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Dans l'histoire de l'habitat, la période 1880-1914 est souvent considérée comme une transition, entre l'hausmannisme et le mouvement moderne, un temps d'éclectisme traversé par quelques trajectoires individuelles glorieuses ... Ce livre montre que, bien au contraire, le tournant du siècle à Paris marque le début de la manière moderne d'habiter. Les bases de cette nouveauté sont techniques et sociologiques tout à la fois. C'est l'apparition des matériaux nouveaux - le béton armé, le fer, le verre - qui sont utilisés pour satisfaire les exigences nouvelles de confort et d'hygiène. Ce sont les nouvelles techniques de distribution de l'eau, du gaz, de l'électricité, les inventions de l'ascenseur, du téléphone, qui modifient et la façon d'habiter et la vie privée elle même. Si l'habitat de luxe est extrêmement confortable, l'habitat populaire évolue lui aussi de façon spectaculaire. Les fondations philanthropiques construisent des habitations à bon marché où toutes les situations sont envisagées (loger les familles et les célibataires, les ouvriers et les employés ...), et où l'équipement et même le mobilier des pièces sont intégrés : fixer dans un logement décent les « classes dangereuses » les intégrera dans la société en leur faisant intérioriser les valeurs morales des classes privilégiées. Monique Eleb et Anne Debarre envisagent les mutations - du salon aux toilettes, de la cuisine à la chambre de bonne - selon l'évolution rapide des moeurs, des rapports entre les hommes et les femmes, entre les possédants et les autres. Si l'on peut encore écrire qu'« un loyer modeste permet un train de vie modeste, et une simple servante n'y sera jamais déplacée ; tandis qu'un appartement luxueux la rend ridicule et c'est un laquais qui doit ouvrir la porte aux visiteurs, si on ne veut pas passer pour cadre ou pour faux riche », s'il est admis que « le bain en baignoire ... est trop long et trop cher pour la masse des ouvriers », à la fin de la période, « la France urbaine et bourgeoise est enfin prête à accepter la propreté blanche et brillante des salles de bains-laboratoires qu'elle avait refusées à l'Exposition de 1900 ». Le livre se termine par l'évolution du décor : tradition, Art nouveau et prémices du modernisme s'y associent dans un foisonnement souvent magnifique. L'illustration, qui réunit documents d'époque, peintures (de Vuillard à Valloton en passant par Manet et Caillebotte) et photographies contemporaines, sous-tend sans faille le propos.
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