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« Défense de déposer des ordures » : il a suffit de cette mention, en apparence anodine, sur la palissade d'un chantier, pour qu'Antoine jette ses clefs dans la décharge, décide de quitter l'ennui d'une vie de routine auprès de sa femme Maryse et son fils Tony, et de se mette en route pour « aller voir la mer ». Cependant, le roman de Fabienne Juhel n'est pas, loin de là, le récit d'une crise conjugale et existentielle. Car Antoine, que le roman désigne sous le mot « l'homme », comme si ce personnage devait incarner un échantillon de la condition humaine, est le produit d'une histoire complexe, qu'un récit, enchâssé dans l'intrigue générale, va nous dévoiler peu à peu.
Car « l'homme », lorsqu'il était « enfant », a été élevé par un couple étrange, « Les Ténébreux », frère et soeur en réalité, victimes durant leur enfance d'expériences scientifiques nazies, et ayant perdu, dans les camps, leur part d'humanité. Enfant adopté d'origine indienne, Antoine a été élevé sans amour, et instrumentalisé pour accomplir une mission barbare, que l'on devinera peu à peu. Pour purger sa mémoire et son coeur - la lettre d'un cardiologue semble avoir été déterminante dans sa décision de partir -, Antoine va devenir un homme qui marche, et dans sa traversée de la France, de Saint-Malo aux Saintes-Maries-de-la-Mer, fera des rencontres déterminantes, qui vont le réconcilier peu à peu avec son passé et lui-même.
Si je me conformais à l’usage de la critique contemporaine, je me tairais sur ce roman qui ne m’a pas plu… Et pourtant, c’est un livre d’une certaine qualité. Fabienne Juhel d’abord : j’avais apprécié son roman précédent, L’Angle du renard (2009), je retrouve sa tendresse pour les personnages, son style teinté de noirceur et de sensualité, son écriture nerveuse et précise. Mais elle est passée (sans me prévenir !) d’une vision réaliste du monde au surnaturel, son roman est un conte merveilleux et là, désolé, je ne marche pas. Question de goût, j’aime le réel dans la fiction et je coince sur le fantastique.
Poursuivant sur le mode énervé (la confiance déçue, Vesoul au lieu de Venise !), j’exprime ma lassitude de trop souvent rencontrer les mêmes trucs d’écriture. Ici, le montage “cut” enchaînant des chapitres très courts, est-on dans un clip ou dans un roman ? Personnellement je le perçois comme une facilité ; parfois justifié mais trop systématique. Autre tic, un langage qui se veut familier : « Lui aussi, l’homme, il aimerait », « Un pain aux céréales, elle avait précisé », « Alors, la nuisette, il ne la rapportera pas », etc… Et le livre, il est bon ? Bin…
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