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« Dans les moments de désespoir relatif tels que celui qu'il vivait en cette fin d'après-midi, une seule chose pouvait soulager Andréa. Il ne s'agissait pas de se servir un verre, ni plusieurs, encore moins de fumer un joint, mais simplement de se plonger dans la contemplation d'un tableau. Ou, plus précisément, dans le tableau lui-même. [...] Il ne fallait jamais longtemps au jeune homme pour entrer dans le tableau et s'y abandonner complètement, dans la chaleur du soleil et les parfums de pays lointains. Un jour même, il s'y était presque perdu. C'était peu après la mort de sa mère, ils n'avaient pas eu le temps d'en explorer ensemble tous les recoins, elle ne pouvait plus le guider et, de l'autre côté du bassin, le jeune garçon, se laissant distraire par la logique presque scientifique qu'il pressentait dans l'agencement des plantes, avait manqué ne pas retrouver son chemin. Mais depuis, les lieux lui étaient devenus familiers. Il avait ses habitudes dans le jardin et connaissait les moindres recoins de la villa... »
Je ne sais plus ce qui m'a donné envie de lire ce livre : un avis, la couverture, la découverte d'une nouvelle voix ou d'une nouvelle maison d'éditions, le titre ? Si comme moi, vous ignorez ce qu'est une varangue, sachez qu'il peut s'agir d'une pièce courbe de la quille d'un navire, ou d'une véranda dans les pays de l'océan Indien. C'est cette deuxième définition qui a cours ici.
Andréa vit seul à Paris, dans un petit appartement, et sort rarement, hormis pour un travail peu gratifiant dans un ministère. Grâce à un tableau reproduit par sa mère, décédée lorsqu'il était encore tout enfant, il trouve des moments de sérénité et d'évasion, au sens propre, puisqu'il réussit à pénétrer dans le paysage de l'océan Indien qui y est représenté et à s'y promener, dans le jardin, ou sous la varangue.
Loin de là, Yoko, une lycéenne observe aussi ce tableau, l'original cette fois, dans la maison qu'elle partage avec son père à la Réunion.
J'ai beaucoup aimé la trame, qui peut paraître simple, de cette histoire, mais qui recèle des points de vue variés, et plus de fond qu'il ne semble a priori. L'aspect légèrement fantastique du texte et les ellipses laissant de la place au lecteur provoquent l'intérêt, ainsi que les thèmes du deuil et de l'éco-anxiété qui sont traités avec délicatesse. L'attention portée à la relation entre nature et culture rejoint bien le projet de cet éditeur spécialisé en sciences humaines et sciences de la Terre, qui publie aussi des textes plus purement littéraires.
C'est joliment écrit, peut-être un peu court, mais de temps en temps, c'est agréable de lire un roman aussi concis que sensible, qui ne cherche pas à se faire remarquer par des scènes choc ou des révélations intimes détaillées.
Pour débuter cette rentrée littéraire, j'ai eu la chance de me plonger dans ce très beau roman qui a réussi à me surprendre et à me faire voyager le temps de sa lecture...
Alors qu'ils vivent à des milliers de kilomètres et ne se sont jamais rencontrés, une mystérieuse toile représentant une varangue dans une nature luxuriante va unir Andréa et Yoko...
Plus qu'un simple syndrome de Stendhal encore appelé syndrome de Florence, j'ai beaucoup aimé les touches de fantastiques arborant le récit de Virginie Bouyx. Dans ce roman très visuel, on découvre des personnages en quête d'un idéal qu'ils arrivent à retrouver le temps de leur contemplation.
Amatrice d'art, j'ai réussi à prendre, avec une grande facilité, la place d'Andréa et de Yoko pour me plonger à mon tour dans ce court roman plein de mystères.
Je tiens à remercier les Éditions Le Pommier pour cette très belle découverte et pour le soin porté, comme à chaque fois au choix de couverture des ouvrages qu'ils proposent. J'espère que vous oserez sauter le pas pour découvrir à votre tour la varangue, ce lieu où l'imagination trouve sa place...
La rencontre dans le tableau
Avec une touche de fantastique Virginie Bouyx entraîne ses personnages DANS le tableau qui représente un domaine sur l'île de la Réunion. Un voyage ponctué de souvenirs, de surprises et de jolies réflexions sur l'art et le temps qui passe...
Andrea passe des journées monotones. Après sa journée de travail dans un service logistique d'un secrétariat d'État, il retrouve son studio dans l'est parisien. Un studio que sa compagne a choisi de déserter. Alors pour passer le temps, il va se livrer à une activité que lui a apprise sa mère décédée, se projeter dans un tableau, en l'occurrence la copie d'une œuvre d'un peintre méconnu, F. Liotay. Réalisée par la défunte, cette toile représente un paysage de la Réunion avec sa végétation luxuriante et «une maison coloniale, d’architecture créole, avec varangue et lambrequins. À droite de la propriété, derrière l’extrémité d’un plan d’eau couvert de nénuphars, quelques arbres fruitiers – jacquiers, bananiers, manguiers.» Andrea s'y promène avec le secret espoir de pouvoir y retrouver sa mère. Mais si son vœu n'est pas exaucé, il a la surprise de croiser une jeune fille qui connaît même mieux que lui ce tableau.
Car Yoko a beau être à des milliers de kilomètres d'Andrea, elle a la chance de pouvoir admirer l'original du tableau et jouer le même jeu, se promener dans ce paysage qui n'a rien d'exotique pour elle, puisqu'elle est installée à la Réunion. Et rêver elle aussi de croiser sa mère dont elle est également orpheline.
Comme Virginie Bouyx, nous avons sans doute tous joué à ce petit jeu en nous promenant dans les musées, en nous imaginant faire le plein dans la station-service d'Edward Hopper, en allant vérifier le jeu des joueurs de cartes de Cézanne, on en faisant la sieste après avoir déjeuné sur l'herbe aux côtés d'Édouard Manet. Si dans le roman, les protagonistes cherchent un guide pour comprendre ce qui leur arrive, on pourra leur conseiller Entrer dans un tableau de Françoise Barbe-Gall qui développe cette idée que face à une œuvre, nous suivons un parcours, sommes happés dans l'espace, presque à notre insu. C'est sur cette même idée qu'est née la collection "Voyage dans un tableau de..." qui nous guide dans des œuvres remarquables et c'est sans doute aussi la raison pour laquelle, on suit la romancière dans cet argument fantastique aussi utilisé par Stephen King dans Rose Madder.
Mais ici le fantastique est bien davantage poétique qu'angoissant. Il entretient le souvenir, suscite des émotions et tisse des liens dans le temps et l'espace. Alors on voit le peintre déambuler et à travers son histoire personnelle on comprend mieux la fascination exercée par son tableau.
On peut aussi avoir une lecture écologique de ce riche roman et voir dans ce tableau une métaphore de la nature menacée. Aujourd'hui, il ne reste pas grand-chose de cet endroit idyllique. Le temps et les activités humaines ont petit à petit détruit la maison. Les arbres ont été abattus, les plantes ont été arrachées. Alors oui, il serait formidable de pouvoir réinvestir ce lieu tel qu'il figurait sur la toile. Et se réfugier sous la varangue.
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