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Le carrefour des Écrasés porte bien son nom. Hiver 1891, le corps d'une femme y est découvert, défigurée, toute de rouge vêtue, pieds nus. Ce même jour, on livre à Victor Legris, un escarpin rouge, tapissé du papier à en-tête de sa librairie. Étrange coïncidence? L'enquetteur ès lettres est loin de se douter que les jeunes filles en fleurs cachent parfois de terribles secrets....
Dans cette trépidante affaire, le hardi Victor Legris nous entraîne une fois de plus au coeur d'un Paris torve et gouailleur dont Claude Izner conte savoureusement les mystères fin de siècle.
Qui est cette jeune fille toute de rouge vêtue mais les pieds nus dont le corps sans vie vient d’être retrouvé en ce mois de novembre 1891 ? Quel rapport entre ce crime odieux et l’escarpin rouge qu’un berger vient déposer à la librairie de Victor Legris ? Et pourquoi l’apparition de cette chaussure jette-t-elle précipitamment son associé et père adoptif, Kenji Mori, sur la route de Saint Mandé ? Malgré sa promesse faite à Tasha de ne plus se mêler d’enquêtes policières, le libraire ne peut s’empêcher de suivre la trace de cette mystérieuse chaussure. Ses investigations vont le mener dans les hauts lieux des nuits parisiennes, du Moulin-Rouge au cabaret du Chat noir, dans les pas d’un meurtrier retors et manipulateur.
Troisième aventure du libraire Victor Legris et le plaisir est toujours au rendez-vous. Pourtant, l’enquête piétine. Les morts s’accumulent et nul indice ne semble vouloir mener à un suspect. Et puis Victor, même s’il est a priori fort sympathique, cumule tout de même deux gros défauts : sa jalousie maladive et sa tendance à fuir lorsqu’une situation lui déplaît. Malgré cela, le suivre dans les rues de Paris est un régal. Croiser Toulouse-Lautrec attablé au Moulin-Rouge, visiter le service du professeur Charcot à la Salpêtrière, patienter devant le Mont-de-Piété, traverser la capitale en fiacre, partager le repas et les conversations truculentes du commis Joseph et de sa mère, découvrir le métier aujourd’hui disparu de berger en chambre ou encore accueillir les clients en quête de nouveautés littéraires dans la fameuse librairie de la rue des Saints-Pères sont autant de menus plaisirs qui viennent égayer cette sombre histoire de vengeance dont l’ami Victor a bien du mal à dénouer les fils.
Mêlant habilement enquête policière et vie privée des personnages (Le mystérieux Kenji Mori dévoile un secret jusqu’ici bien gardé), Le carrefour des écrasés est un opus honnête dans cette série qui nous plonge avec ravissement dans le Paris des cabarets, des poètes, des peintres et des petits métiers. Charmant et distrayant.
Pour le troisième volume des aventures policières de Victor Legris, les sœurs Korb ont fait fort : restituer la vie de Paris en 1891 en explorant le monde de la nuit. En effet, en cette fin de siècle, la Ville Lumière connaît, à nouveau, une série de meurtres (particulièrement sanglants, selon moi) et, parmi les victimes, se trouve Noémi Gerfleur, chanteuse de café-concert. Et les péripéties de l’enquête nous font entrer au « Chat noir », à l’ « Eldorado », au « Moulin Rouge », tous ces lieux devenus mythiques, auréolés de légendes relayées depuis longtemps par la peinture, la littérature ou le cinéma. Et, au détour d’une description, des figures hautes en couleurs du monde du spectacle de la Belle Epoque se manifestent : Valentin le Désossé, la Goulue, Nini Patte-en-l'air, Jane Avril ou bien encore Yvette Guilbert. Et que dire du public, mélange hétéroclite de noblaillons, de bourgeois voulant s’encanailler et de bohèmes alcooliques ? Que s’y trouvent Henri de Toulouse-Lautrec, Paul Verlaine, Bibi la Purée ou le prince de Sagan, pas loin de femmes de petite vertu et de leur maquereau. Mais le plus drôle, ce sont les extraits de chansons qui émaillent ces pages-là. Edifiantes paroles que celles-là, véritables vers de mirliton, prouvant qu’il y a toujours eu une chanson française populaire ET idiote. Mais d’autres lieux sont visités par les deux enquêteurs (Victor Legris et son commis, Joseph Pignot, de plus en plus présent) : le Jardin des Plantes, le Mont-de-Piété, la Salpêtrière, l’église de Saint-Etienne-du-Mont… si bien que la cartographie de Paris se complète un peu plus. Ne pas oublier que sont également tirés de l’oubli certains petits métiers aujourd’hui disparus, mais fixés à jamais sur les photographies d’Eugène Atget : le chevrier beauceron distributeur de lait, la marchande de quatre-saisons, les vendeurs de journaux à la criée … Bref, ce qui fait le succès de ces romans policiers réside dans la résurrection d’une capitale qui est définitivement perdue au fil des transformations urbaines. Ainsi que des dialogues fleuris de savoureuses expressions argotiques, aujourd’hui cantonnées aux chansons de Pierre Perret… si bien que l’enquête policière en devient secondaire.
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