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A 20 ans, on le voit chez Madame Arman de Cavaillet, chez Mme Strauss, chez Madame Lemaire ; il y croise Anatole France, Dumas fils, Maurice Barrès, les Daudet mais aussi les grands noms de l'aristocratie : la comtesse de Chevigné, le comte de Montesquiou, le comte de Turenne ou encore la princesse Mathilde. Dans les comptes-rendus mondains que donnent les journaux, son nom est de plus en souvent cité.
Mais comment diable a fait le jeune Marcel Proust pour s'introduire dès ses vingt ans dans les salons les plus mondains de Paris ? Il part pourtant avec de sérieux handicaps pour mener une vie mondaine. Son père est le fils d'un épicier de village. Sa mère appartient à une famille juive. A une époque et dans un milieu qui entretiennent le culte de la naissance, et à quelques années à peine de l'affaire Dreyfus, il s'agit là de deux péchés originels qui semblent irréparables. Et puis Marcel est victime d'une santé fragile. Comment ne pas passer pour un fâcheux quand on porte en permanence même en été une écharpe et un épais manteau ? Mais il y a pire : un goût si prononcé pour les garçons qu'il ne cherche pas dans sa jeunesse à le cacher et qu'il en parle souvent avec ses parents. L'heure n'est pas encore à l'acception amusée de l'homosexualité.
On croit que le jeune Proust manque de volonté, qu'il se laisse vivre. Erreur. Il en fallait au contraire beaucoup pour vaincre ses handicaps, et plus encore pour s'opposer à son père qui veut lui imposer un travail. Pour lui échapper, la technique de Marcel est le repli stratégique : le premier d'entre eux est son engagement inattendu dans l'armée. Une manière de gagner une année, une décision difficile à prendre pour cet asthmatique qui n'a jamais quitté sa mère plus d'une semaine ; il sera avant-dernier au classement de son régiment. A son retour, il se lance à corps perdu dans les études : les Folies Bergères, l'Alcazar, l'Odéon. Il est nommé bibliothécaire dans une bibliothèque où il ne mets jamais les pieds : il a gagné, ses parents le laissent tranquille, il peut enfin se consacrer uniquement à sa vocation littéraire.
Des salons à l'écriture On a parfois l'impression que Marcel Proust a passé une jeunesse dorée de dilettante et que soudainement, une fois la trentaine passée, il fut comme touché par la grâce littéraire qu'il lui permit d'écrire son chef d'oeuvre : La Recherche du Temps perdu. Ce portrait de Marcel Proust à 20 ans permet de mesurer au contraire la continuité qui existe entre le jeune Marcel fasciné par les salons et le Proust de la maturité qui les dissèque avec ironie. Les femmes et les hommes du monde qu'il a rencontrés durant sa jeunesse Belle Epoque étaient déjà des personnalités, il en fera ses personnages.
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