Alexandre rend hommage à ce frère, qui l’a terrifié durant toute son enfance. « (…) Je trouvais ça incroyable qu’une chose aussi belle, sauvage et incontrôlable puisse sortir de sa tête"
Moi aussi, j'ai adoré. Et il fait partie de mon Top 5.
«Des quatre enfants escamotés, il n'y a que Samir qui continue de croire à l'enchantement de ce départ. Depuis qu'ils ont embarqué, sa petite main n'a pas lâché le revers du pantalon paternel.»À l'origine de ce roman autobiographique, il y a ce frère radicalisé, mort dans un camp d'entraînement en Afghanistan au début des années 2000. Le petit garçon de trois ans que le père a arraché à sa mère et à l'Algérie pour venir s'installer à Sarcelles, c'est lui. Celui qui raconte cette histoire, c'est l'autre frère, Alexandre, qui naît quelques années plus tard en France. Samir, pour Alexandre à l'époque, n'est pas cet enfant meurtri, c'est au contraire «l'oppresseur», celui dont la colère rentrée a trouvé à s'exercer continûment sur le petit garçon qu'il était. Samir l'enfant, c'est celui qu'il ressuscite quand la haine s'est dissipée après sa mort assourdissante. Comment deux frères peuvent-ils avoir des trajectoires si éloignées ?En reconstituant avec distance et courage ces deux enfances que tout oppose sauf la faillite du père, Alexandre Feraga tente d'approcher au plus près les mystères d'une destinée.
Alexandre rend hommage à ce frère, qui l’a terrifié durant toute son enfance. « (…) Je trouvais ça incroyable qu’une chose aussi belle, sauvage et incontrôlable puisse sortir de sa tête"
Le Prix Orange du Livre 2023 dévoile sa liste
Moi et mon frère, bourreau et martyr
Il aura fallu plusieurs romans à Alexandre Feraga avant de se sentir prêt à raconter son histoire et celle de son frère mort en Afghanistan. Un frère qui l’a longtemps martyrisé avant d’être happé par les intégristes musulmans. Un récit âpre, violent, sans concessions.
Ce roman s’ouvre sur une scène forte, celle d’un rapt. Un homme fait monter ses quatre enfants sur un bateau à destination de la France. Nous sommes en 1975 et, en vertu de la politique de regroupement familial, il peut rejoindre ses parents qui ont émigré vers la France. Mais il laisse Khadija, la mère des enfants, derrière lui. Un plan machiavélique conçu par Zina, sa mère soucieuse de le voir auprès d’elle.
En France, il ne va pas tarder à trouver une épouse qui succombe à «ses boucles brunes, son visage rond, sa bonhomie affichée en public, ses longs cils et sa manière de fumer ses cigarettes». Elle est non seulement prête à accueillir sa progéniture, ayant elle-même déjà un enfant, mais aussi à agrandir la famille recomposée. Le narrateur naît en avril 1979: «L’homme qui a arraché quatre enfants à leur mère est mon père. Je suis né de sa fuite quatre ans plus tard, en France. Comme si faire quatre orphelins ne suffisait pas. Cet homme a récidivé sur un autre continent, dans un décor différent. À l’heure de ma naissance, il ne se montre pas plus concerné par ma venue que par l’éducation des quatre enfants dérobés. En ce matin d’avril, je suis une péripétie de plus.» Une péripétie qui ne va pas tarder à sentir qu’il n’est pas le bienvenu dans la fratrie. Ses trois demi-frères, menés par Samir, l’aîné, vont lui faire sentir par des coups et agressions, des violences physiques et morales quasi quotidiennes. Pour y échapper, il va chercher des cachettes et finir par trouver un placard qu’il pourra investir avec une lampe frontale et un livre. «Je peuplais le placard de centaures, de licornes, de dragons, de toutes les créatures fantastiques que mes premières lectures avaient mis à ma disposition. Il me suffisait de les convoquer pour qu'elles accourent et dansent sur les parois sombres de mon refuge. Des personnages comme Huckelberry Finn, Nils Holgerson ou Jim Hawkins venaient à ma rescousse. Ils étaient mes frères véritables, pas une ligne de leurs aventures ne me trahissait jamais.» Ce sont ses compagnons d’infortune qui vont lui permettre de résister. Quand dans les pires situations, il peut faire appel à son imaginaire et à ses héros.
