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« Jacky et Ferdinand se firent avaler par le porche en essayant d'être invisibles - à leur âge, fastoche. Ça n'a rien d'un exploit. Quand on affiche quatre-vingt balais au compteur, on a depuis longtemps la piteuse habitude d'être devenu transparent. Il faut juste s'y faire. Il n'y a plus guère que dans les files d'attente, à l'heure où les Vivants font leurs courses du soir, que l'on vous dévisage - oh non c'est bien ma veine ! J'ai encore eu du flair, à choisir la seule queue qui n'avancera pas, le papy va mettre un temps fou pour trouver son porte-monnaie ! Salauds de vieux. Hé oui.
Mais les vieux vous emmerdent.
Logique.
Jacky retint son souffle et adressa une rapide prière au dieu des athées - ouf. Le concierge les regardait sans les voir ; deux fossiles de plus ou de moins dans une maison de retraite, est-ce que ça se remarque ? »
Une chanteuse mais aussi une bonne écrivaine Agnès BIHL, découverte d’un beau texte par ce livre, une gouaille un peu particulière mais j’aime car on y trouve des expressions détournées et des réparties cinglantes. On rit, on pleure, assez triste mais drôle aussi.
Le jour ou Madeleine se retrouve en maison de retraite, ses copains ne le supportent pas et cela entraîne toute une aventure qui nous mènera, sans cesse du rire aux larmes, et tous les personnages vers de grands changements dans leur vie. J'ai aimé le sujet abordé par l'auteure qui n’a pas la langue de bois comme je l’ai dit et j'ai été touchée et choquée par le sort réservé à nos anciens dans notre pays dans les maisons de retraite ou autres, bon je savais un peu mais par cette histoire, on en apprend encore et franchement qui aurait envie de finir ses jours, enfermé, oublié, annihilé ? hélas c’est pourtant bien le sort d’un grand nombre de nos aînés.
Choisie une nouvelle fois parmi les heureux sélectionnés à une opération Masse Critique – Babelio, j’ai eu l’opportunité de recevoir le premier roman d’Agnès Bihl, La vie rêvée des autres (éd. Don Quichotte, mars 2015). Ce titre me faisait envie, car il m’évoquait de manière plus ou moins lointaine une autre des mes lectures, A Mélie, sans mélo, de Barbara Constantine… Une histoire au sein de laquelle gravite plusieurs personnages, qui semblent emplis de tendresse et de bons sentiments, avec lesquels nous plongeons dans leurs souvenirs personnels et leur intimité…
A soixante-dix sept ans, Madeleine se retrouve placée en maison de retraite par ses deux petites-filles. Absolument pas en phase avec cette idée, elle se retrouve pourtant contrainte de se plier au bon vouloir de Delphine et Magali, et finit ainsi prise en charge dans ce type d’établissement. Entre désillusions, solitude et dépit face à l’attitude de certains soignants qui ne la respectent pas vraiment en tant qu’adulte à part entière, difficile de s’adapter… Difficile d’accepter d’être mise au rebut par sa propre famille, elle qui a toujours été pleine de verve et de vie ! Mais tout cela, c’était sans compter sur ses fidèles acolytes, Jacky et Ferdinand, qui n’ont absolument pas l’intention de la laisser croupir entre ces murs…
Chaque chapitre laisse la possibilité à l’un des personnages d’exprimer son point de vue sur le fond de l’histoire, d’évoquer ses souvenirs, son ressenti quant à sa propre vie. Certains protagonistes vous taperont probablement sur les nerfs, d’autres susciteront probablement votre sympathie, votre empathie. Au-delà d’un simple partage de faits et / ou de souvenirs, tous ces éléments nous amènent à mieux cerner tous les acteurs de cette histoire, et imperceptiblement, ce qui se joue autour de la vie de Madeleine et de ceux qui l’entourent. Et c’est après coup, en rédigeant ces quelques lignes, que je comprends alors tout le sens du titre donné à ce roman, que vous comprendrez à votre tour en le lisant…
Mais au-delà du sens premier que l’on perçoit à la lecture de cette histoire, à savoir l’histoire d’une dame âgée et de son entourage, Agnès Bihl en profite pour véhiculer un message plus subtil, mais tout aussi important selon moi : la façon dont la vieillesse est perçue dans notre société, la manière aussi dont certains établissements et certains soignants s’occupent de nos aînés. Abrutis par certains médicaments, histoire de ne pas trop les entendre bien sûr, infantilisés, parfois même maltraités, comme l’auteure ne manque pas de le mentionner, sources de ses dires à l’appui indiqués en notes de bas de page (preuve qu’elle n’invente rien). Et alors : quoi de mieux que la fiction, susceptible de toucher un plus large public qu’un éventuel essai sur le sujet, pour dénoncer quelque chose qui nous touche et qui nous révolte?
