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De 1960 à 2019, des centaines d'enfants ont été internés dans un foyer, le Village d'enfants de Riaumont, fondé à Liévin par le père Albert Revet. Ce religieux, admirateur de l'Allemagne nazie, a créé une communauté d'inspiration scoute où la DDASS plaçait des garçons, principalement issus de familles pauvres. En 1989, son successeur, le père Jean-Paul Argouarc'h, fonde une école privée hors contrat où des familles catholiques traditionalistes inscrivent leurs fils. Aujourd'hui, Riaumont est dans le viseur de juges d'instruction, suite aux plaintes déposées par des pensionnaires victimes de sévices et d'abus sexuels. Déjouant l'omerta qui a dissimulé les crimes de Riaumont durant des décennies, Ixchel Delaporte a retrouvé de nombreux témoins - anciens élèves, moines et éducateurs -, dont beaucoup s'expriment pour la première fois. Pour la plupart des victimes, les affaires sont prescrites. Mais tous décrivent un système sectaire qui, sous couvert de protéger des enfants, n'a eu de cesse d'exercer sur eux violences morales, physiques et sexuelles. Les faits terribles qui sont révélés par cette enquête soulèvent un cortège de questions : comment de tels abus ont-ils pu se perpétrer durant tant d'années ? Comment l'État a-t-il pu subventionner une institution intégriste et ultra- réactionnaire ? Comment l'Église catholique a-t-elle pu la couvrir ? À partir des archives et des témoignages, Ixchel Delaporte analyse les mécanismes qui ont permis que, durant près de soixante ans, des enfants soient impunément martyrisés avec le consentement de tous.
Un livre choc sur une communauté religieuse sectaire qui a perpétré durant de nombreuses années sur les enfants qu’elle était censée instruire et protéger des violences morales, physiques et sexuelles.
Fondé à l’origine par le père Albert Revet, le Village d’enfants de Riaumont à Liévin dans le Pas-de-Calais ouvre ses portes en 1960 et reçoit des centaines de jeunes pensionnaires issus de familles défavorisées ou défaillantes. L’admiration que porte le père Revet à l’Allemagne nazie le pousse à appliquer des méthodes d’éducation extrêmes, où la violence est exacerbée. Pour parfaire son « œuvre« , le père Revet a su s’entourer de prêtres et d’éducateurs ultra-conservateurs rigoristes adeptes de cette idéologie. Après que l’établissement ait perdu son agréement, en 1989, le père Argouarc’h, successeur du père Revet, fonde une école privée hors contrat dans laquelle des familles catholiques traditionalistes inscrivent leurs fils. Durant cette période, des plaintes sont déposées par des pensionnaires victimes d’abus sexuels et la tempête judiciaire éclate enfin. Soixante années durant lesquelles certains pensionnaires ont été victimes de mauvais traitements et d’abus, prodigués par des « équipes éducatives » qui ressemblent à des commandos barbares.
Au cours de son enquête, Ixchel Delaporte a retrouvé de nombreux documents tels que des rédactions d’enfants témoignant des sévices dont ils ont été victimes, mais également de lettres de dénonciation adressées par des témoins fiables telles qu’une professeur de français et l’épouse du directeur de collège. Elle a aussi et surtout pu s’entretenir avec d’anciens élèves, dont la parole s’est, pour certains, enfin libérée. Elle retranscrit pas à pas dans ce livre l’évolution de son enquête et les témoignages recueillis autour de cette affaire sordide et affligeante.
Cette lecture, aussi difficile soit-elle, m’a passionnée. Difficile dans la mesure où les thèmes abordés et les faits évoqués sont insupportables. J’ai craint au départ que le récit ne soit répétitif, il l’est mais à bon escient et ce n’est pas dérangeant : il y a des répétitions dans les témoignages bien évidemment car cela prouve la récurrence des mauvais traitements subis de la part de plusieurs pensionnaires. Il est consternant de voir qu’une partie de la population savait mais se taisait, et que des juges notamment n’ont rien fait. Mais est-ce réellement surprenant ? Ce sont des scandales qui par voie de presse émergent tour à tour et qui touchent tout le monde. Alors, oui, parlons en. Ce fut une lecture éprouvante par les sévices évoqués, émouvante à plusieurs reprises dans les témoignages écrits des enfants à l’époque et le peu de cas qu’il en a été fait. Il était aussi bouleversant de comprendre que certains pensionnaires ont eu au cours des interviews menées par Ixchel Delaporte des flashs de sévices qu’ils avaient « oubliés« , et aient réalisé souffrir d’amnésie traumatique. Le sujet est lourd, malsain mais cette enquête, menée durant deux ans, a donc porté ses fruits, en permettant aux pensionnaires victimes de libérer enfin leur parole pour se reconstruire.
Bien sûr d’autres n’ont pas connu au sein de la forteresse de Riaumont pareil traitement, ils reconnaissent même que l’éducation rigoriste reçue était adaptée à leur profil de délinquants, le prêtre Revet aurait su les remettre dans le droit chemin… Certains pensent que Riaumont les a sauvés, l’auteure ne dissimule pas les témoignages positifs qu’elle a reçu. Mais d’autres ont été abusés sexuellement et ont reproduit ce schéma, devenus adultes. Nous parlons d’une institution qui n’a (volontairement) pas évolué avec son temps. La perception de l’éducation et des méthodes éducatives sont différentes entre ce qui était appliqué durant les années soixante et aujourd’hui. Evidemment une paire de gifles ou une punition genoux sur la règle étaient monnaie courante à l’époque, mais ici on évoque de la barbarie pure dans ces témoignages, on parle de travaux forcés, de coups et blessures. Certains confondent encore éducation et soumission, au profit de leur goût pour le sadisme et la perversion. Soutenu par bon nombre de notables ultra-conservateurs de la région, le Village de Riaumont a bénéficié d’une omerta des décennies durant, sur ce qui se passait à l’intérieur de ses murs, en étant couvert par l’Eglise et subventionné par l’Etat. Défaillance ou absence d’un système de contrôle efficace? Intérêts financiers? Une affaire consternante que vient soulever avec force ce témoignage passionnant. Je vous conseille vivement cette lecture. Je remercie Babelio de m’avoir confié ce livre, obtenu lors d’une Masse critique non fiction.
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