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Salamé ? Présente. Starck ? Présent. Pinault, Seydoux, Badinter, Goldman ? Présents ! Faire l'appel des anciens élèves de l'École alsacienne, c'est passer en revue des milliers de patronymes illustres dans tous les domaines : politique, affaires, médias, édition ou encore cinéma.
Si une grande majorité des Français n'en a jamais entendu parler, à Saint-Germain-des-Prés, tout le monde connaît cette école qui plaît aux intellos chics notamment pour sa pédagogie progressiste et humaniste. L'École de la rue d'Assas a su de longue date cultiver les exigences de l'époque : épanouissement de l'élève, rapport horizontal à l'autorité, valorisation des pratiques artistiques, etc. Mais cet établissement de rêve n'est pas pour tous. L'Alsacienne déjà ultra sélective est victime de son succès. Difficile, voire impossible d'y faire entrer son enfant si l'on n'a ni les codes ni un solide carnet d'adresses. Comment est-on passé d'une école d'avant-garde à la forteresse de l'entre-soi d'une élite éclairée ? Dans cet ouvrage, on croise des protestants alsaciens, des rejetons de ministres, d'acteurs, ou d'écrivains, des parents qui réseautent aux goûters d'anniversaires, Gabriel Attal et Juan Branco en frères ennemis... À partir d'une centaine d'entretiens, la première grande enquête sur l'École alsacienne décrypte les mécanismes d'un autre séparatisme scolaire et social qui ne dit pas son nom.
Je n'aurais très certainement pas lu ce livre s'il ne m'avait été offert; je remercie mon ami car cette enquête sociologique approfondie sur l'Alsacienne, l'école du Gotha dont je n'avais jamais entendu parler, est passionnante.
Cette école privée et laïque, d'influence protestante, du très chic et cher VIème arrondissement, a été fondée en 1874 par des protestants alsaciens, surnommés "les optants" qui avaient choisi de rester français après la perte de l'Alsace et de la Lorraine en 1870; ils avaient du quitter leur région et ceux qui s'installèrent à Paris constatèrent que la majorité des écoles étaient catholiques ce qui les a conduits à fonder l'Alsacienne.
Cette école, très sélective, accueille 1800 élèves de 3 à 18 ans, qui sont encadrés par 138 enseignants; elle est sous contrat avec l'état donc financée à hauteur de 40% par l'État. La majorité des élèves y fait toute sa scolarité de la maternelle au bac.
Quelques chiffres posent la thématique qui fait de cette école un symbole de discrimination sociale et scolaire : 68% des parents appartiennent à la catégorie sociale "cadres et professions intellectuelles supérieures" alors que seuls 21,6% de la population française entre 25 et 49 ans en font partie.
1% de ses élèves viennent de milieux sociaux très défavorisés. Les frais de scolarité s'élèvent à 5000-6000€ par an sans compter les à-côtés. On y entre par cooptation; les frères et soeurs d'élèves déjà inscrits sont prioritaires, puis les enfants d'anciens élèves ce qui, compte tenu du peu de places offertes, ferme pratiquement la porte aux autres. C'est l'école de l'entre-soi, où tout le monde, ou presque, connaît implicitement les codes et les perpétuent.
L'Alsacienne a été source d'inspiration pour l'école publique car elle a toujours été en avance sur son temps comme l'exprime sa devise "Vers le nouveauté par la tradition". Elle a institué la mixité en primaire dès 1905 et en collège en 1908 alors qu'il a fallu attendre 1965 pour que l'école publique généralise la mixité. Dans les petites classes, il n'y a jamais eu de notes.
A l'image du protestantisme qui rejette la hiérarchie verticale, où le croyant est en prise directe avec Dieu, sans l'intervention d'un clergé omniscient et répressif, l'école a toujours mis l'accent sur la responsabilisation et l'émancipation des élèves et pas sur la discipline et l'excellence. Aucune matière n'est prééminente, aucun coefficient ne les distingue et le sport ainsi que les arts sont une priorité. L'école favorise un rapport horizontal entre parents partenaires, élèves et enseignants. L'école rejette la rivalité prônant que les enfants doivent se dépasser mais pas dépasser les autres.
La plupart des anciens élèves sont entrepreneurs, artistes, membres d'une profession libérales, pratiquement aucun n'a rejoint un grand corps de l'État ou la fonction publique, ce qui s'expliquerait par l'enseignement qui développe une grande confiance en soi donc une prise de risque plus facile et plus naturelle.
Ce que d'anciens élèves reprochent à l'Alsacienne, c'est une certaine endogamie des élites des média, du cinéma, de la politique, de la culture, du monde économique. Les élites de la gauche (caviar???) et de la droite s'y retrouvent rassemblées sous la bannière du libéralisme, de la mondialisation et du progressisme.
Lucas Bretonnier, journaliste, ancien collaborateur de Marianne, est arrivé à rendre intéressante une enquête sur un microcosme parisien très fermé et très élitiste à la provinciale que je suis, qui n'a connu que l'école publique ce qui m'a fort bien réussi. L'enquête est vivante car l'auteur a intégré des témoignages d'anciens élèves qui ne rentraient pas totalement dans le moule. Néanmoins, de nombreuses répétitions d'informations et de faits auraient pu être évitées pour rendre la lecture encore plus dynamique. L'auteur reste factuel même si, par moments, on sent un peu d'ironie, ce qui permet à chacun de se faire sa propre opinion.
Une bonne surprise donc!
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