Si avec ce livre, vous pensiez vivre un road-trip infernal ou quelque chose dans cette idée, vous risqueriez d’être déçus, sa force ne réside pas là-dedans… En revanche, si vous êtes amateurs de belles histoires (au sens positif du terme), d’aventures humaines, sans pour autant verser dans la mièvrerie (loin de là), vous devriez être comblés !
Si je devais résumer ce que j’ai ressenti pendant cette lecture, je vous dirais que j’ai vibré au rythme des émotions que m’ont apportées ce livre : de la tendresse, de l’humour, de la peine parfois, quelques larmes presque… En bref, tout ce qui se dégage autour du personnage de Madeleine, point central de l’intrigue.
(Mention spéciale aux notes de bas de pages insérées par l’auteure pour éclaircir certains points de l’histoire. Précisions souvent pleines d’humour et d’ironie, et parfois juste avec sérieux…)
Une lecture idéale et indispensable pour cet été…
Agnès Bihl m'avait déjà bluffé avec son recueil de nouvelles, 36 heures de la vie d'une femme, elle récidive avec son premier roman. Quelques passages un peu longs, assez rares cependant, donc je les évacue très vite. Le reste, eh bien, il est excellent. Ce qui me ravit c'est le sens de la formule de l'auteure, je pourrais en citer un nombre incalculable, des sortes d'aphorismes, d'expressions détournées, de réparties cinglantes (par exemple un dialogue entre copines) :
"Pas futé, ton bonhomme.
- C'est même le roi des cons. Ne le sous-estime pas.
- Et sexuellement il est comment ?
- Parfait pour chronométrer la cuisson des pâtes." (p.37)
A chaque fois, sa phrase sonne juste, tombe dans le mille. C'est drôle, ironique, tendre, tragique, ... car elle joue de tous les registres. Si le livre est globalement positif et joyeux, certaines pages sont sérieuses et bien senties, comme celles qui concernent la maltraitance que subissent les personnes âgées dans certaines maisons de retraite, ou les violences faites aux femmes, le racisme, la surabondance de soi-disant informations dans les journaux télévisés ou radiophoniques. Ce qui est bien, c'est que le raciste mis à part, qui est vraiment un gros "Connard" (dixit Agnès Bihl), l'auteure n'est jamais manichéenne, les maltraitants ont des circonstances qui peuvent expliquer certains comportements sans les excuser pour autant (les pages dans lesquelles elle décrit Jean-Christophe et Delphine au plus mal, où l'on sent monter l'acte, le viol dit-pudiquement-domestique, et l'après la honte de l'un, la peur et le dégoût de l'autre, en sont une illustration parfaite. Jean-Christophe reste un pauvre type, un salaud ordinaire, mais la montée en lui de cette pulsion est bien décrite). A chaque fois, je trouve qu'elle est juste, c'en est même énervant, parce qu'elle dit ce que je pense mais elle le dit mieux que moi. Moi qui m'énerve régulièrement ici contre les propos racistes, je me trouve lourdingue parfois, mais Agnès Bihl, avec la même colère est beaucoup plus fine (que voulez-vous je ne suis qu'un pauvre mâle... et puis le talent on l'a ou on ne l'a pas. Agnès Bihl l'a) : "Madeleine avait des envies de meurtre à chaque fois qu'elle croisait ce type, elle n'avait jamais pu s'habituer à ce genre de fumier. C'est dingue. Son Christ est juif, ses chiffres sont arabes et son berger allemand, mais Connard trouvait le moyen d'être raciste quand même." (p. 192)
En plus de toutes ces bonnes raisons de lire ce roman, j'ajouterai que l'auteure a su créer des personnages attachants avec leurs côtés chiants, leurs névroses et leurs difficultés à vivre mais leur volonté de ne pas nuire aux autres surtout à leurs amis et aux amis de leurs amis... Une famille très élargie dont on a envie de faire la connaissance, qui passera des journées à l'Île d'Yeu, qui reste l'une des mes îles préférées (avec Bréhat -mais il m'en manque encore beaucoup à visiter dans l'Atlantique ou la Manche ; si parmi mes lecteurs certains ont de bons plans voire des invitations pour m'en faire découvrir d'autres, n'hésitez pas, contactez-moi)
Bref, un excellent premier roman à l'écriture qui fait mouche. Agnès Bihl est aussi auteure-compositrice-interprète, je m'étais juré d'écouter ses albums après ma lecture de son recueil de nouvelles, je l'ai fait -légalement- sur Internet, point encore en vrai chez moi. Cette fois-ci promis, je le fais.
