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Née à Beharré, au Liban, en 1937, Vénus Khoury-Ghata est romancière, traductrice, mais avant tout poète. Bien que passée d'une langue à l'autre, de l'arabe au français, elle continue pourtant à se demander : «Comment pleurer dans une langue qui n'est plus la tienne / quel nom donner aux murs non imprégnés de ta sueur». Interrogation surprenante, tant Vénus Khoury-Ghata maîtrise les deux idiomes, mais interrogation féconde puisqu'elle ne cache pas les affrontements toniques qui résultent d'une telle coexistence conflictuelle : «J'ai raconté mon enfance en prose et en poésie, précise-t-elle, dans un français métissé d'arabe ; la langue arabe insufflant sa respiration, ses couleurs à la langue française si austère à mon goût. Je devais écarter ses cloisons étroites pour y insérer ma phrase arabe galopante, ample, baroque. Avec le recul, je pense que la langue française m'a servi de garde-fou contre les dérapages. J'ai fini par me trouver à l'aise dans son espace. Mais je continue à entendre un bruit de fers qui s'entrechoquent comme pour un duel dès que je prends la plume. Deux langues s'affrontent sur ma page et dans ma tête.» D'où le titre quasi manifeste de cette anthologie : «Les mots étaient des loups». Car les mots sont les garants agressifs d'un conflit permanent qui convoque, et intervertit souvent, les vivants et les morts. Cependant ces mots qui allument leur mèche à on ne sait quel silex vont jusqu'à faire une escorte céleste aux pas des hommes sur terre :
Que savons-nous des sables enfouis sous les pieds des caravanes devenus silice éclats de verre vénérés par les chameliers comme débris d'étoile?
Cette anthologie de la grande poétesse originaire du Liban regroupe quatre recueils : Quelle est la nuit parmi les nuits – Les obscurcis – Où vont les arbres ? – Le livre des suppliques
Pour qui connait l’œuvre de Venus Khoury Ghata, on retrouve ses thèmes de prédilection comme le rappel des chers disparus, le frère poète et interné en hôpital psychiatrique ou encore la figure très présente de la mère qui revient comme un leitmotiv dans toute l’œuvre.
L’imagination de la poétesse se nourrit de sa culture arabo-libanaise, de son enfance et du quotidien. Le lyrisme côtoie le prosaïsme au coude-à-coude, comme dans « inhumations »
« Manches retroussées
Vestes accrochées au noyer
Ils se mirent à plusieurs pour éventrer la terre
Poser la caisse dans le rectangle rouge
Avec midi soleil et sueur »
Elle fait aussi la part belle au merveilleux, comme dans les contes
« Elle lui apprit les vingt et une manières de marcher contre le vent
Et comment se lever avant la lampe sans l’offenser »
Dans « Où vont les arbres ? «, elle mêle le quotidien de la mère aux arbres des jardins et des forêts comme autant d’êtres vivants avec leurs propres sentiments.
« Les arbres bien nés sont frileux… »
« Le saule n’attend aucune consolation »
« morte/ la mère ressembla au tilleul de la place »
Dans « Compassion des pierres », Vénus Khoury-Ghata se penche sur la question « D’où viennent les mots ? » Elle dévide un alphabet poétique. Il y a les mots cri, les mots larme, il y a le premier mot
« Les mots dit-elle étaient des loups » Les mots sont là pour dire le monde mais aussi l’autre côté du monde
« Des mots d’origines obscures qui sont l’ordinaire des morts »
Dans « Le livre des suppliques », Vénus Khoury-Ghata s’adresse à ce frère poète et toxicomane, trop tôt disparu
« Tu es démuni aux moineaux qui attaquent ton figuier et déstabilisent ton échelle »
Et ce dialogue à un mort et beau et émouvant.
Bien sûr, il y aurait encore beaucoup à dire, tant l’écriture de Vénus Khoury-Ghata est d’une grande saveur et d’une richesse inouïe, mêlant prosaïsme et références littéraires.
L’écriture sensuelle et métaphorique de cette grande poétesse est tout simplement sublime.
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