L’écrivain franco-vénézuélien Miguel Bonnefoy poursuit l’exploration fantasmagorique de sa mémoire familiale...
Il y a aussi la propension aux larmes, aux pleurs, qui ont rythmé mon enfance et ponctué ma vie. La danse a-t-elle pris la place de cette lacune de paroles et de ce trop-plein de larmes ? Devient-on danseur parce qu'on mésestime nos pleurs et brime nos larmes ? Pleurer est un bonheur, oui un bonheur, que je tiens de ma mère, grande pleureuse à ses heures, que je ne remercierai jamais assez de m'avoir passé sa passion. Est-il vraiment incongru de pleurer, d'aimer pleurer, d'aimer les larmes à en pleurer ? Sont-ce ces pleurs que je danse depuis soixante-dix ans, que j'ai transposés et transpose encore dans les gestes que je fais ? Vient le silence, puis viennent les larmes, puis. la danse ? Est-ce que je danse les pleurs que je ne peux pleurer ? Vit-on jamais un danseur pleurer en scène ? C'est dans sa danse que ses pleurs se nichent.
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