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De 1492 à la fin du XVIIe siècle, près d'un demi-million d'Espagnols traversent l'Atlantique pour partir à la découverte du Nouveau Monde, au péril de leur vie. Fait de jeunes hommes en quête d'or et de gloire, qui brûlaient de propager le christianisme ou espéraient tout simplement une vie meilleure, cet exode est d'une telle ampleur que la couronne espagnole tente à tout prix de limiter les départs, pour empêcher une pénurie de main-d'oeuvre, mais aussi le scandale de familles, femmes et enfants abandonnés.
À travers l'étude des archives et des émouvantes correspondances de ceux qui sont partis, le récit de ce que fut la première vague massive d'émigration de l'histoire de l'humanité, qui façonna la société d'arrivée tout autant qu'elle bouleversa la société de départ.
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On regarde souvent la découverte de l’Amérique du côté américain, rarement du côté de l’Espagne. De fait, on n’imagine souvent mal l’impact que la découverte de ce continent a eu sur ce pays de l’autre côté de l’Atlantique. L’historien Alain Hugon va réparer cet oubli et nous en apprendre plus. Plus sur l’Espagne et sa population.
Ce livre pourrait se résumer en trois questions clés : pourquoi les espagnols partent ? Et quelles sont les conséquences de ces départs ? Que nous apprennent-ils sur ces êtres, ce pays ?
Qui part et pourquoi : au revoir, adieu
Nous connaissons tous au moins une raison des départs, qu’ils soient pour raison religieuse, la soif de l’or et d’aventure, la nécessité de peupler cette nouvelle terre et de la contrôler, ces prétextes nous sont familiers. Cependant ce que l’on ignore bien souvent, c’est que les départs peuvent cacher d’autres sujets. En effet, en s’attardant notamment sur le peuple via des lettres, Alain Hugon va nous apprendre que les départs des hommes et des femmes peuvent cacher une volonté de fuir la misère, quelques affaires troubles, voire même des situations familiales difficiles comme un mariage de raison et sans sentiment.
Mais qui part ? Hommes et femmes – plus les hommes que les femmes d’ailleurs – de toutes conditions et tous milieux. Toutefois ceci ne doit pas faire oublier la réalité qu’Alain Hugon va nuancer. En effet, j’ai écrit « hommes et femmes », « toutes conditions » et « tous milieux », pourtant derrière ces termes génériques il se cache des réalités différentes. Effectivement, vu le prix du voyage – qui commence de la porte de son logis jusqu’en Amérique – tout le monde ne peut pas partir et tout le monde ne part pas de la même manière. Bien qu’une autorisation, une licence, soit obligatoire pour tous, là où pour certains voyager n’est qu’une simple formalité (religieux, noble, négociant), le personnage plus modeste devra lui souvent trouver d’autres moyens pour entreprendre le voyage : s’engager comme marin ou soldat, ou encore comme serviteur auprès d’une riche famille en partance, ceci afin de mieux déserter à l’arrivée, avec bien sûr le risque pénal que cela implique. Ceci ne veut cependant pas dire non plus que tout le monde peut partir, par exemple un ou une célibataire ne peut pas entreprendre la traversée ; l’homme qui n’a pas l’autorisation de sa femme idem ; le protestant, le juif, le morisque itou. Est-ce pour autant que certains d’entre eux acceptent leur sort ? Non. La clandestinité ou les faux-papiers existent avec leurs risques.
On remarquera donc à la lecture de ce livre qu’il y a des inégalités d’accès, toutefois devant le danger du voyage la piraterie, le naufrage, la promiscuité, tous sont égaux.
Quelles conséquences ?
Après ce petit tour des candidats aux départs et des raisons, il convient maintenant de s’interroger sur les conséquences de ces départs sur l’Espagne.
Tout d’abord l’auteur va nous montrer que la masse des départs a un impact négatif sur la démographie, puisque des lieux se vident notamment en main d’œuvre à tel point qu’on fait appel à des travailleurs étrangers comme à Cadix, une fois qu’il n’y a plus d’esclave il ne reste plus que ça.
