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Quand j'ai emménagé coin Cuvillier et Sainte-Catherine, dans Hochelaga, je pensais avoir tout gâché, tout perdu. Autour de mon appartement, il y avait les ouvrières et les enfants d'autrefois, il y avait les filles de la rue, leur présence comme une menace, mais aussi un mystère, un espoir. Un jour je descendrais les rejoindre, pour de bon.
« Tout ce que j’ai fait dans ma vie et dont j’ai eu honte, je l’ai fait parce que c’était raisonnable »
Jana Cerdá
Une déambulation à marée-basse. Un kaléidoscope d’ombre et de lumière. Une marche à pieds nus sur des aiguilles de pin où tout advient subrepticement.
Ces myriades de fragments, confidences à cœur et à cris, latitude et crépuscule. Ici, la vie même est une noria d’oiseaux migrateurs en plein vol.
Poèmes, labyrinthes, les courants d’air octroient les mots, délivrances, douleurs infinies, les joies pleines ou tristes .
D’une contemporanéité criante et vénérable, poèmes engagés, main d’homme qui bâillonne et fait trembler les murs frigorifiés.
La peur-étincelle, vive, brûlante, les ombres-pièges, femme-poète au manteau lourd gorgé de pluie.
Et puis, il y a ça :
« ma gardienne s’appelle Lisette…
elle dit ne perds pas ton cœur d’enfant
elle me fait jurer ne deviens pas méchante
comme les adultes
Lisette ne sait pas bien lire ni compter
mais elle a toujours un livre »
Et soudainement tout rayonne, change et se superpose. Papillons de nuit, regards baissés, les rêves éclatés et l’intrinsèque s’élève.
Sociétaux, intimes, féministes dans cette beauté altière des vérités dénouées, les poèmes sont des flambeaux qui transpercent les nuits.
« le mysticisme se lit à l’envers
de ce côté-ci du monde
je voudrais des pages et des pages
je voudrais des murs gris
d’une chambre d’ascèse »
Marche somnambule, lorsque tout s’arrête et que retentit la corne de brume. Enfants brûlés dans un cinéma en flammes, bêtise humaine , l’arrogance des puissants, le cinéma Laurier Palace, proie qui avale ses petits.
On écoute à voix basse les litanies sans point ni virgule dans cette ponctuation des invisibilités.
« on reconnaît un geste
à sa lenteur
le tracé d’une main
des mots qui appellent les suivants
tais-toi écoute
ce que j’ai vu s’entend »
Initiatiques, laves de volcan, étincelles et rêves brisés, apprendre de l’expérience, la mue de la femme. Elle, Nelly Desmarais, formidable et digne, assumée et résistante, porte-voix de sa vie-même dont les éclats transpercent ces pages dévorantes et altières tels des perce-neige.
« Tout ce que je sais
me monte aux yeux »
C’est l’heure de l’écoute dans les veillées mages et salvatrices. « je suis la foule vers le fleuve »
Publié par les majeures éditions Le Quartanier éditeur
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