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La fugue, la délinquance, le meurtre : en quelques jours, pour une amourette avec une fille de son âge, Ben Galloway, à seize ans, a commis l'irréparable. C'est dans la prison d'Indianapolis que son père, Dave, modeste horloger d'un village de l'État de New York, le retrouve. Mais le garçon se mure dans un silence hostile que n'entameront ni le procès, ni la condamnation à la prison perpétuelle. Comment, pourquoi cet enfant qu'il a élevé seul sa mère les a quittés quand il avait six mois - a-t-il pu devenir à ce point un étranger ? Qu'adviendra-t-il de l'enfant qui va naître de la brève union de Ben et de Lillian ?
Ce livre fait partie des livres « durs »de Simenon et c’est un diamant brut.
Dave Galloway, 43 ans s’est installé à Everton, il y a un peu plus de quinze ans.
Il est horloger et a élevé son fils, seul.
Il mène une vie plutôt routinière, la journée il travaille dans son magasin-atelier, le soir il dîne en principe avec son fils. Le samedi soir il va chez son ami Musak, ils jouent au jacquet, l’été chacun dans un rocking-chair sur dans la véranda d’où ils peuvent voir et entendre le match de baseball hebdomadaire, et boivent du Rye.
Ce samedi-là, au moment de se quitter Musak demande :
« Toujours content de votre fils ?
Très content.
C’est sans doute un brave garçon, prononça Musak.
Pourquoi disait-il cela avec l’air de conclure un débat, de mettre un point final à la conversation ?
Qu’est-ce que cette phrase signifiait au juste ?
Peut-être Dave Galloway était-il trop sourcilleux quand il s’agissait de Ben ? »
Sur ces dernières paroles, Dave Galloway rentre chez lui. Ben n’est pas rentré.
C’était déjà arrivé deux fois, la première la voiture de son copain était tombée en panne, la deuxième fois Ben avait pris sa première « cuite ».
Mais là, l’appartement lui parait différent, il en fait le tour, cherche un mot de son fils, rien. Ben a pris sa valise et ses affaires. Pourquoi ? Dave Galloway va passer une nuit blanche, les parents Hawkings viennent le voir, le père est alcoolique, de nombreux enfants, il les connait sans les connaitre, comme tous ses voisins d’ailleurs. Des relations de bon voisinage, de politesse, sans plus. Madame Hawkings lui apprend que Ben est parti avec sa fille Lillian, 15 ans et demi.
Il ne savait pas que son fils était amoureux, il n’avait rien vu.
Au petit matin, c’est la police qui se présente, Ben est accusé de meurtre, il a tué un homme et lui a volé son Oldsmobile bleue et ils sont en fuite.
Simenon, dès la première ligne a installé une atmosphère délétère dans une vie routinière de cet homme paisible élevant son fils.
Les voisins ne se manifestent pas, pas d’opprobre ni de manifestations de sympathie. Le lecteur pourrait croire qu’il ne s’est rien passé. Seul Musak est présent, sans jugement, juste dans l’accompagnement.
La vie de cet homme a volé en éclats, tout son corps est en éveil mais son cerveau est dans du coton. La police, les journalistes l’envahissent et il ne pense qu’à son fils, comment lui dire qu’il l’aime malgré tout, qu’il est et restera là pour lui.
« Ils ne faisaient pas de grandes phrases. Il ne s’épanchait pas facilement. Mais Dave, qui avait passé seize ans de sa vie à l’épier, ne le connaissait-il pas mieux que quiconque ? »
L’inspecteur qui gère le dossier, s’identifie à ce père et se dit que lui non plus comme beaucoup de parents, ne connait pas vraiment ses enfants. Cela donne une relation infiniment humaine.
« Je crains bien M. Galloway, que tous, autant que nous sommes, soyons les derniers à connaître nos enfants.
Il prendra le meilleur avocat de la région pour défendre son fils.
La situation lui échappe, il sera comme une balle de ping- pong pour les divers intervenants, mais surtout il va devoir affronter le fait que son fils ne veut pas le voir ni lui parler.
Le procès aura lieu, sans qu’il puisse accrocher le regard de ce dernier.
Le génie de Simenon, c’est cette analyse toute en finesse et profondeur, des gens ordinaires.
C’est la remontée, dans l’esprit de Dave Galloway, des origines de l’histoire qui nous permet de comprendre pourquoi cet homme voue un amour indéfectible à son fils.
C’est un livre poignant, sans pathos, des situations et des mots justes pour nous raconter une histoire pas si simple qu’elle le parait.
Si le film L’horloger de Saint-Paul avec Philippe Noiret dans le rôle du père et Jean Rochefort dans celui de l’inspecteur est fort sympathique, il n’a pas su prendre la substantifique moëlle de ce roman et c’est vraiment dommage.
Simenon savait écrire des livres très durs avec des petits riens, personne ne sait plus faire cela.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 22 décembre 2017.
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