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Le pacte secret de deux génies.
C'est une histoire où le bien et le mal se donnent la main. On y avance masqué, on y ment par profession, par vice, par nécessité, on y aime, on s'y trahit et on y ressuscite. " La nuit du 21 février 1673, une foule en larmes enterre le baladin Molière. Sous son capuchon, le vieux Corneille suit le cortège. Il vient pour Armande, la veuve. Il la désire en secret. Il va lui dire la vérité sur son mari. Et nous l'apprendre. Molière et Corneille, deux faces d'une même médaille, deux génies liés par un pacte inavouable. Ces monstres sacrés avaient-ils plusieurs visages ? Que nous cache-t-on depuis trois cents ans ?
Molière le Grand ! Et pourtant, doit-on à cet illustre toutes les répliquent de sa gloire ? C'est ce que tente de nous dire l'auteur, derrière l'homme de scène, qui écrivait, qui dictait, qui inventait ... A vous de le découvrir !
Imaginez…. Vous êtes assis confortablement dans votre canapé et une pièce de théâtre se déroule devant vous, rien que pour vous.
Six acteur du 17ème siècle, à tour de rôle, vous interpellent et vous expliquent qui ils sont, leur environnement, leurs amours et leurs questions.
Car il est bien question de doutes, de révélations : Est-ce Corneille qui a écrit les pièces de Molière ?
Le lecteur écoutera donc, par ordre d’apparition en scène :
Maître Pierre, ou le Vieux pour Pierre Corneille, amoureux de l’épouse de Molière
La Désirée pour Armande Bejart, actrice et épouse de Molière
Le Petit pour le jeune comédien Michel Baron, proche de Molière
L’Intouchable pour Molière
L’Accoucheuse pour Madeleine Béjart, mère d’Armande
L’Épouse pour Marie Corneille
Le récit commence au cimetière : les proches accompagnent Molière qui vient de décéder en février 1673. Y compris Pierre Corneille, qui se fera tout petit car Armande ne veut pas le voir
La pièce va donc ressusciter Molière et son ancienne compagne Madeleine, décédée quelques années avant l’auteur.
Deux thèmes centraux : le doute sur la paternité des pièces de Molière, la révélation de Corneille ou pas... Et la compréhension de l'environnement proche de Molière. Et cela, c’est passionnant car chacun s’exprime en toute sincérité, en toute intimité devant le lecteur que nous sommes. Il semblerait, d’après les études de Cafiero et Camps (https://www.chartes.psl.eu/fr/actualite/jean-baptiste-camps-florian-cafiero-publient-affaires-style-du-cas-moliere-affaire-gregory) que les pièces de Molière appartiennent bien à son auteur.
J’ai adoré cette pirouette théâtrale avec des personnages bien campés, parfaitement crédibles. Des portraits magnifiques, comme celui de Pierre Corneille par Molière :
« Il a posé ses yeux et je n’ai plus su qui j’étais. Il n’avait rien d’impressionnant pourtant. Grand mais pas large, les épaules tombantes, l’estomac proéminent, vêtu comme un notaire économe, pas une dentelle au col ni aux poignets, le cheveu rare sous une calotte grise, les joues plates, le nez laid. Mais les yeux. Des yeux à vous dépecer vif. A percer la dalle d’un tombeau. A fondre mon poids de plombs pour le changer en or. »
On comprend mieux aussi la tonalité profonde de l’œuvre de chacun. Corneille s’explique :
« Ils verraient que je ne suis pas seulement le poète de l’honneur et de l’intérêt politique, mais celui de l’amour. L’amour écartelé. Sacrifié. Sublimé. L’amour qui agenouille l’orgueil. Celui qui jusque dans la mort, triomphe. »
L’humour est présent, et c’est toujours Corneille qui s’exprime à propos de Molière et de « Le Petit » :
« Molière ne détestait pas les garçons : il chassait à poil et à plumes »
J’ai beaucoup aimé aussi la peinture de l’époque, l’influence des grands, la concurrence des troupes, les difficultés de percer.
Molière explique :
« Devinez pourquoi l’Église de France condamne la comédie ? Parce qu’elle lui vole ses clients. Hormis les dévots, qui ne préfère s’esclaffer à battre sa coulpe ? »
Une organisation du roman originale, agréable qui donne tout de suite le ton.
Un vrai plaisir intelligent.
Dans les années 80, si vous aviez pu telle une petite souris vous glisser dans le jardin de mes parents, vous auriez aperçu deux fillettes jouant Molière. Livre à la main, un drap en guise de costume, le chapeau en paille du grand-père comme couvre-chef, ces gamines prenaient un ton théâtral pour réciter leurs tirades. Les fourberies de Scapin, neuf fois sur dix, Tartuffe le reste de temps. Ce n'était pas vraiment un choix, c'était les seules pièces de l'auteur pour lesquelles elles disposaient de deux exemplaires (or se faire passer un livre quand vous êtes en train de vous donner la réplique ce n'est pas facile). J'étais la plus petite, je n'avais jamais le droit de jouer Scapin et j'enrage encore de cette injustice. D'où nous venait cette passion, je suis bien incapable de vous le dire. Ce que je sais, c'est que ce sont de précieux souvenirs et que Molière, en plus de me faire rire, aura toujours pour moi le goût de l'enfance.
Je ne pouvais donc pas passer à côté de ce roman. Eve de Castro y reprend une théorie lancée par l'écrivain Pierre Louys dans les années 1920. Molière n'aurait pas écrit ses pièces, ou bien pas seul. Corneille lui aurait prêté sa plume. Un secret bien gardé, une supercherie jamais démasquée. Comme il existe un énigme Shakespeare, il y aurait une énigme Molière…
21 février 1673. Molière vient juste de mourir quand l'autrice donne à tour de rôle la parole à la Désirée (Armande Béjart), à l'accoucheuse (Madeleine Béjart), au Petit (Michel Baron, comédien), à Pierre Corneille, à l'Epouse (Marie Corneille) et à l'Intouchable (Molière en personne). On plonge avec délice et curiosité dans l'intimité de ces personnages qui ont entouré Molière. Chacun à sa version, chacun pense avoir sa part de mérite dans le succès et la renommée de l'auteur. Mais on découvre très vite que le mystère sur la paternité des oeuvres n'est pas le seul secret. Molière et Corneille était liés par autre chose que les mots.
Les pièces de Molière sont-elles l'oeuvre d'un génie bicéphale à quatre mains ? Eve de Castro construit son roman sur une hypothèse et parvient à en tirer une habile fiction qui laisse toute la place à l'amour, à la haine et au désir. Elle nous immerge dans le XVIIème, dans le quotidien des comédiens, dans la tête de Corneille et c'est instructif, divertissant. Un très agréable moment.
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