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«Je tenais mon sujet. Un groupe de jeunes gens assassinent un père de famille pour des raisons idéologiques. J'allais écrire un truc facile et spectaculaire, rien n'était plus éloigné de moi que cette histoire-là. Je le croyais vraiment. Je ne savais pas encore que les années Action directe étaient faites de tout ce qui me constitue : le silence, le secret et l'écho de la violence.» La vie clandestine, c'est d'abord celle de Monica Sabolo, élevée dans un milieu bourgeois, à l'ombre d'un père aux activités occultes, disparu sans un mot d'explication. C'est aussi celle des membres du groupe terroriste d'extrême gauche Action directe, objets d'une enquête romanesque qui va conduire la narratrice à revisiter son propre passé. Comment vivre en ayant commis ou subi l'irréparable ? Que sait-on de ceux que nous croyons connaître ? De l'Italie des Brigades rouges à la France des années 80, où les rêves d'insurrection ont fait place au fric et aux paillettes, La vie clandestine explore avec grâce l'infinie complexité des êtres, la question de la violence et la possibilité du pardon.
Rien n'est totalement blanc.
Rien n'est totalement noir.
Tout est dans les nuances de gris.
Pré-adolescente dans les années 80, parmi les images de cette époque qui me reviennent, figurent sans nul doute les 4 visages des membres d’Action Directe, groupe terroriste, recherché dans toute la France pour avoir assassiné un soir de novembre un grand patron, père de famille.
Ce que j’ai également à l’esprit c’est, plus tard leur arrestation dans une ferme isolée où leurs proches voisins, sidérés ne pouvaient croire que ces gens charmants qu’ils côtoyaient chaque jour étaient ces terroristes.
Dans son livre, La vie clandestine Monica Sabolo grâce à une minutieuse enquête retrace le parcours d’Action Directe et trace un parallèle avec sa propre enfance. Née de père inconnu élevée dans un milieu bourgeois par une mère qui l’a délaissée et un beau-père aux activités mystérieuses, cette vie en apparence parfaite était pourtant faite de secret, de silence et de violence.
Sa très belle plume ne nous fait pas oublier cependant le rapprochement un peu facile qu’elle établit entre l’épopée meurtrière d’action directe et ses propres souvenirs qu’elle déterre au fur et à mesure de ses rencontres avec les protagonistes de l’époque.
Cela m’a donné l’impression qu’Action Directe n’était qu’un prétexte et qu’écrire ce livre était certainement une nécessité pour elle afin d’exorciser ce qui lui est arrivé et essayer de pardonner car comme le conclura un des membres parlant de sa vie et qui fera écho à la sienne « Ce qui a eu lieu a eu lieu. Telle est la vérité avec laquelle nous devons apprendre à vivre ».
L’autrice, en mal d’inspiration, recherche un sujet marquant et efficace. À la faveur d’une émission de radio, elle décide d’écrire sur le meurtre de Georges Besse, PDG de Renault, par Nathalie Ménignon et Joëlle Aubron, du groupuscule Action Directe, en 1986.
L’enquête dans laquelle elle se lance, se plongeant dans les archives, rencontrant des membres de l’organisation terroriste, finit par faire écho – de manière subtile – à la face sombre de sa propre histoire, elle qui a découvert sur le tard que son père n’était pas son géniteur mais son beau-père, un homme aux activités professionnelles mystérieuses, un homme également incestueux, ce qui donne d’ailleurs une lumière différente à « Summer ».
Le lien entre les deux facettes de ce livre est ténu, j’ai eu l’impression que cette enquête journalistique était un moyen de ne pas écrire frontalement sur les abus, évoqués de manière très pudique. Et pourtant cela a fonctionné pour moi, le livre est fluide, maîtrisé – grâce à la plume de Monica Sabolo, à sa façon de faire revivre les années 70, 80, de décrire les anciens membres d’Action Directe qu’elle rencontre.
L’autrice est douée, car j’ai globalement apprécié ce livre alors que j’ai grincé des dents durant tout le récit – les terroristes d’Action Directe m’écœurent, je ne comprends pas leurs motivations, leurs choix de victimes (franchement, si on veut un monde plus juste, aller tuer le patron de Renault, vu le nombre de salopards en liberté…?) et 35 ans après, peu de recul, pas de regrets, de repentance … et l’autrice, qui est dans une démarche d’apaisement au niveau personnel, semble parfois avoir du mal à se positionner face à ceux que l’on considérerait presque comme des « petits vieux sympas » (ce que je penserais sans doute si c’était mes voisins et que j’ignorais leur passé)
Un livre paradoxal, qui oscille entre grâce et malaise.
