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Londres, 1946. Une garde-malade gelée (et totalement démunie) frappe à la porte de la grande maison des Freud. Juive allemande, réfugiée en Angleterre depuis 1937, elle vient s’activer au chevet d’Anna (qui semble être dans un état de santé gravissime …) Martha, la mère de cette dernière, explique à la jeune femme (avec un très grand sérieux !) quel sera son rôle : elle doit parvenir à « donner le change » à Azraël (l’ange de la mort) en se faisant passer pour une Anna Freud en parfaite forme ! Afin qu’il ne puisse déceler qu’il n’est pas en face de la bonne personne à emporter … Anna Freud devenant – pour un temps – « Amy Laustair » … Bon, nous savons tous que la (trop) délirante supercherie de Martha Freud a parfaitement fonctionné, puisque sa benjamine est morte en 1982 …
Martha Freud a eu six enfants (trois filles et trois garçons) dont Anna est la petite dernière. De santé fragile et profondément attachée à son père, le grand Sigmund Freud, elle a dû se résoudre à renoncer à ses rêves d’enseignante. Une Anna Freud, à qui les « fées », penchées sur son berceau, n’avaient su offrir la beauté (contrairement à ses deux soeurs) et qui aurait tant voulu être aimée de Martha, comme le reste de la fratrie … Une fille « fusionnelle » avec son père et qui devint (à Vienne, en 1922) psychanalyste pour enfants, à l’âge de vingt-six ans …
Anna Freud a eu deux passions dans sa vie (tourmentée) : celle (franchement inattendue) du tricotage et surtout celle – plutôt impressionnante pour une femme à l’époque – de la psychanalyse. (Même si vous n’êtes pas n’importe quelle femme, lorsque votre géniteur s’appelle Sigmund Freud) Anna Freud aura eu deux grands attachements au cours de son existence : pour Lou (psychanalyste et vieille amie de son père) et Dorothy (divorcée et mère de quatre enfants)
Autriche, Allemagne, Angleterre, une très belle biographie (romancée sans excès) et dont la « modernité » séduit le lecteur ! C’est touchant, passionnant et instructif. Un récit captivant, qui se dévore d’un trait, tant on s’attache à la personnalité d’écorchée vive (mais volontaire) de la digne fille de son père ! Un gros coup de coeur et une de mes meilleures lectures de l’année 2024.
Avec cette biographie romancée, nous rentrons dans l'intimité de la famille Freud et plus particulièrement celle d'Anna, née à Vienne en 1895 et morte à Londres en 1982; c'était la dernière de six enfants, rejetée par sa mère car sujette à des crises d'angoisse, anorexique, capricieuse, refusant le destin d'épouse et de mère que la société de l'époque enjoint aux femmes d'embrasser.
Le destin d'Anna, c'est avant tout son père auquel elle voue une admiration sans borne et un amour exclusif et dont elle recherche, en permanence, la reconnaissance et l'approbation. En mai 2022, elle est admise au sein de la Société de Psychanalyse de Vienne et se spécialise dans la psychanalyse appliquée aux enfants dont elle deviendra une spécialiste reconnue. Mais lorsqu'en 1923, un cancer de la bouche est détecté chez Freud, elle sacrifie tout pour s'occuper de son père, être sa secrétaire, et à son décès en septembre 1939, elle n'aura de cesse de préserver son héritage intellectuel et scientifique envers et contre tous.
Anna ne s'est jamais mariée, n'a pas eu d'enfant mais a aimé et vécu une cinquantaine d'années avec Dorothy Burlingham, une psychanalyste américaine; elles élevèrent ensemble les quatre enfants de celle-ci, ont crée des institutions pour accueillir des enfants malmenés par la vie associant éducation et psychanalyse.
Anna était une femme à la constitution fragile mais également exaltée, instable, "hystérique" comme la qualifiait Freud, mendiant l'amour de son père; c'est d'ailleurs avec lui qu'elle a fait une analyse pendant trois ans en contradiction avec les préceptes de Freud qui conseillait de ne pas analyser les membres de sa famille.
Le roman est très intéressant pour l'arrière-plan historique, pour l'image de la société de cette époque, pour la rencontre avec Lou Andreas-Salomé et Marie Bonaparte, des femmes exceptionnelles, n'hésitant pas à revendiquer leur liberté et pour les évolutions de la psychanalyse à travers ses éminents représentants. La vie des Freud dans laquelle l'auteure nous fait pénétrer donne un éclairage plus intime de ce que fut Freud, de la vie austère et étriquée dans laquelle Anna étouffe mais qu'elle ne peut fuir, malgré son désir, par attachement pour son père.
Découverte très intéressante d'une femme qui a fait évoluer la pédagogie psychanalytique mais est restée malgré tout dans l'ombre de l'homme de sa vie, son père.
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