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Le Danemark est un bien curieux pays, bien différent du nôtre. Pourquoi je vous dis ça ? Imaginez que l’épouse du Premier ministre, après avoir été quelque peu moquée par la presse, éprouve le besoin de se changer les idées en renouvelant son mobilier. On peut la comprendre :
« La photo était en couleur et malheureusement assez nette. On y voyait deux femmes, dans la Tour dorée de Tivoly. Chacune sur son siège, l’une à côté de l’autre, solidement attachées. L’une hurlait de joie, l’autre de terreur. Et de rage ! Ca ne faisait aucun doute. La vitesse de déplacement remplissait leurs robes d’air et… Enfin voilà, on y voyait des choses qu’habituellement on n’aère pas en public. Surtout pas les femmes mariées à des chefs d’Etat, en dehors de la juridiction française*. De nos jours, l’attrait pour ce genre de sensation est somme toute assez limité, mais il y avait un petit détail qui changeait la donne : aucune des deux dames n’était franchement anorexique et les sommes utilisées par la première dame lettone pour sa sustentation avait sans doute été économisées sur le budget culotte…»
Ici, on est organisé, hiérarchisé, on a du personnel et aucun problème de budget. On appellerait sans doute à l’aide antiquaires, conservateurs du patrimoine et le gotha des architectes d’intérieur mais là-bas, à Copenhague, il apparaît comme vraisemblable que la dame en question se rende elle-même chez Ilva pour en repartir illico-presto avec un nouveau canapé et quatre porteurs qui sont en réalité des policiers habituellement affectés à la surveillance d’une ambassade, laquelle ambassade se retrouve après un match de football houleux prise d’assaut par une horde de vikings furieux. Imaginez la presse déchaînée, les danois en colère et la démission imminente du premier ministre. Je sais qu’ici, c’est inconcevable depuis qu’après avoir coupé la tête du malheureux Louis XVI, on a décidé de ne plus couper les cheveux en quatre de nos monarques élus en les laissant mener le grand train qu’ils souhaitent et qui, pensent-ils, participe de leur majesté. C’est aussi un des plaisirs de la lecture de romans étrangers que de découvrir d’autres contrées et d’autres mœurs. Bref, je m’égare, revenons à ce Blues du Braqueur de Banque que j’ai trouvé particulièrement réussi en dépit du titre (je sens que je vais encore m’égarer) qui me renvoie le souvenir ancien mais néanmoins vivace de m’être, un beau (pas tant que ça finalement) matin, retrouvé à genoux, dans un hall d’agence bancaire avec un pistolet braqué sur ma nuque que je n’imaginais pas si fragile, en attendant avec une impatience certaine que les opérations de retrait en espèces réclamées assez bruyamment, je dois dire, et sans attendre son tour, par notre braqueur de banque ne se terminent. Pour tout vous dire, l’ambiance était beaucoup plus tendue que dans la savoureuse anecdote racontée par le braqueur danois à laquelle je ne résiste pas :
« Le rire est un formidable adoucissant. Une fois nous avions été forcés de pacifier le personnel d’une banque avec du ruban adhésif gaffer. Ca rend toujours l’ambiance pesante quand on ne peut pas travailler en paix, quand il y a trop de bruit et de mouvement. La dame du guichet était dotée d’une relative corpulence – et je suis sympa. Quand mon collègue voulut lui attacher les bras dans le dos, l’avant de son tailleur explosa littéralement. La tension fut alors trop forte. Le directeur de la filiale éclata de rire, un véritable fou rire communicatif. Comme une digue qui cède, le fou rire gagna la moitié du personnel. Bientôt, la pièce entière résonnait des rires d’une bande de fonctionnaires attachés les mains dans le dos. Et voyez : l’ambiance fut tout de suite plus légère ! C’était presque jovial, la forte dame du guichet était la seule à rester un peu maussade. L’hostilité qui existait depuis le début commença alors à se fissurer, nous étions devenus des gens qui avaient une histoire commune à raconter. Ce changement miraculeux, nous le devions au rire. Bien sûr, dans ce cas précis, cela eut pour effet de faire prendre un peu de retard au travail en cours et ce retard additionné à une peine avec sursis que je me traînais depuis quelques années, ne resta pas sans conséquence. Mais oublions ça, ce jour-là, le rire avait adouci l’atmosphère. »
Mettez au milieu de la nuit, dans un hangar à bateaux, un Premier ministre, son ami mentor et conseiller, et une jeune chef scout, donnez la parole à un braqueur de banque admiratif et conscient de ses insuffisances intellectuelles, mélangez bien et vous obtenez une comédie malicieuse et politiquement incorrecte dont la légèreté n’exclut pas des réflexions profondes sur nos sociétés démocratiques et leurs perversions ainsi que quelques assertions des plus piquantes voire irrévérencieuses :
« Il en va des ministres comme des couches jetables : il faut les changer souvent.
Et pour la même raison. »
Ce petit roman se lit très vite avec beaucoup de plaisir et la chute qu’on sent venir mais dont on ne peut deviner les modalités est amusante. A malin, malin et demi !
*Ah, les stéréotypes !
C'est drôle d'un bout à l'autre, vraiment désopilant. Plutôt dans le genre "nonsense". Mais j'ai beaucoup aimé.
Un braqueur de banque raconte l'histoire de Max, égérie au masculin du premier ministre danois, qu'il vient de tuer. Mais non loin de là, se trouve un camp scout et une cheftaine fait irruption dans le hangar où se trouvent Max et le cadavre. Comment Max va-t-il s'en sortir, lui qui est habitué de sortir le gouvernement de toutes les impasses dans lesquelles la politique les fourvoie ?
Un excellent moment de détente. Bravo !
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