Mais la situation familiale ne s’améliore pas, bien au contraire. Son père se noie dans le jeu, l’alcool et les dettes, si bien qu’il lui faut quitter leur maison de Montsoult pour la petite villa de Méru dans l’Oise que lui ont laissé ses parents, retournés vivre en Algérie. «Je garde de ce jour un fort sentiment d’injustice. J'abandonnais des amitiés qui m’avaient aidé à supporter la fureur de Samir et les dysfonctionnements du père. Sans eux, je ne savais pas comment j'allais pouvoir affronter la suite de la débâcle. Une image ne m'a pas quitté: mes sœurs côte à côte sur le trottoir nous faisant des signes de la main. Elles étaient en larmes, des sacs de vêtements bourrés à la hâte encerclaient leurs chevilles. Elles avaient fini par se taire, la voix coupée par la cruauté. Pendant que nous les abandonnions, les jumelles, elles, se tenaient par les épaules. »
Pendant ce temps, Kadhija dépérit. Elle a cessé de croire au retour de son homme et celle de revoir jamais ses enfants.
Sans pouvoir y répondre, l’auteur pose la question des traumatismes qui conduisent à des destins diamétralement opposés. Comment les deux frères ont-ils pu basculer chacun dans la délinquance, la violence et l’intégrisme pour l’un et dans l’écoute et l’ouverture aux autres – Alexandre va s’occuper d’enfants handicapés – pour le second? Peut-être que leur rapport à ce père défaillant éclaire un peu cette interrogation.
https://urlz.fr/mHih
L’histoire de cette famille recomposée et déstructurée est un roman passionnant sans que le sujet soit centré sur ce frère. Selon moi, le narrateur a trop de colère, de haine à écouler pour que le frère serve de fil conducteur à cette histoire. Du coup on navigue entre les différents personnages de cette famille, qui n’en est pas une, sans approfondir complètement le caractère du frère dont le titre est tiré.
L’écriture est superbe cependant et tous les éléments de nombreux romans sont là mais ce livre part dans toutes les directions sans en prendre définitivement une.
Merci à la fondation Orange de m’avoir permis de découvrir ce livre.
1975. Un père algérien arrache ses quatre enfants en bas âge à leur propre mère pour venir s'installer en banlieue parisienne.
«Des quatre enfants escamotés, il n'y a que Samir qui continue de croire à l'enchantement de ce départ. Depuis qu'ils ont embarqué, sa petite main n'a pas lâché le revers du pantalon paternel.»
1979. Naissance de l'auteur et narrateur, Alexandre Feraga, de ce même père algérien et d'une mère française.
Ce frère impossible c’est Samir, son demi-frère qui n’aura jamais accepté la naissance de ce petit Alexandre et subi, comme toute la fratrie, les défaillances notoires et toxiques d’un père dépassé, addict à l’alcool et aux jeux et désespérément violent.
Dans l'enfance, Samir sera le bourreau non-stop d’Alexandre, victime qui exhume aujourd’hui les plaies et fardeaux d’hier pour tenter de comprendre.
C’est immédiat, flagrant, poignant, Alexandre Feraga ausculte sa mémoire intime avec la douceur de lui-même enfant, poétique et martyrisé. On fait sienne sa famille, on partage ses rêves, ses rencontres littéraires, sa farouche survie qui l’anime.
Sa destinée ne finit pas dans les camps d’entraînement djihadiste en Afghanistan comme Samir, Alexandre sera homme, père et écrivain.
Qu’en est-il de leurs sœurs jumelles, du petit frère ? Qu’est devenue Khadija la mère des quatre petits escamotés ? Samir avant la disparition fatale réussit à la retrouver dans une scène reconstituée, d’une émotion rare.
Ce livre est un hommage à la résilience qui parfois permet à tout un chacun de se construire quoi qu’il arrive, en-deçà des blessures et des traumas, des violences et des drames.
C’est un livre pourtant lumineux et on le referme à regret car c’est un honneur et dérisoirement une chance d’avoir rencontré cette famille-là. Bienvenue Alexandre et feu-Samir dans mes appartements mentaux !
Lu dans le cadre du Prix Orange du Livre 2023. Merci à la Fondation Orange et aux Éditions Flammarion de m’avoir permis de découvrir cet auteur.
