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Un métallurgiste charismatique. Un sculpteur au soir de sa vie. Un député aux dents longues. Trois hommes que tout sépare se retrouvent au coeur du combat pour sauver le dernier haut-fourneau d'Aublange, en Lorraine. Alors que l'élection présidentielle se rapproche, ravivant l'idéal d'un monde meilleur, les parcours s'entrecroisent, les espoirs grandissent. Face aux trahisons des politiques, aux plans de licenciements ou à la montée de l'extrême droite, la beauté n'est jamais loin. Notamment dans le spectacle grandiose de la fonte en fusion, la solidarité à l'oeuvre ou une naissance à venir.
Inspiré par la fermeture des hauts-fourneaux de Florange, ce roman est l'histoire d'une lutte collective et héroïque pour préserver son humanité face à la logique implacable de la finance. Bataille perdue d'avance ?
Un texte magistral qui réjouira les lecteurs de Hugo, Zola, Vailland ou Aragon.
"Le P3 a été mis à l'arrêt."
Le P3 c'est l'avant-dernier haut fourneau encore en activité à Aublange. Quand la menace de fermeture définitive se précise, trois hommes se lancent dans une lutte éperdue pour empêcher l'arrêt. Trois hommes venus d'univers opposés mais tendus vers le même combat désespéré alors que la campagne présidentielle bat son plein.
Daniel, le député ambitieux, honteux de ses origines ouvrières, Max, le sculpteur célèbre qui, au seuil de la mort, fait le constat désenchanté de "n'avoir jamais connu la fraternité" et Pierre, le syndicaliste en colère au charisme flamboyant, remontent, dans de courts chapitres, aux origines de cette résistance.
Car la fermeture des hauts-fourneaux n'est pas seulement synonyme de chômage, de précarité et de désertification. Ce qui tremble de colère et de chagrin, dans le roman d'Isabelle Stibbe, c'est aussi la négation et la destruction brutales de l'histoire et de la culture des métallurgistes. Son écriture porte le drapeau de Zola, d'Hugo, de Jaurès lorsqu'elle décrit les hauts-fourneaux en marche, l'effrayante beauté de la coulée de fonte en fusion, le savoir-faire des hommes et leur "dignité combattante" malgré la fatigue des corps. Elle fouille les ressorts cachés des histoires singulières aussi bien qu'elle embrasse d'un mouvement ample et lyrique les paysages exsangues, privés des hommes qui leur ont donné une âme, génération après génération.
"Les maîtres du printemps" rend aux métallurgistes de Lorraine la part d'honneur et de dignité qui leur a été arrachée. C'est un grand et un très beau roman !
La vallée de la Fensch en Moselle n’est plus la vallée des anges, elle va devenir la vallée de la mort. La mort de la sidérurgie, l’arrêt des hauts-fourneaux pour une vile question d’argent. Il faut le savoir, à Florange, pardon Aublange dans le livre, il y a des commandes, il y a du travail, mais l’indien comme ils l’appellent en a décidé autrement.
« Cette journée qui aurait dû être radieuse sous le soleil aguicheur mais non, putain de journée de juin, se lever et entendre ça, se prendre ce coup de poing dans la gueule qui les laisse là, sonnés, au bord de l’asphyxie, avec ce sentiment de vide qui doivent connaître au réveil les soldats amputés ». Le ton est donné, ce sera brut du côté du syndicaliste. Il parle avec ses tripes, avec sa peur au ventre, son désir de continuer ce travail si dur, si rude, mais qu’il aime, le mot est presque faible « C’est extraordinaire, quand tu vois la fonte en fusion qui jaillit, ce feu qui se déverse avec une puissance incroyable et que tu assistes à ça, c’est tellement plus grand que toi que tu ne voudrais être ailleurs pour rien au mode, et là tu l’aimes ton usine, tu l’as dans la peau. Après tu as beau revoir ce spectacle cent mille fois, tu ne t’en lasses jamais »
Alors, ils se battent et Isabelle Stibbe nous raconte cette bataille.
Ce livre écrit à partir de faits réels est ancré dans la réalité politique de l’élection présidentielle, la victoire du parti socialiste et, surtout, les espoirs que cette élection, suite aux promesses faites, a induit.
Livre à 3 voix et 3 couleurs.
Max (gris), le sculpteur au vocabulaire plus littéraire, plus sensuel « J’applique mes paumes contre la surface cimentée, comme un pianiste plaquerait un accord final. Je plonge dans le gris, m’en imbibe, deviens gris moi-même, m’étonne que ce soit si simple ». Son cœur est à gauche, mais, venant d’un milieu privilégié, il ignore le monde ouvrier, non pas par mépris, mais simplement parce que cela ne fait pas partie de son environnement. Il découvre Pierre « … quand un homme d’une cinquantaine d’années a accroché mon attention…. Ce type se bat pour sa peau. » et décide de créer sur le site d’Aublange sa sculpture gigantesque
Avec Pierre, le syndicaliste (rouge), c’est du brut, ça cogne mais ça pleure aussi. Ce fils d’immigré espagnol, syndicaliste dans l’âme, est l’incarnation de l’ouvrier selon Saint Media. « Ils viennent tous là pour nous interviewer, nous filmer, nous photographier, mais ils ne regardent pas l’usine comme nous. » Il se bat, avec ses camarades et les autres, pour sauver leur outil de travail, pour sauver leur vie, leur peau.
Daniel (blanc), ministre est souvent dans l’introspection, dans le doute. Fils d’ouvriers, il a tout fait pour oublier ses origines mais ressent dans ses fibres la fermeture des aciéries. Il est chargé de trouver une solution au problème d’Aublange.