"Je ne savais pas encore que les années Action directe étaient faites de tout ce qui me constitue : le silence, le secret et l’écho de la violence. »
En écoutant "Affaires sensibles" sur France Inter, Monica Sabolo est happée par l’histoire des membres de l’organisation Action directe, sévissant dans les années 80. Elle croit tenir là son prochain sujet de roman.
Très vite, le récit se dédouble, la vie clandestine des uns déborde sur celle de l’auteure qui replonge malgré elle dans son passé. Sa vie bourgeoise au côté de sa jeune mère et d’un père aux activités obscures, souvent absent, jusqu’à disparaître définitivement.
Monica enquête, s’informe, interview, prend des notes. Rapidement, elle se rend à l’évidence : les thématiques autour d’Action directe font écho à sa propre histoire : secret, violence, clandestinité, silence, incompréhension. Et fuite aussi, mise à distance nécessaire comme mode de défense. Se cacher, se taire, rester fort. Toujours.
Elle questionne son écriture, ses méthodes, ses projets. Elle relève les incohérences dans sa vie comme dans les faits rapportés et s’interroge : connait-on vraiment ceux qui vivent à nos côtés ? Comment vivre quand on comment l’irréparable ? Comment affronter, avancer, pardonner ?
Si les chapitres journalistiques et historiques m’ont passionné, car l’écriture juste, précise et incisive nous transporte dans cette captivante histoire, je reste perplexe sur ce récit gigogne, ce récit prétexte.
Dans cette rentrée littéraire, Monica Sabolo n’est pas seule à conjuguer collectif et individuel, histoire personnelle et Grande Histoire. Lola Lafon en est un autre exemple.
Je suis ici victime de mes attentes, une envie de glissement marqué entre le sujet intime et l’enquête. Il n’y en aura pas.
Admirative du colossal travail accompli et du style de l’auteure, je referme pourtant ce roman avec la désagréable impression de ne pas avoir su l’apprécier à sa juste valeur.
Un rendez-vous manqué.
Cette vie clandestine évoquée dans le titre de ce roman récit, c’est à la fois celle des activistes d’Action directe et celle de l’autrice qui revient sur les secrets enfouis de sa famille.
« Je ne savais pas encore que les années Action directe étaient faites de ce qui me constitue : le secret, le silence et l’écho de la violence. »
C’est en cherchant le sujet de son prochain roman que Monica Sabolo s’intéresse aux meurtres et aux actions violentes perpétrées par Action directe, organisation terroriste d’extrême gauche très active dans les années 1980. Ce qui l’attire et la fascine plus précisément, ce sont les personnalités de deux jeunes femmes coupables de l’assassinat du grand patron de Renault, Georges Besse, devant son domicile parisien en novembre 1986. Que sait-on vraiment de Nathalie Ménigon et de Joëlle Aubron, la première d’origine modeste et la seconde issue d’une famille bourgeoise de Neuilly-sur-Seine ?
C’est un véritable travail journalistique que va entreprendre Monica Sabolo afin de retracer le parcours de ces jeunes femmes avec leurs idéaux qui les mènent à la violence et la clandestinité. Elle sera amenée à rencontrer d’anciens militants de l’organisation terroriste et à partager avec eux des moments d’échanges et de convivialité. Après leurs années de lutte et de clandestinité, ont-ils fini par trouver l’apaisement ?
Dans le même temps, elle fouille sa mémoire, retrace son enfance entourée du mensonge et du silence des adultes. Elle avait 15 ans lorsqu’elle découvre que son père, Yves S, n’est pas son père biologique. Elle tente de reconstituer le puzzle de la vie de sa famille à travers souvenirs et photos et se pose d’innombrables questions. Quelle était la relation entre ses parents ? Quel était vraiment le métier de Yves S, souvent absent ? Et comment évoquer l’inceste alors qu’elle n’était qu’une gamine ? Elle pense aussi à sa mère, son frère, comment vont-ils réagir à ses révélations ?
« Je redoute la blessure que leur causera ce livre. ! je suis une profanatrice. Une fois encore, je mène une double vie. »
Monica Sabolo mêle habilement l’histoire documentée des terroristes d’Action directe et celle, plus intime, de son enfance et sa jeunesse dans une famille bâillonnée par le secret et les non-dits. On assiste, médusés, impressionnés, au processus de construction d’un roman à la fois enquête journalistique et quête personnelle sur son vécu familial. C’est un vrai travail d’équilibriste, qui fait alterner les deux récits sans jamais nous perdre et tout en racontant avec beaucoup de questionnements et de sensibilité les secrets qui entourent son enfance.