Outre se dépeuplement et même l’appauvrissement de l’Espagne, on va découvrir aussi que la cellule familiale peut être en crise à cause de ces départs. Crise émotionnelle car l’absent manque des deux côtés de l’océan, on souhaite qu’il revienne ou rejoigne le nouveau monde comme en atteste beaucoup de lettres. Crise du schéma familial, par l’abandon du foyer où la femme peut vite être réduite en possibilité sans homme, et où s’ajoutent les problèmes d’argent. Problèmes d’argent qui sont aussi souvent des attentes... En effet, le nouveau monde est vu comme un pays de cocagne, dans l’imaginaire il apporte la richesse par conséquent ceux qui sont restées attendent cette richesse qui les sortira de la misère. Sur ce point d’ailleurs, j’ai bien aimé ce petit écart dans le texte où l’auteur nous met facilement à la place du pauvre personnage qui n’ose raconter sa mésaventure américaine et sa pauvreté toujours grande, et qui préfère le cacher à sa famille par quelques mensonges ou par le silence. Certains parlent néanmoins.
« « Je fais savoir que cet argent qu’on emporte d’ici, on le gagne avec tant de travail que les hommes ici ne savent pas ce que c’est que de paresser une seule journée. » »
Mais les conséquences du départ ne s’arrêtent pas à la famille ou à la démographie. En effet ce mouvement de population et de marchandise, pousse la monarchie espagnole à s’adapter et à mettre en place des organes administratifs, des lois, pour gérer cela. C’est ainsi que la monarchie créa le Conseil des Indes et la Casa de contratacion, ou instaura des lois qui interdiront par exemple aux célibataires des deux sexes de voyager au nom de la morale et de l’ordre. Idem, niveau marchandise où tout fut contrôlé et déclaré au nom de l’ordre.
En cet instant, je donne l’impression que l’auteur s’attarde exclusivement sur le monde espagnol en Espagne, c’est effectivement beaucoup le cas de ce livre. Mais on va découvrir que cette emprise assez forte de l’Espagne sur ses sujets sert en plus de l'Espagne à protéger ce nouveau monde du voyou, du malandrin, du délinquant. Bien que cette Nouvelle Espagne ne soit pas un désert judiciaire, il faut malgré tout empêcher que ces derniers ne viennent répandre leur mauvaise vie dans ce monde qui tend à la perfection et doit être protégé. Les excès des premiers conquistadors notamment envers les populations autochtones, ont aussi poussé à adopter des restrictions comme en atteste les lois espagnoles qui arrivent assez vite dans le corpus pénal.
« En 1542, les évènements conditionnèrent à nouveau une reformulation de la politique migratoire. A la suite des excès commis par les conquistadores à l’encontre des Indiens et du scandale qu’ils provoquèrent en Espagne même et jusqu’auprès de Charles Quint, les Lois nouvelles (Leyes nuevas) furent adoptées en novembre, complétées par une Provision royales datée de juin 1543 dans le but de limiter les abus des colons. Théoriquement, la conquête et le peuplement se trouvaient dorénavant conditionnés à l’accord de tribunaux installées dans les Indes, en particulier l’Audience du Pérou, qui devait protéger les populations locales. Le pouvoir cherchait à sélectionner les émigrants afin d’éviter le renouvellement des atrocités commises par les conquérants. » p.90
En conclusion :
Ce livre était vraiment pas mal pour se pencher sur les conséquences de cette découverte qu’elles soient personnelles ou plus nationales. On va découvrir aussi que l’adaptation de l’Espagne à ce nouveau monde s’est inscrite dans le temps, petit à petit des lois, des institutions, sont apparues pour faciliter le gouvernement, mais pour autant le contrôle n’est pas aisé. Via quelques bribes Alain Hugon va s’ouvrir aussi sur d’autres sujets comme la vision qu’à l’Europe sur l’Espagne. On regrettera juste quelques redondances, mais excepté cela il se lit facilement.
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