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Édition enrichie (Présentation, notes et bibliographie).
A Paris, au début du xviie siècle, trois peintres devisent de leur art. L'un est un jeune inconnu, promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste officiel de feu le roi Henri IV, est, lui, dans la plénitude de son talent et au faîte de la renommée. Le troisième, maître Frenhofer, personnage plein de mystère qui a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons, met la dernière main dans le plus grand secret à un bien mystérieux «chef-d'oeuvre». Il faudra que Gillette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal cherché en vain depuis des années, soit admise dans l'atelier du peintre pour que, y pénétrant derrière elle, Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret. Et cette découverte les plongera dans la stupéfaction.
Ce «conte fantastique» à la manière d'Hoffmann est aussi une méditation sur le pouvoir de l'esprit dans le domaine de l'art. Il prend naturellement sa place parmi les Etudes philosophiques de La Comédie humaine.
Ce livre, cette nouvelle, est une réflexion sur l’Art. Un jeune artiste, Nicolas Poussin, est fasciné par la maîtrise d’un vieux maître : sa technique apporte de la vie, de la profondeur au tableau comme il n’en avait jamais vu avant. À cet instant, il ne contemple que les merveilleuses corrections que le vieux maître Frenhofer apporte au tableau de Porbus. La couleur, c’est ce qui donne la vie au tableau et l’on comprend que c’est la définition que se fait Balzac sur l’Art : rendre vie et non copier. La copie n’a aucune valeur en soi, il faut « animer ». Le vieux maître apparaît ainsi dans la pleine maîtrise de son Art. Mais s’en suit une seconde partie : Frenhofer serait sur le point de finir le chef d’oeuvre, Son chef d’oeuvre. Il apparaît alors soucieux, angoissé de ne pas trouver le modèle qui lui permettrait de terminer son œuvre. Nicolas Poussin, en échange de pouvoir voir son tableau, lui offre sa très belle petite amie comme modèle. À la stupeur de Poussin et de Porbus, le chef d’oeuvre se trouve être un amoncellement de couleurs, sans dessin, où il n’y a rien de représenté excepté un pied superbement peint ; tandis que Frenhofer s’extasie devant sa production. Ce dernier réalisant le peu d’intérêt que son tableau suscite chez les deux jeunes peintres, brûle le soir même toutes ses œuvres et meurt. La question qui semble se poser est : est-ce que les créations artistiques appartiennent à l’artiste qui les crée ? Ne doit-il pas avoir l’humilité de les laisser vivre malgré lui ? Ainsi en voulant réaliser un chef d’oeuvre parfait, ce n’est plus l’oeuvre qui compte, ou l’élan créateur de l’artiste mais c’est bien plutôt son orgueil, sa gloire qu’il recherche. La conséquence : l’élan créateur, l'énergie créatrice disparaissent et il ne reste plus rien (il n’y a plus d’oeuvre, il reste le désespoir).
Avant de retourner voir du côté de Kennedy ce qu'il me reste à découvrir, j'ai eu envie de prolonger quelque peu ma promenade littéraire entamée avec Victor Hugo en me frottant à un autre poids lourd : Balzac. Si je ne suis pas intime avec l'écrivain au point de l'appeler par son prénom, je dois dire que le terrain m'est tout de même un peu plus familier même si mes connaissances reposent plus volontiers sur les éléments biographiques que bibliographiques.
Tout comme Hugo, Balzac est un auteur prolifique et a écrit un peu moins de cent romans en à peine cinquante ans d'existence. Il faut ajouter à cela des feuilletons, des nouvelles, des articles, un travail prodigieux, une véritable entreprise qui nécessitait parfois quelques "nègres" dédiés aux récits les moins prestigieux. Son œuvre est par conséquent complexe, difficile à appréhender pour quiconque souhaite sérieusement s'y frotter et pourquoi pas espérer devenir un jour un balzacologue.
Heureusement pour vous, ce n'est pas mon ambition ni le but de cette critique. Si je vous parle aujourd'hui de ce "Chef d'œuvre inconnu", c'est parce qu'il s'agit d'une nouvelle présentée par l'éditeur comme un conte fantastique. Je ne savais pas que l'auteur s'était frotté au genre et j'ai donc lu avec grand intérêt la préface de Maurice Bruézière qui nous explique que ce récit était à l'origine une commande d'un éditeur qui souhaitait que Balzac écrive un conte fantastique "à la manière d'Hoffmann". L'écrivain allemand - qui fut le premier à voir ses récits qualifiés de "fantastique" - était à l'époque très populaire en France et admiré par Gautier, Dumas ou Nerval.
Soucieux de faire montre de ses talents, Balzac - qui était sans doute lui aussi admiratif de ces contes fantastiques - se prête au jeu avec une telle appropriation des codes de ce genre nouveau qu'il en frôle presque le pastiche. Tout au long du récit, l'auteur est dans l'exercice de style, pioche dans les différents contes d'Hoffman et ses personnages la matière à ce récit qui met en scène des peintres célèbres, Porbus, Nicolas Poussin et des personnages fictifs.
Malgré son étiquette fantastique, l'histoire n'offre finalement que très peu de surnaturel, mais en revanche beaucoup d'érudition, des dialogues durant lesquels l'écrivain étale sa vision de la peinture, sa connaissance des techniques dans une langue vernaculaire quelque peu exigeante pour le profane. L'histoire n'est pas en soi déplaisante, s'interroge sur la figure du poète, sur la création artistique, le rapport qu'entretient l'artiste avec son œuvre, mais peine à réellement passionner.
À vrai dire, l'intérêt de ce petit ouvrage tient à la somme de son contenu. Dans la préface, Maurice Bruézière décrypte en grand spécialiste la construction de ce "Chef d'œuvre inconnu" et évoque quelques-uns des emprunts De Balzac dans l'œuvre d'Hoffman. Afin d'illustrer ces propos, l'éditeur a eu la bonne idée de faire suivre la nouvelle de l'auteur de "La leçon de piano", un conte de l'écrivain allemand, une belle introduction qui donne envie de s'y pencher plus sérieusement.
S'il faut bien entendu garder à l'esprit que les deux auteurs n'ont ni le même public, ni la même approche de la littérature, cette mise en parallèle des deux histoires permet de mieux comprendre comment Balzac a réussi à transposer son univers dans celui du conte fantastique "à la manière d'Hoffmann".
Ce "Chef d'œuvre inconnu" ne s'apprécie donc pas pour ses qualités narratives ni l'épaisseur de ses personnages, mais parce qu'il montre combien la Littérature, sous ses apparences codifiées, n'en demeure pas moins une forme artistique qui évolue grâce aux métissages culturels, aux expérimentations créatives, mais également aux impératifs financiers.
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