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Mars 1825 : le théâtre de Weimar brûle. Goethe, qui l'a fait construire puis l'a dirigé pendant près de trente ans, voit dans cet incendie « le bûcher de ses souvenirs », et sans doute aussi la prémonition de sa propre mort. On peut en lire la confidence dans les Conversations de Goethe avec Eckermann, livre étonnant qui décrit jour après jour les dernières années de la vie du plus grand écrivain allemand.
Mais Eckermann a-t-il tout dit ? Il semble bien que non. Un témoin jusqu'ici méconnu prend la plume et raconte. On découvrira dans son récit, retrouvé après plus d'un siècle et demi d'oubli, un Goethe-Phénix qui renaît de ses cendres, rêve un théâtre entièrement nouveau, et convie quelques amis, au nom de cette utopie, à une cérémonie secrète, « car lorsqu'un malheur survient, lorsque la mort nous frappe, lorsque la destruction nous menace, il importe de réaffirmer au plus vite les forces de la vie. C'est pourquoi j'avais besoin de vous aujourd'hui : pour que nous formions un cercle enchanté ».
Quand Robert Doolan reçoit une lettre d'Allemagne lui annonçant la mort de son ami Eckermann, ses souvenirs le ramènent quelques trente années plus tôt. Encore jeune alors, il était allé passé quelques mois à Weimar pour y apprendre l'allemand et s'imprégner de la culture du lieu. Le hasard avait voulu qu'il assiste à l'incendie du théâtre de la ville, celui-là même que Goethe avait dirigé pendant très longtemps. Son amitié avec Eckermann lui avait permis d'approcher le grand écrivain au moment où il se désolait de cette terrible perte qu'il pensait annonciatrice de sa propre fin, mais se réjouissait aussi à l'idée de concevoir un nouvel opéra.
Un roman délicieusement érudit dans lequel Jean-Yves Masson, par l'intermédiaire d'un témoin inventé mais privilégié, nous convie aux côtés d'un Goethe, déjà âgé mais toujours enflammé. On y découvre un homme cultivé, passionné, plein de projets et grand amateur d'opéras. C'est l'occasion aussi de redécouvrir Eckermann, trop souvent réduit au rang de secrétaire du grand homme, alors qu'il était un ami, un confident et surtout le dépositaire de l'oeuvre colossal de l'écrivain.
Un livre au charme volontairement désuet qui décrit comme si on y était la belle ville de Weimar, alors capitale du Grand Duché de Saxe-Weimar, mais aussi la campagne alentours et la maison de Goethe où l'on assiste à une représentation clandestine de La flûte enchantée dont Goethe tentait d'écrire la suite.
Une belle lecture, à découvrir même si l'on a jamais lu Goethe, ne serait-ce que pour apprendre à le connaître et profiter de la jolie plume de Masson qui a su si bien décrire l'homme et son époque.
Un grand merci à Lecteurs.com et Dominique Sudre pour ce cadeau.
Je ne connais que peu de choses sur Goethe. C'est un inconvénient quand on lit cet ouvrage.
Robert Doolan raconte sa vie à Weimar auprès de son ami Eckermann, connu pour avoir été en quelque sorte le secrétaire particulier de Goethe. Jeune diplômé, il y va pour apprendre la langue allemande.
Le récit de sa vie là-bas commence avec l'incendie du théâtre de Weimar, dirigé par un Goethe dans les dernières années de sa vie. Anéanti un ou deux jours, il retrouve l'entrain et projette déjà une reconstruction.
En attendant, il ne faut pas que la culture s'arrête à Weimar. S'ensuit la deuxième partie du roman où il est question de La Flûte Enchantée de Mozart et l'écriture d'une suite par Goethe. La description de la représentation de l'opéra est rendue comme réelle. C'est une très jolie scène, très visuelle.
L'écriture de Robert Doolan/Jean-Yves Masson est agréable à suivre. L'auteur retranscrit à merveille le côté 1854, date du récit de Doolan, dans son style.
A destination d'un public averti.
"J'ignore si quelqu'un lira les pages que je m'apprête à écrire. Mais c'est avant tout pour moi-même, je le sens depuis un moment, que je dois tenter de fixer le souvenir que je garde de quelques journées bien précises de ma jeunesse. […] rien ne m'empêche de raconter l'histoire telle que je l'ai vécue puisque mes souvenirs sont si précis."
La mort de son ami Eckermann en décembre 1854 et la feuille de papier – désormais jaunie et légèrement brûlée qu'il lui a léguée – est pour Robert Doolan l'occasion de replonger dans ses souvenirs. "Du papier brûlé, il semble que monte encore la légère odeur des cendres. Même si ce n'est qu'une illusion, cette odeur est celle de mes souvenirs."
Son récit nous ramène en mars 1825, à Weimar. Le théâtre de la ville brûle. Goethe, qui l'a fait construire puis dirigé pendant près de trente ans voit dans cet incendie "le bûcher de ses souvenirs"n et sans doute aussi un présage de sa propre mort. "Devant vous, je n'ai pas le courage de feindre. J'ai autant de chagrin que si j'avais perdu un être cher. Le théâtre, mon théâtre, n'est plus qu'un monceau de cendres. […] C'est le bûcher de mes souvenirs. J'en ai le cœur navré." On peut lire la confidence de cet épisode dans les Conversations de Goethe avec Eckermann, livre étonnant, "ouvrage unique en son genre : un portrait en mouvement perpétuel, d'une vérité saisissante, où l'on voit vivre" Goethe dans les dernières années de sa vie. Il semble cependant que, malgré toute sa rigueur, Eckermann – davantage confident, assistant et homme de confiance que secrétaire – n'ait pas tout dit. Et c'est donc Sir Robert Doolan, témoin jusqu'ici méconnu, qui prend la plume et raconte. Il décrit bien sûr tout d'abord l'incendie du théâtre mais ce dramatique événement est surtout le point de départ d'un récit qui nous entraîne bien plus loin, dans l'intimité de Goethe, "homme passionné, plein d'enthousiasmes violents, sujet à la mélancolie et même au désespoir, mais qu'il avait appris à ne pas montrer." Bien que déjà âgé, et affaibli, l'écrivain se montre brillant, pensant à achever enfin sa continuation de La Flûte Enchantée, rêvant d'un théâtre entièrement nouveau – dont il dessine lui-même les plans –, et conviant quelques amis, au nom de cette utopie, à une représentation secrète. "Car lorsqu'un malheur survient, lorsque la mort nous frappe, lorsque la destruction nous menace, il importe de réaffirmer au plus vite les forces de la vie. C'est pourquoi j'avais besoin de vous aujourd'hui : pour que nous formions un cercle enchanté."
La plume inspirée, vivante, vibrante de Jean-Yves Masson emporte le lecteur et le transporte à Weimar, au milieu de ses personnages. Cultivé et érudit sans être ni pontifiant ni pédant, son roman est un merveilleux voyage dans le temps et l'espace, le pertinent prétexte à de superbes pages sur l'époque, le théâtre, la littérature, et l'opéra – avec certaines longueurs parfois dans l'analyse fort détaillée de La Flûte Enchantée. L'ouvrage n'en demeure pas moins virtuose, passionnant, enchanté et enchanteur, porteur de promesses et d'espérance.
"Il faut vivre pour le présent et surtout œuvrer pour l'avenir. Oui, il faut bâtir pour l'avenir, si médiocre que soit l'époque à laquelle nous avons abordé. Les choses du passé ont droit à notre amour dans la mesure où elles nous le demandent, mais en vérité, c'est pour ce qui est nouveau qu'il faut vivre."
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