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SEPT QUESTIONS A ISSA MAKHLOUF1/ Une autobiographie en quelques mots.Écrivain et poète libanais, Issa Makhlouf réside à Paris. Il soutient une thèse de doctorat en Anthropologie sociale et culturelle à l'Université de la Sorbonne. Il a publié plusieurs ouvrages aussi bien en poésie qu'en prose. Il a été Conseiller spécial des affaires sociales et culturelles à New York, dans le cadre de la soixante-et-unième session de l'Assemblée Générale des Nations Unis (2006-2007). En 2009, Issa Makhlouf a reçu le prix Max Jacob pour son livre Lettre aux deux soeurs. 2/ Comment répondre à une injonction brusque : « Définissez la poésie. »La poésie est une perception de la vie et du monde. La poésie est un transpercement. Un regard qui invalide le prédominant et que la langue emploie d'une manière particulière le faisant sortir du registre de l'usage quotidien si limité vers l'illimité. La poésie est un état difficile à décrire avec si peu de mots.3/ Prose et poésie, la distinction a-t-elle un sens ?La prose peut s'attarder et entrer dans les détails, tandis que la poésie repose sur la densité et l'allusion. Christian Bobin affirme que la lecture d'un roman peut prendre quelques heures alors que celle d'un poème dure toute une vie. Il y a cependant des pages dans la prose arabe, celles de certains mystiques notamment, pleines d'une poésie faisant parfois défaut à la poésie elle-même.4/ De la forme (et du formel) en temps de crise.La forme seule ne saurait définir la nature de la poésie.5/ Quel avenir pour la poésie ?C'est aujourd'hui que le poème vit son avenir. Sorti de l'espace commun, il est plus marginalisé que jamais. Ce qui n'entre pas dans le moule de la consommation, ce qui ne se commercialise ni ne se vend, autrement dit, ce qui n'obéit pas à la loi de l'offre et de la demande, n'a pas sa place.Le sens culturel change à travers le monde, de même que le sens de la poésie. La culture est globalement perçue comme une marchandise dont la valeur est réduite à sa rentabilité matérielle. Cette direction impose de plus en plus ses lois sur les littératures, les arts, les connaissances et les critères esthétiques. Ceci a pour conséquence de rendre ceux qui détiennent le monopole de la culture et/ou de la littérature plus importants que les intellectuels et les écrivains.On parle beaucoup ces dernières années de la mort de la poésie. Peut-on cependant évoquer la mort de la poésie sans regarder les changements qu'a subi le monde depuis la seconde moitié du XXème siècle ? Ce qui a atteint d'autres champs de la création encore vivants aujourd'hui - avec des divergences bien sûr - ne diffère pas tellement de ce que vit la poésie. Peut-on par ailleurs ignorer le défi qu'impose le développement scientifique ? Peut-on faire fi des inventions technologiques qui incarnent certaines visions et donnent forme à l'intuition, devançant ainsi bien souvent les romans de science-fiction, allant même jusqu'à ouvrir devant le rêve de nouveaux horizons ? Le développement technologique et son impact ne devraient-ils donc pas être pris en considération dans le profond changement des sociétés et des relations humaines et environnementales ?Dans l'actuel tableau culturel, en Orient comme en Occident, la poésie n'est pas seule à bouger. Elle fait partie d'une mesure culturelle aux aspects changeants comme change la manière d'interagir avec elle, la façon de la considérer au sein même de la vie en tant qu'elle est un tout. En Occident, la poésie est réduite au minimum. Certaines sociétés comme la société française par exemple posent sur la poésie le même regard qu'elles posent sur la langue latine aujourd'hui révolue. Les festivals de poésie ayant lieu ici et là parfois sous couvert de bienfaisance ne signifient nullement que la poésie se porte bien. Dans le monde arabe, que signifie que l'on parle de poésie ? Et le fait d'en parler rend-il compte de sa présence ? Dans les médias arabes, la poésie n'est présente que parce que la plupart des responsables des pages cultuelles, à Beyrouth notamment, sont eux-mêmes des poètes. Pourtant, l'abondance des articles relatifs à la poésie et la couverture médiatique des poètes et de leurs livres ne veut pas dire pour autant que la poésie soit présente. La publication s'est éloignée de cet « étrange être » que si peu lisent et dont beaucoup de poètes eux-mêmes se détournent. Il se peut que la poésie trouve dans internet un nouveau souffle. Certains sites spécialisés dans la poésie peuvent à l'évidence jouer un rôle important pour les chercheurs arabes et occidentaux, mais ces sites s'apparent plus à un entrepôt poétique où toutes sortes de poésie cohabitent, la bonne comme la médiocre. Or ceci entrave parfois la recherche du poème. Dans l'accumulation quantitative et l'absence de critique, on peut craindre de voir se perdre les Bachiques d'Abou Nawwâs, L'épitre du pardon de Maarrî et La Divine Comédie de Dante...Jamais le poème n'a été aussi étranger qu'il ne l'est aujourd'hui. Pas seulement étranger à l'autre, mais aussi à lui-même. S'il sort de sa cachette, nul ne le reconnaît et il ne reconnaît personne. Cela ne concerne pas seulement le poème, mais toute la littérature de valeur, toute la création de valeur qui parce qu'elles sont en dehors du cercle économique, se retrouvent en dehors du petit écran, en dehors de l'espace social. Le recul de la valeur sociale de la littérature se répercute ainsi négativement sur les talents créatifs et sur l'écriture elle-même. « La voix de la poésie » est recouverte par cette autre voix que chante Sophocle depuis des âges profondément enfuis : « Ô enfant de l'espoir doré, parle... Ô voix de l'éternel ! ».6/ La part de la prosodie dans l'élaboration du poème.Le poème est libre et n'obéit à aucun ordonnancement. Il est par essence contre toute entrave, toute capture. 7/ La place de la traduction dans l'écriture poétique.La traduction de la poésie, si difficile soit-elle, a réussi à faire connaître un grand nombre d'expériences poétiques de par le monde et de contribuer à l'interaction entre les poètes, leur ouvrant bien des perspectives.
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