C’est un drame qui lance le roman : les enfants de Khadidja sont ravis à leur mère et acheminés vers la France avec leur père, pour être accueillis par Zina la grand mère. Ils sont jeunes, mais pas suffisamment pour que cette rupture ne laisse pas de traces. Samir ne s’en remettra jamais, vouant une haine féroce pour le demi-frère que sa belle mère mettra au monde quelques années plus tard. Objet de tourments permanents, c’est lui qui conte cette histoire.
Le père qui a laissé ce rapt se faire par l’entremise de sa machiavélique mère est une enveloppe vide, un personnage centré sur les paradis artificiels que l’alcool ou les jeux peuvent lui procurer. L’existence des enfants au mieux l’indiffère, au pire le conduit à des accès de violence inimaginables.
Que peut-il advenir de jeunes enfants qui ont grandi sur un tel socle ?
Il semble que le narrateur s’en soit plutôt bien sorti; on ne saura rien des jumelles mais pour Samir, la voie est toute tracée…
Roman noir, autobiographique, qui met en évidence les caprices du destin, qui à partir d’une situation donnée peut déboucher suer le pire ou le meilleur.
Les scènes sont empreintes de violence, parfois à la limite du supportable d’autant que’on se demande si l’on a atteint le fond ou si pire est encore possible.
Témoignage percutant de ce que la douleur peut entrainer chez les hommes, le roman est poignant. Si le dénouement, attendu, est terrible, il est aussi un soulagement.
256 pages Flammarion 11 janvier 2023
Sélection prix orange 2023
Chronique d’une violence annoncée
Alexandre raconte la famille, la sienne et celle du père avant.
Avant, c’est 1975 en Algérie, le père est marié et a quatre enfants. Enfants qu’il va enlever à la mère, pour les emmener en France où ses parents vivent et travaillent ; il est aidé d’un oncle et d’une nièce.
Des jumelles de trois ans, Samir deux ans et un bébé de quelques semaines.
Pour échapper au service militaire algérien, le père a bidonner ses études, mais le système le rattrape , c’est ainsi qu’il fait appel à sa mère et que celle-ci pilote l’enlèvement.
Samir du haut de ses deux ans, accroche sa menotte au pantalon de son père toute la traversée, déjà il attend un signe de celui-ci.
En France, il va devenir associer d’un pressing et occupera avec sa famille un bel appartement à Sarcelles. Il devient très vite la coqueluche de son quartier.
Une vie qui pourrait être heureuse.
Il rencontre une jeune vendeuse en boulangerie qui a un garçon de sept ans.
Ils vont constituer une famille recomposées, et naîtra Alexandre, notre narrateur.
L’atmosphère du livre est lourde, il n’y a pas de répit dans l’escalade de cette violence.
Samir fera d’Alexandre son souffre-douleur, probablement parce que c’est le seul enfant de la fratrie a pouvoir dire papa-maman. Mot qu’il n’aura pas l’occasion d’user, car c’est plutôt l’indifférence qui règne vis-à-vis des enfants. Même lorsque la violence de Samir se voit sur Alexandre, cela n’implique aucune réaction ni inquiétude.
La tendance serait à stigmatiser Alexandre pour son soi-disant manque de courage.
Alexandre va trouver très vite des astuces, des évitements pour échapper à tout cela. Quand il va chez les copains, il ne peut que constater et entériner que sa vie de famille est atypique.
« Ma mère a essuyé mes larmes, nettoyé la blessure, sans un mot doux, admettant par son silence qu’ici, dans la maison, les enfants avaient devoir de souffrance. »
Samir glisse inexorablement sur la mauvaise pente, la délinquance au début et puis la radicalisation.
Le père lui tient toutes les promesses de son caractère, roi pour sa mère, tout lui, est permis, le fils docile est un mari et un père indifférent, joueur, menteur et alcoolique. Donc l’issue est évidente et les lâchetés nombreuses.
L’auteur construit son livre en ponctuant par lieu et date. Ces années sont chacune une déflagration, elle correspond précisément à un évènement marquant.
Mais la subtilité est de ne donner un prénom qu’à celui qui… Samir.
Samir dans cette tourmente ne pouvait que faire naufrage, en attente partout, tout le temps, suspendu à un mot, un geste, une reconnaissance qui ne viendront jamais.
Alexandre Feraga a fait un sacré voyage pour arriver à nous faire partager ce monde de colère qui déferle sans aucun barrage pour l’arrêter.
Ce livre, c’est donner une identité à celui qui a été dans l’incapacité de tracer son chemin d’homme, c’est l’interrogation sans réponse de ce qui fait que l’un peut construire et l’autre pas.
