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Écrit, aux dires de Djuna Barnes, en quelques semaines comme « une blague », une distraction pendant l'hospitalisation de sa compagne Thelma Wood, imprimé sur les presses Darantière à Dijon, d'où était sorti l'Ulysse de Joyce quelques années auparavant, publié aux frais de l'auteure et de quelques uns de ses amis chers, distribué sous le manteau à Paris et plus tard New York par les mêmes amis, L'Almanach des dames est un livre à part dans l'oeuvre de Djuna Barnes.
Parmi ces amis figuraient Natalie Barney et les expatriées qui peuplaient son salon, centre de la socialité littéraire et lesbienne à Paris dans les années 1920 - et qui passent aussi pour les modèles des dames de l'almanach. Djuna Barnes, elle, réprouvait absolument une telle interprétation. On retrouve l'intransigeance de Barnes sur les lectures biographiques de son oeuvre, même si la protestation est ici toute de principe. Dans les marges de son exemplaire personnel, Natalie Barney avait pu identifier la plupart des autres personnages du livre : Patience Scalpel est Mina Loy, Lady Hue-et-Dia et Tilly-Tweed-dans-le Sang sont respectivement Lady Una Troubridge et Radclyffe Hall, Dolly Dingue est Dolly Wilde, Jour et Nuit sont Janet Flanner et Solita Solano, Señorita Butineuse est Mimi Franchetti, Capricante Cathie est Esther Murphy et Sal la Cynique est Romaine Brooks.
Dans L'Almanach des dames, l'identité lesbienne est traitée, au sens philosophique et journalistique. La spécificité du livre dans l'oeuvre de Barnes ne tient d'ailleurs pas tant au sujet traité qu'au fait même qu'il ait un sujet. C'est un « livre sur », qu'il n'est pas si absurde de rapprocher de ses reportages pour la presse new-yorkaise dans les années 1910 et 1920, où la journaliste Djuna Barnes, en quête de sensationnel, tentait des expériences physiques et mentales avant de les retracer dans des articles spectaculaires. Sous le couvert de la farce, sous les formes empruntées du dialogue philosophique, du récit mythique et de l'allégorie, L'Almanach des dames est aussi, pas tant une enquête qu'à proprement parler un reportage, sur cette chose encore alors relativement nouvelle, en tout cas encore suffisamment récente pour en constituer un sujet : l'identité lesbienne.
Notre édition reprend l'édition originale de 1928 (en ligne :
Http://digital.lib.umd.edu/image?pid=umd:79026), ses illustrations et sa mise en page baroques, comme nous l'avons fait pour Le Livre des répulsives et pour Ryder. Nous reprenons aussi le texte de Michèle Causse qui accompagnait la première édition de sa traduction parue chez Flammarion en 1982, sa « Rencontre avec Djuna Barnes » est un témoignage unique. Notre édition est enrichie d'une postface d'Étienne Dobenesque qui est notre spécialiste de Djuna Barnes et, comme pour Ryder et Le Livre des répulsives, nous fournit des clefs de lecture aussi bien poétiques que biographiques permettant de mieux apprécier l'univers de cette oeuvre si singulière.
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