histoire de famille avec ses hauts et ses bas comme a chacun ,encore un livre que je conseille de decouvir aux lecteurs
C'est un après-midi dans un hôpital que le père de Charlie, 15 ans, a disparu. Une disparition programmée, une disparition souhaitée, une disparition qui en fait s'étale sur deux années. A petits pas, par petit bouts, par des détails. le long parcours se termine aujourd'hui. Aurélien va pouvoir être pleinement Alice.
Dans un va et vient entre la salle d'attente où Charlie et sa mère patiente durant l'opération de réassignation et les années qui ont précédé ce moment, Julien Dufresne Lamy raconte le tremblement de terre qu'ont dû affronter Charlie, sa mère et son père. Parce que Aurélien/Alice ne va pas traverser seul cette faille sismique. Avec lui, son gosse, son épouse embarquent. Rejet, doute, colère, préjugés...
Il fallait toute la sensibilité de JDL pour éviter le sentionnalisme. Tout en pudeur, en douceur, la transidentité d'un père deviendrait presque une banale histoire de famille. Une famille qui traverse des tempêtes, des séismes mais qui se tient droite, unie face aux tourments de la vie.
Pourtant l'auteur ne fait pas dans la simplification du sujet. Il aborde tout, le médical et le psychologique. Les traitements d'Aurelien sont énumérés, expliqués. Les conséquences sur la vie au collège pour Charlie, les passages dépressifs de sa mère, chaque oscillation dans le processus d'acceptation est décortiqué.
J'ai lu ce roman juste après « Fille, femme, autre » de Bernardine Evaristo. Indéniablement les deux livres n'ont rien à voir mais ils sont entrés en résonance en pointant du doigt le système binaire homme / femme et en nourrissant ma réflexion.
Après ses « Jolis, jolis monstres », Julien Dufresne-Lamy récidive en mettant en lumière une trajectoire de vie en marge de la soi disant « normalité » et c'est à nouveau une ode à la diversité et à la tolérance, un hymne à l'amour et à la bienveillance.
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