Alexandre a fait un long chemin pour arriver jusqu’à Samir.
Un beau livre, douloureux qui du début à la fin est comme une grenade dégoupillée, le lecteur doit attendre la dernière ligne pour savoir si tout explosera.
Un engrenage dont il est possible de sortir, pourquoi l’un et pas l’autre ? Ce sera toujours une énigme.
Une réflexion faite avec toute la rationalité nécessaire et la sensibilité pour réhabiliter ce petit garçon dont la menotte s’accroche au pantalon paternel : il s’appelait SAMIR .
Merci à Lecteurs.com et la Fondation Orange pour ce privilège de lecture.
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2023/04/24/le-frere-impossible/
Voici un roman autobiographique bouleversant qui aborde de nombreux thèmes et posent beaucoup de questions notamment sur l’identité et la paternité.
Le narrateur est donc Alexandre Feraga. Il raconte son enfance meurtrie mais aussi et surtout son histoire familiale, celle de son demi-frère, Samir. Ou comment deux frères empruntent deux chemins totalement différents, l’un l’écriture, l’autre la radicalisation. Il fait des allers-retour dans le passé et progresse vers le présent en dévoilant des éléments au fur et à mesure.
Tout commence en 1975 lorsque le père fuit l’Algérie avec ses 4 enfants en bas âges. La grand-mère a tout organisé. Ils laissent derrière eux, un pays, une identité et surtout la mère des enfants, Khadija.
Le père trouve une nouvelle femme en France avec qui il a un fils, Alexandre, le dernier né de la fratrie. Les enfants ont le même père mais pas la même mère. Le père est mutique, ses silences sont oppressants. Les enfants recherchent son amour, son attention mais ne trouvent rien en retour. Ils grandissent dans un vide sentimental, abandonnés à eux-mêmes. Il ne sait pas ce que c’est être père.
Alexandre subit les coups de son frère aîné, Samir. Personne ne le défend, sa mère non plus. Il se réfugie dans son imaginaire, dans les maisons chaleureuses de ses camarades, dans la forêt, dans un placard. Il se cache pour éviter son frère mais quand cela est impossible, il plonge dans ses pensées et l’univers rassurant qu’il s’invente.
A ses dix ans, son père l’emmène en Algérie. La famille l’accueille comme un prince. Il se sent aimé, choyé. Jusqu’au moment où son enfance bascule. Cette fête est organisée pour sa circoncision. Il vit très mal cet événement violent. Il en veut à son père.
Puis il y a quelques amitiés marquantes dans la vie du narrateur. Quelques moments de répits aussi avec son frère, mais la délinquance n’est jamais loin. Il l’entraîne dans des coups, des vols. Malgré cette enfance difficile, ce manque d’amour et de repères, il grandit et s’émancipe de l’emprise de son père et de son frère.
Il y a de magnifiques passages rendant hommage à la littérature, au pouvoir des mots, à l’écriture. Malgré la noirceur de cette enfance maltraitée, le roman parlera aux amoureux des livres. Il fait la part belle à la résilience par la littérature. J’ai d’ailleurs pensé au livre de Xavier Leclerc en lisant ce roman. L’écriture est très belle.
Il fait partie de la sélection du Prix Orange du Livre 2023 et c’est un coup de cœur pour moi !
Moi aussi, j'ai adoré. Et il fait partie de mon Top 5.
https://leslivresdejoelle.blogspot.com/2023/04/le-frere-impossible-dalexandre-feraga.html
A l'origine de ce roman autobiographique, il y a Samir ce frère radicalisé, mort dans un camp d'entraînement en Afghanistan au début des années 2000. A l'âge de trois ans, Samir avait été arraché à sa mère et à l'Algérie pour venir s'installer à Sarcelles avec son père et ses frère et sœurs.
Pour Alexandre, l'auteur, né en France quelques années plus tard d'une mère française, Samir était à l'époque un demi-frère tortionnaire qui défoulait sa colère sur lui sous l'œil indifférent de leurs parents. Alexandre, malgré tous ses efforts, n'est jamais parvenu à retenir le regard de son père, à se rapprocher de lui, il a passé son enfance à attendre désespérément l'affection de ses parents.
Ce roman autobiographique est très dur et très émouvant, c'est le récit d'une enfance au sein d'une famille violente et indifférente. Alexandre a grandi dans une misère des sentiments et une carence affective effroyables, objet de la haine de son frère aîné, auprès d'un père autoritaire, négligent, alcoolique et absent et d'une mère soumise.
