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Dans l'énorme, patiente et laborieuse entreprise de leur vie de savants, qui abolit chez les frères Grimm toute autre forme d'existence [...] la publication, en 1812, de leur recueil de contes populaires ne représentait pas grand-chose, à l'origine, et n'avait guère d'importance à leurs yeux.
[...] Ce fut pourtant cet incident mineur de leur carrière d'érudits qui leur valut, comme par un coup de baguette magique, le succès immédiat et une gloire prolongée bien au-delà des frontières allemandes [...]. " Leur existence seule suffit à les défendre, écrit Guillaume Grimm au sujet des contes. Une chose qui a, d'une façon si diverse et toujours renouvelée, charmé, instruit, ému les hommes, porte en soi sa raison d'être nécessaire et vient nécessairement de cette source éternelle où baigne toute vie.
Ce n'est peut-être qu'une petite goutte de rosée retenue au creux d'une feuille, mais cette goutte étincelle des feux de la première aurore. " [...] Si les générations, de siècle en siècle, se sont transmis sans défaillance et comme un legs universel le patrimoine de ces Contes, c'est qu'il y avait en eux une respiration éternellement véritable et qui donnait du souffle, une sagesse qui se posait d'emblée, et sans même qu'elle le sût, dans l'innocence des âmes: une expérience préalable que rien ne pourra remplacer.
Parmi les ogres terrifiants, chez les géants épouvantables, auprès des nains malicieux, devant ces fées dont on ne sait pas trop si elles sont bonnes ou mauvaises, à l'écoute d'une nature où tout est encore vivant, où les pierres, les plantes, les animaux domestiques ou sauvages retrouvent leur vérité et dialoguent avec les hommes comme ils l'ont toujours fait dans les mythes qui nous parlent de l'âge d'or, en présence des bons et des mauvais sentiments qui s'empoignent et s'entre-déchirent, devant les triomphes enfin, d'autant plus souverains que la démarche qui y conduit est irrationnelle, [...] un enfant [...] recevait sa leçon de vie, entrait dans le drame par tous ses pores, goûtait le charme jusque dans le battement secret de son sang.
Et quel plus délicieux apprentissage que son refuge dans l'amour au moment des pires effrois ? Armel Guerne, Extrait de la préface à l'édition de 1967.
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