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A Saint-Vincent-des-Vignes, village niché du côté du mont Brouilly, entre Beaujeu et Morgon, la vie suit son cours, jamais tranquille.
Le maire, Archibald Sirauton, doit se coltiner tous les tracas de l'hiver de ses administrés. Et il y a de quoi faire ! Surtout quand on apprend la disparition inexplicable du duc du Beaujolais, le richissime fondateur des Chais Pillorget.
Mais Archi (pour les intimes) a de la bouteille !
Ancien juge d'instruction reconverti en viticulteur heureux, il n'a rien perdu de son flair, de ses réparties cinglantes et de sa connaissance encyclopédique de la loi.
C'est donc sous cette triple étiquette, maire, vigneron et ancien magistrat, qu'il va traîner ses guêtres et son humour chez les héritiers Pillorget, tellement avides qu'on a tôt fait de rebaptiser les fameux chais « les chais des ambitieux »...
Philippe Bouin m'était inconnu jusqu'à ma lecture de l'enquête précédente d'Archibald Sirauton, Le vignoble du diable. Comme ce vignoble m'avait plu, j'étais partant pour la suite, du même tonneau si je puis m'exprimer ainsi. Même registre d'écriture entre français classique, argot, patois beaujolais ou lyonnais (lexique en fin de volume, auquel je n'ai eu que peu recourt, parce qu'on comprend aisément le sens global de la phrase, même émaillée de mots inconnus). Mêmes personnages : Archi, Xa son amie comédienne, Bougonne la gouvernante qui porte bien son nom, Hippolyte Goma le curé de la paroisse venu tout droit d'Afrique, Fernandez le gendarme qui travaille en étroite collaboration avec Archi, Filoche ex monte-en-l’air reconverti en second d'Archi, Poussin le commissaire lyonnais qui ne bouge pas surtout si les suspects ont des relations mais qui peut s'acharner sur un "petit" -la montée dans la hiérarchie se fait à ce prix selon lui- heureusement secondé par le capitaine Bordas et bien sûr Tirbouchon, le chien d'Archi qui ne peut pas parler à son grand désarroi : "Tirbouchon grogna en ut majeur. En langage canin, ce grognement était de l'ironie. Si Archi avait su qu'il comprenait ce qu'il disait, ce n'est pas étonné qu'il eût été, c'est ébloui." (p.264) Même plaisir de lecture légère, drôle. Un polar pour se détendre qui aborde néanmoins des points plus sérieux comme la succession des exploitants viticoles, la mauvaise réputation du beaujolais d'il y a plusieurs années lorsque des viticulteurs n'hésitaient pas à rajouter du sucre, la volonté des Chinois d'entrer dans le capital de certaines grosses entreprises et le marché chinois vu comme un eldorado par certains alors qu'il n'en est probablement pas un : "Désolé de te contredire, l'investissement doit être progressif. Or, à l'heure d'aujourd'hui, la demande est nébuleuse. Par conséquent, tout miser sur la Chine serait de la folie. Dans un pays qui peut vous virer du jour au lendemain, ou vous taxer lourdement pour protéger ses intérêts, on avance sur la pointe des pieds." (p.79). Très dialogué, cette technique permet de confronter les points de vue, mais bien sûr, Philippe Bouin ne creuse pas trop les sujets sérieux, ce n'est pas un essai sur les exportations viticoles ! Tout reste dans le domaine de la légèreté et de l'humour, l'auteur ne rechignant jamais à un bon mot ou à une répartie de l'un de ses personnages, comme cet échange entre le commissaire Poussin et son collègue le capitaine Bordas :
"Vous n'imaginez quand même pas que cet idiot a commis ce crime ?
- Croyez-en mon expérience, capitaine, il faut toujours se méfier d'un imbécile.
Goguenard, Bordas riva son regard au sien.
- Soyez tranquille, commissaire, c'est ce que je fais tous les jours." (p.183)
Un polar-pinard (deux bons ingrédients) qui fleure bon la ruralité (aucune condescendance chez P. Bouin ou chez moi, au contraire), le plaisir de se retrouver entre amis de déboucher une bonne bouteille et de parler de ses souvenirs d'enfance. Un charme légèrement désuet et à la fois intemporel qui marche à fond, qui n'est pas sans rappeler les téléfilms Le sang de la vigne (qui passent sur France 3, avec Pierre Arditi, tirés des romans de Jean-Pierre Alaux et Noël Balen, que je n'ai pas lus) avec un personnage principal, plus décalé et haut-en-couleurs, ex-juge, devenu vigneron, qui s'habille voyant aux quatre coins du monde.
Une série qui a démarré et qui continue sous d'excellents augures, dans cette belle collection qu'est Terres de France.
PS : dans mon billet Le vignoble du diable, je disais mon ignorance de cette région viticole qu'est le beaujolais, et invitais les éventuels professionnels qui me lisaient à m'envoyer des échantillons de leurs productions, histoire de juger. Mon appel n'as pas été entendu ou alors, les viticulteurs sont des gens timides, qui n'osent pas... Osez, osez me contacter, je renouvelle mon invitation, je goûterai bien volontiers...
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