Le destin de Samir est particulièrement tragique, il a été arraché à sa mère, à ses racines et à sa culture avec son frère et ses deux sœurs pour satisfaire les délires de leur grand-mère paternelle qui voulait faire disparaitre leur mère du paysage familial. Au sein d'une famille foncièrement nocive, Alexandre et ses frères et sœurs ont enduré une vie de solitude et de souffrance, Alexandre trouvait refuge dans son placard avec ses livres réussissant à se soustraire au réel dans les moments d'extrême violence en se racontant des histoires, Samir trouvait refuge dans la violence avant de tomber entre les mains d'un homme qui a su exploiter ses blessures. Tombé sous l'influence de cet homme il s'est laissé endoctriner au point de partir en Afghanistan où il a trouvé la mort.
Le rapprochement par-delà la mort avec un frère haï, la possibilité de parler de ce frère après avoir caché son histoire familiale à son entourage pendant vingt ans, les chapitres poignants consacrés à Khadija, mère des demi-frères et sœurs de l'auteur, rendent ce roman particulièrement attachant. " Entre nous, il n'y aura jamais eu qu'un père qui n'en fut pas un."
Le roman est centré sur Samir, seul membre de la fratrie de l'auteur dont le prénom est donné, un "frère impossible" qui n'a pas eu la chance d'Alexandre d'être sauvé par les livres et l'écriture. "Entre le bois et l'écorce, c'est là où je vis la plupart du temps. L'écriture est ma forêt."
"Le frère impossible" d’Alexandre Feraga fait partie des vingt-et-un-romans sélectionnés pour le Prix Orange du Livre 2023, et c’est dans ce cadre que je viens de le découvrir. Il n’est pas simple de trouver les mots justes pour expliquer tout ce que cet écrit porte de douleur, de chagrin, de désastre familial.
Je l’ai lu presque en apnée tant la détresse qu’il contient est parfois difficile à supporter. Quatre enfants jeunes, dont un bébé de quelques mois sont arrachés à leur mère. Pendant qu’elle reste en Algérie, leur père leur fait traverser la Méditerranée pour se retrouver en France où "A plus de trois mille kilomètres d’Annaba, à Méru dans l’Oise, Zina, la mère du mari, se frotte les mains. En plus d’avoir organisé et couvert la dérobade de son fils et de ses petits-enfants, elle s’est bien occupée de la réputation de sa belle-fille." Voilà, une famille sans mère, des enfants perdus et un père qui finalement n’en sera pas un. Quelques années plus tard, naît Alexandre. Sa mère est française et va élever les quatre enfants de son mari. Alexandre devient le souffre-douleur de son demi-frère Samir…
A l’aide d’une très belle écriture, travaillée, ciselée, délicate, toute en nuances, l’auteur raconte une souffrance longtemps enfouie. Il raconte le malheur d’un père absent, d’une mère silencieuse, d’une fratrie victime de violence, la violence inouïe d’une séparation, d’un arrachement à son pays originel, à sa culture. De Samir, le bourreau, et d’Alexandre, la victime, on pourrait presque dire "chacun cherche son père", car là me semble le nœud de l’histoire. Et chacun des garçons – les sœurs sont finalement peu évoquées – va se construire à sa manière. Samir va sombrer dans la religion…extrémiste, l’autre frère dans la délinquance, et Alexandre dans la résilience...dont la religion n’est pas absente puisqu’il trouve un emploi dans un institut pour personnes atteintes de handicap, un institut privé…catholique.
Ce roman est d’une richesse incroyable qui traite en finalement peu de pages de beaucoup de thèmes. C’est dire si les mots ont été sélectionnés, choisis, pesés. Il est aussi l’œuvre d’un homme capable d’empathie pour une autre mère qui n’est pas la sienne et dont il parle avec respect et tendresse.
La lecture de ce roman fut pour moi un moment particulièrement bouleversant.
Roman sélectionné pour le Prix Orange du Livre
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J'adore cette phrase dans ta chronique, car c'est exactement ce point qui me fait aimer autant ce livre : "C’est immédiat, flagrant, poignant, Alexandre Feraga ausculte sa mémoire intime avec la douceur de lui-même enfant, poétique et martyrisé."
Le frère impossible fera partie de mon Top 5 à la mi mai.