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Soixante-dix ans se sont écoulés depuis le déclenchement de la guerre de Corée. Depuis 1953, la Corée est divisée en deux pays distincts, la Corée du Sud et la République populaire démocratique. Des familles entières ont été séparées. La mère de la narratrice n'a jamais revu son premier mari et son fils. Aujourd'hui encore, des démarches sont entreprises pour retrouver des proches disparus. Saisie par un sentiment d'urgence alors que la génération qui a connu la guerre s'éteint et la nouvelle oublie le passé, Keum Suk Gendry-Kim a interrogé sa mère pour qu'elle lui raconte ces blessures traumatisantes de la guerre et de la séparation.Séoul, de nos jours. Guja a 92 ans. Sa vie de retraitée est bousculée le jour où, parlant avec une amie, elle découvre le programme gouvernemental permettant à des familles coréennes séparées par la guerre en 1950 de se retrouver. Lui revient alors son passé, sa jeunesse, son premier mariage, ses deux premiers enfants. Et surtout, cet exode qui va la séparer de son mari et de son premier fils alors qu'elle reste seule avec son nourrisson. Jamais plus elle ne les reverra. Au crépuscule de sa vie, elle raconte à sa fille Jina, dessinatrice pour la jeunesse, cette vie brisée, ces moments de désespoir, sa vie d'après.Après Les Mauvaises Herbes, Keum Suk Gendry-Kim s'attaque à un autre pan dramatique de l'histoire de la Corée.
« Combien de personnes dans ce monde ont perdu leur famille ou ont été séparées par la guerre ? »
La narratrice raconte l’histoire de sa famille en Corée. Celle-là même divisée en 2 depuis 1953. Les faits, nous les connaissons, mais encore faut-il ne pas les oublier.
La mère de la narratrice livre son histoire dans l’Histoire. Elle revient sur son passé douloureux dans un pays en guerre. Son mariage. Ses enfants. Et puis, la fracture : l’exode avec sa fille. Jamais elle ne reverra son mari et son fils. Vient L’attente. Et cet espoir permanent de les revoir, un jour.
Parce qu’aujourd’hui, il est urgent de transmettre ce pan de l’Histoire. La vérité est parfois dure à entendre mais elle est essentielle. Des familles ont été séparées. Des vies, brisées. Dans son autofiction, Keum Suk Gendry-Kim les raconte avec une connaissance certaine des histoires de chacun. Un ouvrage poignant, au graphisme glaçant.
À lire et partager pour ne pas oublier.
http://www.mesecritsdunjour.com/archives/2023/02/03/39797687.html
« Il y a des gens qui attendent toute leur vie des retrouvailles avec leur famille » L’attente … Cela va bientôt faire soixante-dix ans qu’ils attendent dans l’espoir de revoir un fils, une fille, un mari, une femme, un père, une mère, un frère, une sœur … Dans L’attente, Une famille coréenne brisée par la partition du pays, album paru aux Éditions Futuropolis, la manhwaga Keum Suk Gendry-Kim pose la question de la séparation des familles et, surfant sur les époques, prête sa voix à Jina qui va nous conter l’histoire de sa mère Guja. Superbe récit, ô combien poignant, conjuguant Histoire avec un grand H, tragédie familiale et chronique de vie quotidienne actuelle !
« J’ai abandonné ma mère »
2020, Ile de Ganghwa, ouest de la Corée du Sud, non loin de la frontière de la Corée du Nord
Cette histoire à deux voix commence de nos jours par une séparation : celle d’une mère et d’une fille. Suite à des problèmes de loyer, Jina, romancière depuis une vingtaine d’années, décide de quitter Séoul et va s’installer à la campagne. Elle se sent coupable d’abandonner sa mère Guja âgée de 92 ans dans la capitale, coupable également de ne pas avoir tenu sa promesse de l’aider à retrouver son fils.
Cette séparation fait écho à deux autres : l’une, familiale également, mais autrement plus dramatique puisque définitive et l’autre, celle d’un pays, qui après avoir été sous le joug du Japon de 1910 à 1945 fut scindé en deux à l’issue de la guerre fratricide qui opposa de 1950 à 1953 les forces de la Corée du Nord soutenues par L’URSS et la Chine et celles de la Corée du Sud soutenues par les Américains.
Séoul, deux ans plus tôt
Rentrant chez elle après avoir rencontré une amie qui, contrairement à elle, a eu la chance d’avoir été tirée au sort pour participer à ce qui va être la 21ème réunion des familles séparées lors de la partition, Guja croise un enfant rappelant à lui son chien Chaussette.
Chaussette ...
Nous ne sommes plus à Séoul en 2018 mais à Kapsan en 1937 et retrouvons Guja sous les traits d’une fillette enjouée à la recherche de son chien. Et cette fois, c’est la mère qui raconte : son enfance sous l’occupation japonaise, son mariage très jeune afin d’échapper aux prédateurs nippons, quelques trop courts moments de bonheur avec la naissance de ses deux enfants avant que suite à l’offensive des troupes communistes du Nord, la famille ne se voie contrainte à prendre la route de l’exode vers le sud pour fuir les combats jusqu’à ce que l’irréparable n’arrive et que, avec tout bagage sa fille de quelques mois sur le dos, elle ne se trouve séparée de son mari et de son fils alors âgé de 4 ans …
Plus tard, elle refera sa vie et de cette nouvelle union naîtra Jina mais toujours demeureront au fond d’elle le manque, l’espoir, l’attente …
Retour aux sources et devoir de mémoire
Ce récit à large connotation autobiographique est une fiction qui s’appuie cependant sur des faits et témoignages bien réels : ceux de la propre mère de la manhwaga séparée de sa sœur aînée à jamais et d’un homme et d’une femme ayant bénéficié du programme de réunion des familles en 2018.