Une très belle surprise que ce roman qui traite du sujet de la vieillesse et du placement des personnes âgées. L’auteur signe ici son premier roman et il est très réussi, j’ai beaucoup aimé son style.
Le personnage de Madeleine cette femme de caractère est terriblement attachant , elle ne comprend absolument pas la décision des membres de sa famille de la placer , elle qui se sent encore jeune et autonome. Cela aurait pu donner un roman versant dans le pathos et la sensiblerie et il n’en est rien c’est même tout le contraire. Un roman optimiste où les valeurs telles l’entraide, la solidarité et la joie de vivre sont au rendez-vous.
Beaucoup d’humour et de malice chez Madeleine et ses amis , de la légèreté qui nous fait tout de même réfléchir sur la façon dont sont traités les personnes âgées dans notre pays et sur la manière dont on souhaiterait être traité .
Les situations sont truculentes, les dialogues savoureux , j’ai aimé le lien entre Fatoumata et Madeleine , cette femme est la seule à lui témoigner de l’affection et c’est assez touchant comme l’humanité peut venir de personnes étrangères à la famille.
Un roman que j’ai donc pris plaisir à lire et je ne manquerai pas de lire les prochains romans de l’auteur.
VERDICT
A se procurer pour s’aérer les neurones et découvrir l’univers et la verve d’Agnès Bihl qui nous sert un premier roman prometteur.
https://lilacgrace.wordpress.com/2015/03/31/la-vie-revee-des-autres-bihl-agnes/
Si je m'attendais à être touchée quand j'ai choisie de lire ce roman, je ne m'attendais pas en revanche à me prendre cette claque monumentale en plein visage. On évoque un sujet douloureux et épineux, celui de la vieillesse et du placement de la personne âgée.
Madeleine prend la décision de ses petites filles comme une véritable trahison. La maison de retraite à 77 ans, ce n'est pas pour elle, cette femme au caractère fort et exceptionnel ne compte pas s'en laisser compter. Elle n'a pas la langue dans sa poche, et si son corps n'est plus aussi alerte que d'antan, son esprit lui est encore vif, et elle cultive le sens de la répartie avec fierté et panache. Elle pourra s'appuyer sur ses amis et comparses de toujours pour la tirer de ce mauvais pas. Ils vont décider chacun d'avoir encore le choix de vivre leur dernier parcours comme bon ils l'entendent. Avec audace, provocation et beaucoup d'humour, ils vont profiter de l'instant présent avant de décider de la manière et du moment de tirer leur révérence.
J'ai aimé le sujet abordé par l'auteur sans langue de bois, j'ai été touchée et choquée par le sort qui est réservé à nos anciens dans notre pays. Qui a envie de finir ses jours enfermé, oublié, annihilé ? Dans personne âgée, il y a âgée mais ne l'oublions pas aussi personne avec son bagage, son affect, à prendre en considération. Je ne tiens pas à faire débat ici, il faut du temps, des moyens pour cela. Ce roman fait prendre du recul sur notre place à prendre comme maillon d'une génération.
Beau, émouvant et qui fait sens. J'espère que vous aimerez ce roman autant que je l'ai aimé.
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