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Crime contre l'humanité : c'est ce dont a été accusé Maurice Papon, secrétaire général de la préfecture de la Gironde entre 1942 et 1944. Au terme d'un procès retentissant, qui a duré 6 mois, il a été condamné à dix ans de réclusion criminelle et à la privation de ses droits civiques.
Avec son sens de l'observation habituel et son talent incomparable, le dessinateur Riss nous donne à vous chaque instant de ce moment judiciaire historique.
En 1997 : Maurice Papon est reconnu coupable de complicité de crimes contre l'humanité pour son rôle dans l'arrestation de 1 600 Juifs, alors qu'il était secrétaire général de la préfecture de la Gironde entre 1942 et 1944. Son procès aux assises a marqué les esprits. Parce qu'il a duré 6 mois. Parce que de nombreux témoins ont été appelés à la barre. Parce qu'il n'était pas sans remémorer le procès de Klaus Barbie (1987), lui aussi accusé de crime contre l'humanité. Parce qu'il fallait que justice soit enfin faite.
Papon sera condamné à dix ans de réclusion criminelle et à la privation de ses droits civiques.
A l'époque, Riss a suivi l'intégralité du procès. En théâtralisant les moments forts de cet événement historique, en s'intéressant aux petits détails (mouvement des mains, moue, soupir...), en expirmant l'intensité de ce moment historique, Riss nous fait vivre le procès comme si on y était.
Le hors-série Procès Papon parut à l'époque s'est vendu à plus de 20 000 exemplaires. Son adaptation en BD le reprend en intégralité avec en complément des dessins inédits.
Le procès Papon, un fonctionnaire de Vichy au service de la Shoah, regroupe le remarquable travail de Riss (Laurent Sourisseau) qui était l’envoyé spécial de Charlie Hebdo – journal dont je suis un fidèle abonné - durant les six longs mois qu’a duré ce procès, du 8 octobre 1997 au 2 avril 1998.
Laurent Joly, historien, directeur de recherche au CNRS, a préfacé ce bel album, ouvrage indispensable permettant d’aller au fond du problème représenté par un homme qui occupa les plus hautes fonctions de la République française. En effet, s’il fut député, maire, préfet de police à Paris (1958-1966) et même ministre du budget sous Giscard, de 1978 à 1981, il fut secrétaire général de la Préfecture de Bordeaux, sous l’occupation, de 1942 à 1944.
Riss écoutait, observait, dessinait. Il était placé tout près de Papon et ne manquait pas de croquer ses mimiques, ses réactions véhémentes, sans oublier de noter ses réparties, tous en soulignant ses silences éloquents.
Ce procès arrive au bout de seize ans de procédure et c’est, en France, le troisième procès pour crimes contre l’humanité après Barbie en 1987 et Touvier en 1994. Les longs débats, le défilé impressionnant de frères, de sœurs, de fils, de filles, même de neveux et nièces de déportés jamais revenus du camp d’extermination d’Auschwitz, tout cela est bien rendu. Si, au premier coup d’œil, la lecture des bulles qui s’enchaînent et semblent se mêler, peut paraître rébarbative, il suffit de se plonger dans le texte noté manuellement par Riss pour être absorbé, captivé, impressionné par tous ces témoignages souvent émouvants.
Malgré tout, Riss n’oublie pas ceux qui viennent défendre Papon. Ce sont souvent des amis ou des personnes qui ont exercé le pouvoir comme Mesmer, Barre, Guichard ou encore l’ancien préfet Doublet et même Amouroux, journaliste, historien. Pour eux, Papon n’est ni responsable, ni coupable alors que de nombreux documents viendront démontrer le contraire.
Le procès Papon est conté de manière vivante, bien illustré et tout est bien articulé et bien présenté. Cet album d’une grande qualité éditoriale s’articule en six grandes parties :
- Le curriculum vitae de Papon : les témoins de moralité ; les historiens.
- Les organisateurs des persécutions anti-juives à Bordeaux.
- Papon au service des questions juives de la préfecture à Bordeaux.
- Les crimes contre l’humanité reprochés à Papon : déportation de Léon Librach, convois du 18 juillet 1942, du 26 août 1942, du 21 septembre 1942, du 26 octobre 1942, du 25 novembre 1943, du 30 décembre 1943, du 12 janvier 1944 et du 13 mai 1944.
- Papon et la Résistance ; Papon et l’épuration ; les associations parties civiles.
- Les plaidoiries des avocats des parties civiles ; le réquisitoire du parquet ; les plaidoiries des avocats de la défense ; le verdict.
C’est, bien sûr, la quatrième partie la plus importante. Malgré ses dénégations, il est prouvé que Maurice Papon ne pouvait ignorer le sort réservé à ces 1690 juifs de Bordeaux livrés aux SS pour Auschwitz. Cet homme, secrétaire général de la préfecture de Bordeaux, bien secondé par un secrétariat efficace et toujours en relation avec les nazis installés dans sa ville, fournissait des listes, faisait même du zèle. Comme beaucoup d’autres, il n’hésita pas, à la Libération, à se faire passer pour un grand résistant…
L’ensemble de cet album n’est jamais monotone car Riss varie son récit avec des doubles pages, quelques touches de couleur, ajoutant des détails révélateurs et insérant des documents incontestables comme ces photos et articles parus dans Match en 1938 et 1940. Je regrette juste que ce livre ne soit pas paginé et qu’une table des matières ne recense pas les grandes parties de l’ouvrage.
Toujours pour rompre une certaine monotonie qui pourrait rebuter le lecteur, je remarque cette double page dactylographiée racontant l’hallucinant aller-retour de Marie Reille, envoyée à Auschwitz par Pierre Garat, subordonné direct de Papon, au Service des questions juives.
Enfin, comment ne pas s’attarder sur cette pleine page impressionnante avec un Papon, visage fermé, bras croisés - portrait sévère repris sur la couverture de l’album – l’homme est entouré par une cascade de mots résumant bien la vie de cet homme à la préfecture de Bordeaux.
« Pendant deux mois, la cour d’assises a examiné les neuf cas de crimes contre l’humanité reprochés à Maurice Papon. Pendant deux mois, la cour d’assises a résonné des mêmes mots, des mêmes expressions, revenant inlassablement. Pour exterminer 6 millions de Juifs, une vingtaine de mots suffisent… »
Le procès Papon, un fonctionnaire de Vichy au service de la Shoah, est un extraordinaire travail réalisé par Riss et je remercie Babelio et les éditions Les Échappés / Charlie Hebdo de m’avoir permis de plonger dans cette tragique période à n’oublier sous aucun prétexte.
PS : jusqu’au 3 mars 2024, au Mémorial de la Shoah, à Paris, une exposition présente : « Riss : le Procès Papon »
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