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Dans les profondeurs du monde Reposent nos impuissances Il faut voir dans le poète une sorte de musicien qui chercherait en tous temps et en tous lieux à accorder son dérisoire instrument entre le fracas du monde et le fragile équilibre de la noosphère. Un passeur d'harmonie, mais une harmonie sans cesse déchiquetée, et par les vagues de l'Océan et par le Temps des Hommes. Devant la mer, à l'unisson des éléments, la démesure de l'espace et les aléas du temps ouvrent en nous la conviction de partager monde et Terre avec l'ensemble des vivants. La Rumeur le Fracas présente en quatre mouvements la fragilité de l'existence prise entre la beauté et la tragédie du monde. Dans l'écart entre l'une et l'autre foisonnent les contradictions et les doutes, mais aussi les désirs et les émotions des êtres singuliers que nous sommes.
« Nous marchons à la lisière des pins et des chênes-lièges. Sur des chemins de sable. Le soleil à la verticale. De façon aléatoire le vent éparpille le semblant de silence. »
Et nous, lecteur, cheminons dans les pas du poète entre le fracas et la fragilité du monde.
Les mots de Jean-Louis Clarac oscillent entre la permanence océane et l’impermanence du monde.
Dans les quatre mouvements qui composent ce recueil, sont évoquées le ciel, l’eau et la terre auxquels se joignent la forêt, le vent, le soleil ainsi que la nuit et le jour. Nous avons là les forces naturelles qui agitent la terre et que doit affronter le marcheur.
Mais comment les mots se font-ils entendre dans le « vacarme continu/ assourdissant le monde/ entre la rumeur et le fracas. » ?
Le poète sait glaner les mots dans chacun des « trésors marins », c’est là tout son talent de cueilleur, lui qui voit l’océan comme « un Babel de langue »
Ainsi né le poème qui évoque le « labeur des femmes et des hommes » mais aussi rappelle une actualité morbide, celle des corps échoués sur les rives, témoins des violences humaines.
Et le poète de s’interroger sur les cris des mouettes et des goélands. Au-delà de l’oiseau, faut-il voir « l’esprit des humains s’échappant des cercueils flottants » ?
L’île est un « monde fragile en déséquilibre » sur lequel fond la tragédie du monde. Car le poète se doit d’écrire au-delà de « la beauté des êtres (et) celle des paysages », il se doit de dire la mort, celle engendrée par l’Homme.
« Les limites des marées recèlent
Des trésors et des ordures
Dont l’inventaire est une gageure »
L’homme laisse sa trace, mortifère pour la nature. La laisse de mer ne contient pas seulement des déchets naturels mais également les stigmates de la pollution des océans « il n’y a pas de limites/ à l’amoncellement des trésordures »
Le poète creuse le texte, creuse la vague même si « vague ne peut pas être le mot / qui nomme la vague ».
Le poète aborde le monde dans ses écartèlements entre beauté et désordres, entre nature et humanité. Vie et mort se succèdent. Ainsi « les mots se dérobent/ pour dire/ l’horreur » mais ils se révèlent trop faibles pour abolir les cimetières marins.
« Dans les profondeurs du monde
Reposent nos impuissances. »
Cette poésie que rythme la marche nous interroge sur le partage du monde Terre.
On émerge de cette lecture émus par nos fragilités, par la beauté du monde mais aussi en questionnement face à nos antagonismes.
Je remercie les éditions Jacques André et Babelio pour cette superbe lecture.
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