L’autrice sud-coréenne qui pratique le dessin depuis l’âge de 12 ans a étudié la peinture à l’université de Sejong à Séoul. En avril 1994, à l’âge de 23 ans, elle quitte la Corée pour la France où après avoir complété sa formation artistique à l’ESAD (école supérieure des arts décoratifs) de Strasbourg, elle séjournera pendant 17 ans avant de rejoindre sa terre natale en 2011. A travers ce one-shot, elle
continue son exploration de l’histoire du Pays du Matin Calme commencée 9 ans plus tôt. Auparavant, elle avait tout d’abord publié aux Éditions Sarbacane deux albums dans lesquels elle évoquait l’exode rural de sa famille dans les années 1970 et les désillusions qui s’en suivirent à travers le récit autobiographique Le chant de mon père ( 2012), puis un évènement tragique lors du retrait des troupes américaines en 1948 par le biais de l’adaptation du film Jiseul (2015). Elle se pencha ensuite sur le sort dramatique des « femmes de réconfort » à travers le destin de Lee Oksun esclave sexuelle de l’armée japonaise dans Les mauvaises herbes (2018), album multi primé qui connut un succès international paru aux Éditions Delcourt et enfin la vie pendant la guerre de Corée à travers l’adaptation du roman inspiré d’une histoire vraie de Park Wan-seo L’arbre nu (2020) édité chez Les Arènes BD.
Quel que soit le genre abordé – autobiographie, adaptation de film ou de roman, témoignage, docu-fiction – , c’est criant de vérité. Keum Suk Gendry-Kim fait preuve par une construction rigoureuse du récit d’une remarquable maîtrise de la narration donnant vie à ses personnages et nous faisant vibrer au rythme de leurs émotions sans jamais tomber dans le pathos.
Histoire en noir et blanc
Contrairement aux Coréens friands de webtoons, sa préférence va au roman graphique où elle fait des merveilles grâce à l’usage du pinceau et du « meok », l’encre traditionnelle coréenne. Son trait d’une extrême élégance s’épaissit, se tord, envahit la page de sa noirceur lors des épisodes tragiques. Et puis, il y a sa science du découpage et du cadrage qui épousent le propos du récit à la perfection : les arbres et paysages de toute beauté qui tirent leur source d’inspiration de l’art traditionnel coréen, les cadrages sur les jambes lors de l’exode, sur les mains lors des rencontres et les gros plans pleine page sur les visages juste avant la séparation… Une totale réussite graphique !
Il y avait urgence. Les derniers témoins de cette tragédie sont aujourd’hui très âgés et d’ici quelques années, auront entièrement disparu. Cette histoire à la narration subtile et la mise en images superbe leur rend justice ainsi qu’à toutes les tigresses édentées de par le monde.
Pour la plupart d’entre-nous, l’attente se quantifie en minutes, journées parfois des mois, plus rarement en années. Alors quand celle-ci a débuté en 1950, comment imaginer et se représenter une telle durée ? Une attente de plus de 70 ans, c’est une vie à attendre. Et en ce qui concerne ces familles coréennes, cette attente devrait encore durer.
C’est une fiction sur ces familles séparées pendant la guerre de Corée que l’autrice Keum Suk Gendry-Kim a voulu raconter en se basant sur le témoignage de sa mère.
Depuis 1910 la Corée était occupée par le Japon. En 1945, en raison de la capitulation de ce dernier, les Soviétiques et les Américains se partagent la péninsule. En 1950 le nord communiste envahit le sud. C’est le début de la guerre de Corée qui durera 3 ans et se soldera par la partition du pays en deux états distincts le long du 38e parallèle.
Guija est mariée avec un instituteur et a deux enfants Gangil, un garçon et Minhé une fille. Alors qu’ils sont en visite dans leur famille, éclate la guerre en juin 1950. Comme de nombreux autres Coréens, ils décident de fuir devant l’avancée des troupes soviétiques et se dirigent vers le sud du pays. C’est pendant cet exode que la famille se retrouve séparée. Seules Guija et Minhé vont réussir à rallier le sud.
De nombreuses familles vont connaître le même sort que celle de l’autrice. Et c’est avant qu’il ne soit trop tard qu’elle a recueilli les souvenirs de sa mère sur cette douloureuse période.
À partir des années 2000, des retrouvailles vont être organisées par les deux états coréens. Après inscription sur des listes établies par la Croix Rouge et tirage au sort, les plus chanceux pourront revoir un membre de leur famille pendant quelques heures, avant de se quitter à tout jamais.
Cet album, des plus poignants, décrit parfaitement bien ce que ces familles endurent depuis plus de 70 ans. Les dessins en noir et blanc et d’une belle simplicité accompagnent ce terrible témoignage.
Une transmission entre mère et fille qui ne peut qu’émouvoir en raison de l’absence des proches mais surtout du manque d’informations à leur sujet.
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