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« Je vous parle d'un endroit secret où les enfants perdus ne grandiront jamais : le Pays de Nulle part.
Je vous parle de l'une d'entre eux, petite fille morte à quinze jours.
Je vous parle d'une mère qui veut "réussir son deuil", à défaut d'avoir "réussi son enfant".
Je vous parle de toutes ces mères au ventre vide.
Je vous parle de la mère de Peter Pan, qui un jour ferma sa fenêtre, le condamnant à rester dans Neverland, et de Stéphanie Verlaine, qui conserva chez elle ses foetus dans des bocaux de verre.
Je vous parle de la honte et de la douleur des mères.
Je vous parle de l'une d'entre elles. Parce que c'est apaisant, la fiction d'une autre.
Et pour me convaincre que je ne suis pas elle. » D.B
Déclaration d'amour et anti-manuel de deuil, Le Pays de Nulle part est un texte très personnel dont Doan Bui entama l'écriture il y a plus de dix ans. Un roman bouleversant où le tragique côtoie le rire, où l'intime dit l'universel. Un magnifique hommage à la ténacité des mères, et aux enfants trop tôt disparus.
Existe t-il une hiérarchie dans le deuil ? Le nombre d’heures partagées avec le disparu est-il proportionnel au chagrin à afficher ? Certes non, la perte est là. Et pourtant, la légitimité de la tristesse semble dans les faits dépendre des instants vécus ensemble, dans leur durée et quelle que soient leur intensité.
C’est un épisode douloureux que Doan Bui tente d’exorciser dans ces lignes, en analysant de manière très exhaustive ce qui s’est passé des années auparavant. La perte d’une petite fille, née prématurément.
Doan Bui a beaucoup écrit pour elle-même et longtemps hésiter à faire paraître le récit. Elle consacre d’ailleurs toute une partie à la réflexion sur l’intérêt de cette démarche.
En tant qu’ancienne professionnelle de néonatalogie, ces pages me parlent bien sûr, et cet aspect n’est pas non plus négligé : l’impact de la mort dans un service où l’on se bat pour que l’avenir ait lieu. Et si la routine est là et si les nouveaux patients viennent occuper les incubateurs vides, les traces sont là et les souvenirs s’impriment en filigrane tout au ont des années passées au chevet des tout-petits.
C’est un récit doux et nostalgique, empreint d’une tristesse mais loin d’être morbide. Et qui pourrait être une aide précieuse pour les professionnels de la petite enfance autant que pour les parents qui vient ces heures difficiles.
Doan Bui, dans ce texte très intime, nous fait partager la mort de sa 3ème fille, Mê Linh, 15 jours après sa naissance, le 13 mars 2013. Elle l'a écrit peu après la mort du bébé, l'a enfoui au fond d'un placard, l'a caché au milieu des fichiers de son ordinateur et n'a pu le publier que dix ans après.
C'est un cri de douleur, toujours très présente malgré les années écoulées. Elle nomme l'insupportable sans jamais utiliser de périphrases ou d'images douces: elle utilise le mot "mort" dans sa froideur, sa réalité, son horreur. Elle l'affronte. Elle couche sur le papier, bien sûr son immense douleur, sa sidération, mais aussi sa culpabilité : celle de n'avoir pas su protéger son enfant, celle d'avoir été impuissante face à la mort.
Ce texte, tout en pudeur, mais aussi colère, est également un hommage à toutes les femmes, toutes les mères, connues (comme la mère de Verlaine) ou inconnues qui vivent avec la douleur de l'enfant perdu, qui errent dans "le pays de Nulle part", le Neverland de Peter Pan, où se retrouvent les enfants qui ne grandiront pas.
C'est le deuxième livre que je lis, cette année, sur la perte d'un bébé, quelques jours après sa venue au monde. Le précédent était "J'ai regardé la nuit tomber" de Lolita Chammah. Alors que ce texte était un cri de douleur mais aussi d'espoir car Lolita était sûre d'avoir un troisième enfant, celui de Doan Bui ne dégage pas cette lumière. Par ailleurs, cette dernière s'exprime avec une certaine distance, décrit des situations absurdes (elle n'est pas acceptée dans un groupe de paroles après ce qui pourrait être comparé à un entretien d’embauche, elle collectionne les nécrologies de chiens morts en 2013 ....) qui prêtent à sourire peut-être pour se protéger, ne pas se laisser submerger par la peine et cela m'a tenue moi-même partiellement à distance de mes émotions malgré quelques scènes déchirantes.
#LepaysdeNullepart #NetGalleyFrance
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