Ce livre à l’écriture sensible, juste, est aussi une sorte de résurgence, de mise en lumière de ce passé qui est « un lieu de ténèbres » Et Monica Sabolo peut enfin écrire : « J’en ai fini avec le caché, et avec le silence. …je ne veux plus être coupable, ni avoir honte. »
Un récit qui nous touche et nous impressionne. Du grand art.
https://animallecteur.wordpress.com/2023/01/31/la-vie-clandestine-monica-sabolo/
Au départ, Monica Sabolo voulait parler d'une histoire éloignée de la sienne, celle d'un fait divers qu'elle entend à la radio, l'assassinat de Georges Besse en 1986, le PDG de Renault. Elle va mener son enquête pour en savoir plus sur les deux jeunes femmes inculpées pour ce meurtre, Nathalie Ménigon et Joëlle Aubron.
Pour mener à bien ce projet, elle fait des recherches sur Action directe, un groupe d'anarchiste d'extrême gauche qui revendique plus de 80 attentats et assassinats en France entre la fin des années 70 et le début des années 80. Elle rencontre une vieille libraire parisienne, Helyette Bess qui a "caché et transporté des hommes, des armes, de l'argent, des bombes" pour Action directe ; Claude Halfen, un ancien membre d'un commando mais aussi Nathalie Mérigon libérée de prison en 2008 alors qu'elle était condamnée à perpétuité.
Au fil de son enquête elle se rend compte que cette histoire fait échos à sa propre vie, sa petite enfance en Italie puis son enfance en Suisse auprès d'un homme qui l'adopte et se proclame être son père. L'assassinat de Georges Besse reflète son existence faite de silences, de secrets, de violence et de clandestinité.
Monica Sabolo ne romance pas, elle n'analyse pas non plus, elle cherche juste à comprendre ces être humains qui semble si éloignés les uns des autres et pourtant un jeu de miroir se dessine entre eux où les émotions se reflètent notamment à propos du pardon qui n'est jamais demandé et pourtant qui n'empêche pas de continuer à vivre sans remords.
C'est en fait une sorte d'enquête sur le groupe Action Directe qui fait ressurgir les démons du passé de la vie de l'auteur. Au début on ne comprend pas très bien là où elle veut en venir, elle s'étonne des coïncidences et elle fait un parallèle avec sa propre vie faite de silences, de non dits, de violences sans vraiment en citer les évènements et cela parait un peu étrange mais on se laisse porter parce qu'elle écrit bien dans un langage sobre et précis. Au fur et à mesure de ces rencontres avec différents membres d'AD, de son implication, et du dévoilement de sa propre histoire, on se laisse emporter.
Monica Sabolo entreprend d'écrire un livre sur Action directe, le mouvement révolutionnaire qui fit de nombreuses victimes dans les années 80.
Elle épluche tout ce qu'elle trouve sur tous les supports possibles, mais l'entreprise s'avère ardue.
Elle s'égare souvent, imagine ce qui n'est pas écrit, rencontre des personnes liées à ce mouvement.
Mais surtout, elle dévie souvent sur sa propre vie avec laquelle elle a encore bien des comptes à régler.
Qu'est-ce que les souvenirs ?
Se souvient -t-on des faits réels ou des souvenirs que l'on en a ?
La dissociation permet-elle de vivre en enfouissant des douleurs émotionnelles, en se coupant du réel ?
Entre le comportement des accusés d'action directe et ses propres réactions, elle fait des parallèles.
Comme Nathalie Menegon et Joëlle Aubron, tristement célèbres, Monica Sabolo s'est construit un mur
Elle, c'est pour rester à l'abri de secrets d'enfance trop lourds à porter.
« Chacun est victime et coupable »
« Pour ma part j'ai l'impression d'avoir trouvé ce que je cherche, sans le savoir,
depuis toujours. Un homme qui puisse s'asseoir devant moi, et admettre l'existence de la souffrance qu'il a causée. »
Après un début de lecture un peu difficile, ne sachant où cette histoire me menait, j'ai été captivée par la démarche de Monica Sabolo.
Avec intelligence et neutralité, elle s'infiltre dans la vie de ces révolutionnaires.
Avec une infinie pudeur, elle dévoile ses propres blessures.
Comme eux, il lui semble avoir toujours mené une vie clandestine.
C'est un livre puissant, courageux, libérateur.
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