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La première motivation du colloque organisé à l'université Paris-8 en janvier2013 était d'appeler des philosophes français et européens à témoigner de leur solidarité vis-à-vis du peuple grec, alors soumis aux effets désastreux de la crise financière de 2008. Ces effets n'ont fait que s'amplifier depuis, et si l'on affirme que la Grèce a retrouvé « la confiance des marchés financiers », cela est au prix de la destruction méthodique de toute forme d'État social, destruction conditionnée par une « troïka » (FMI, BCE, UE) dont le fonctionnement et les décisions opaques ont récemment été dénoncés par les députés du Parlement européen.
Chacun des intervenants fait part de son analyse, et s'emploie à soumettre sa théorie à une situation urgente, sans méconnaître les difficultés d'un tel exercice. On apercevra rapidement qu'aucune solution n'est susceptible de les trouver tous d'accord. Ces désaccords fertiles sont en eux-mêmes symptomatiques d'une certaine « impuissance contemporaine », titre du texte prononcé en clôture par Alain Badiou.
Extrait de l'introduction du volume, par Maria Kakogianni :
« L'idée du colloque est née dans le contexte d'un début de mobilisation en solidarité au peuple grec. L'appel des intellectuels et artistes européens "Sauvons la Grèce de ses sauveurs" avait précédé peu de temps auparavant, ainsi qu'un certain nombre de meetings politiques et autres manifestations du même ordre. La question s'est posée de savoir s'il serait possible ou non de faire un pas supplémentaire, autrement, afin d'affronter nos limites du moment. Si l'indignation et la colère grandissent et nous rassemblent, la domination du capitalisme mondial apparaît comme absolue et intouchable, et la résistance, vouée à se loger dans ses interstices. Le rêve d'un renversement radical semble enterré par les anciens cauchemars.
L'un des récits de la crise européenne qui nous est proposé est celui des États en faillite, agenouillés devant les caprices des Marchés, contraints à des cures d'austérité, notamment pour ce qui relève de leurs systèmes de santé, d'éducation, etc. Tout cela correspond à une sorte de thérapie de choc visant à réduire la pathologie ; cela s'indexe sur une loi générale affirmant le devenir-entreprise de toute monade. Individu, université ou hôpital, tout ce qui compte-pour-un doit fonctionner comme une entreprise, dont les pertes et les gains sont soumis à la règle du profit et au jeu de la compétitivité.
La riposte ne peut cependant être de l'ordre d'une clôture conservatrice. A l'heure du démantèlement des sciences humaines dans le devenir managérial de l'institution, le "Symptôma grec" devait avoir lieu dans un lieu opérationnel où la question de l'Université, de ses limites, de son ouverture au dehors était posée. A l'image du livre programme de Foucault, il s'agissait de construire un colloque-gruyère, avec des trous. Parmi les intervenants on trouvait des professeurs d'Université, des penseurs de renommée mondiale, des enseignants vacataires qui en temps normal sont occupés à d'autres sujets, des étudiants, des journalistes, des artistes accueillis par les hautes institutions de la culture, ou au contraire très éloignés de celles-ci.
L'usage du mot symptôme comporte une intention ironique par rapport à toute la discursivité dominante de politique médicalisée. Il ne s'agissait en rien de reprendre la posture du médecin à nos techniciens experts et de prescrire des nouvelles thérapies - alternatives ! - aux peuples. Être calife à la place du calife, sans nier la place. Mais en même temps, si l'ironie renvoie à une certaine négativité, l'appel du colloque répondait non seulement à l'urgence de dénoncer une thérapie, mais aussi à celle de riposter à son idée de "santé". Il ne s'agissait pas seulement de formuler une critique mais d'essayer de parcourir le risque des nouvelles positivités. Plutôt de faire parler le symptôme, lui faire avouer sa vérité depuis une position extérieure de maîtrise, il aura été question. que le symptôme parle. De l'Europe, des nouveaux mouvements d'émancipation qui se lèvent, de la création artistique, de la monnaie politique, etc.
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