L’écrivain franco-vénézuélien Miguel Bonnefoy poursuit l’exploration fantasmagorique de sa mémoire familiale...
«L'émigré!» De 1976 à 1980, ce fut une insulte qu'il m'a fallu déguster comme un fruit amer durant ces quatre années subies dans un village du bocage mayennais. Pourquoi ai-je eu à supporter ce surnom? Parce que je rentrais du Maroc? J'étais Saintongeais? Mon nom effrayait les Lelièvre, Cochon, Poulet ou Lecoq qui figuraient dans l'annuaire local? Non. J'étais instituteur public et c'était le métier le plus honni dans ces contrées. Je voulais maintenir en vie une classe unique, communale, laïque et gratuite sous perfusion administrative car ne comptant qu'une poignée d'élèves. Proie à dévorer sans trop se gaver pour mes adversaires se pavanant sur le trottoir d'en face dans l'ombre bienveillante de leur clocher et celle du chapeau de leur édile. La guerre scolaire était déclarée depuis l'implantation de mon école du diable dans ce village agrippé à ses traditions. Capturer des écoliers fut ma tâche essentielle. Pour ce faire, je dus arpenter, les bois, les champs, les cours des fermes et ce ne fut pas toujours triste. Seul contre tous? Non. J'avais mon petit cheptel à qui je donne la parole entre mes lignes, souhaitant que devenus adultes ces enfants aient pu échapper aux pensées étroites distillées par les gourous de toute obédience, préférant gambader à travers le bocage libres et joyeux. L'enseignement républicain que je me suis efforcé de leur donner avait cette espérance.
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