Isabelle Stibbe nous raconte cette bataille. Son tour de force ? Changer de ton, de vocabulaire, de style pour chacun des trois intervenants, d’y avoir mis de la tripe, de l’humanité, de la poésie, de la beauté, de la vraisemblance.
J’ai vu vivre ces 3 personnages si différents qui, chacun à sa façon, lutte t pour ne pas que « l’Indien de mes couilles » ferme les hauts-fourneaux. Max, Pierre, Daniel nous livrent leurs états d’âme, leurs combats, le cheminement, la maturation de leurs pensées.
Un sacré bouquin, une belle écriture. Isabelle Stibbe se fait peintre, poète lorsqu’elle décrit le fer en fusion, se fait journaliste, polémiste, conteuse.
Une lecture passionnante où j’ai ressenti l’urgence, le temps de la lutte, de l’espoir. Le temps de l’analyse viendra plus tard.
« Tout à coup le silence. La boucheuse a injecté la masse d’argile réfractaire dans le trou de coulée. Un couvercle sur leur tombe. Cette fois, c’est vraiment la dernière coulée. »
Isabelle Stibbe écrit en exergue de son livre une très belle phrase pleine d’espoir de Pablo Neruda : « Nos ennemis peuvent couper toutes les fleurs mais ils je seront jamais les maîtres du printemps ».
J’aime le toucher de la couverture de ce livre tout de douceur dans sa couleur orange. Oui, comme le dit la 4ème de couverture, ce livre a du Zola, du Victor Hugo dans les veines. Quelles descriptions, quelles envolées ! C’est beau car vivant.
Vous l’avez compris : C’est un coup de coeur
« Les Maîtres du printemps « est un roman choral, articulé à partir de trois personnages principaux, dont les vies vont s’entrechoquer, se répondre, se faire écho.
Le premier acteur, Pierre Artigas, est métallurgiste à Aublange, localité de Moselle , de la vallée de la Fentsch, région de tradition industrielle autrefois propriété du comité des forges, et par voie de conséquence de la dynastie des de Wendel .Pierre, ainsi qu’il est nommé dans le récit, est syndicaliste, descendant d’immigrés espagnols ; il croit à la solidarité ouvrière, à l’importance de la perpétuation de l’industrie, à la perpétuation de la dignité ouvrière .Il s’implique sans compter dans des actions de toutes sortes : piquets de vigilance, interview auprès des médias pour faire céder « L’Indien » le propriétaire des hauts-fourneaux d’Aublange, peu désireux de prolonger l'activité industrielle en Lorraine
Le second acteur est Max OBerlé, sculpteur de renom, atteint d’un cancer qui lui laisse peu de chances de survie vu son grand âge –quatre-vingts ans, a pour dernier projet unes statue d’Antigone dans la nef du Grand-Palais .Il se laisse convaincre par des membres du ministère de la Culture, qu’il peut contribuer à la survie du site en sculptant à partir de l’acier produit à Aublange.
La dernière partie prenante est Daniel Longueville, homme politique, député du parti socialiste. Il convoite un maroquin, le portefeuille du ministère de l’Industrie, qui, il l’espère, lui permettra d’imposer nationalisation provisoire du site d'Aublange, et de sauver la production d’acier locale .Cet homme est en rupture, par rapport à ses origines modestes, il tente d'acquérir les codes pour s’imposer dans cet univers politique, cruel, implacable, surtout vis-à-vis de ceux non issus du sérail …
Isabelle Stibbe décrit l’intimité des réflexions de ces trois hommes, leurs ressorts les plus secrets, les plus intimes ; chacun contribuant pour sa part à enrichir cette réflexion sur le monde moderne, sur la condition ouvrière, sur l’art, sur le monde moderne, la nécessité de rêver grand, si l’on ne veut pas capituler en rase campagne et renoncer à ses idéaux, à transformer le monde.
L’un des grands mérites de ce roman est d’associer de nouveau la notion de beauté à l'univers ouvrier : celui de la production pure, brute : »Ne me branche pas là-dessus parce que je ne peux plus m’arrêter. C’est extraordinaire quand tu vois la fonte en fusion qui jaillit, ce feu qui se déverse avec une puissance incroyable(…) C’est tellement plus grand que toi que tu ne voudrais être ailleurs pour rien au monde, et tu l’aimes ton usine, tu l’as dans la peau. »
Par ailleurs, les personnages nous attachent en ce qu’ils sont en situation, pour des raisons différentes tenant à leur parcours, de donner le meilleur d’eux-mêmes pour sauver ce site industriel.
Le sculpteur Max OBerlé y voit comme un rempart contre sa propre maladie « L’humanité contre la rigueur de la loi, le cœur contre le calcul politique. La violence de l’histoire d’Antigone faite de morts et de rébellion me paraît la plus proche de la violence en œuvre à Aublange. (…) Antigone, celle qui dit non, c’est peut-être aussi ma façon, j’y songe soudain, de refuser mon cancer. »
On le voit, le roman d’isabelle Stibbe est un hommage aux héros positifs, au principe espérance .Il renoue avec des courants de la littérature française, Zola, Hugo, Aragon, Vailland, dont certaines citations sont, à bon droit, en exergue de certains paragraphes …Il instille l’idée, saugrenue de nos jours, que l’on ne doit pas, sous prétexte de courber l’échine sous un faux réalisme, renoncer à espérer, à changer le monde, à l’embellir .Peut-on décliner une telle proposition ?Assurément non .
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