Être une femme dans les années 40 n’est pas simple, mais être une femme, Noire, séparée avec un enfant, c’est la peine capitale !
Lutie Johnson, habite cette rue et a décidé de refuser la misère sociale, en mettant toutes les chances de son côté et de celui de son fils pour qu’il ne sombre...
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Être une femme dans les années 40 n’est pas simple, mais être une femme, Noire, séparée avec un enfant, c’est la peine capitale !
Lutie Johnson, habite cette rue et a décidé de refuser la misère sociale, en mettant toutes les chances de son côté et de celui de son fils pour qu’il ne sombre pas dans la médiocrité inexorable vers laquelle la rue ne peut que l’attirer.
La rue, ce sont les trafics en tous genres, c’est la prostitution comme seul moyen d’avoir une vie descente, sans parler de respectable. Dans la rue d’Ann Petry, on ne vit pas, on survit. La vie de Lutie Johnson, c’est une lutte de tous les instants, une mission quasi-impossible, car elle a beau être à Harlem, entourée de noirs comme elle, on lui renvoie tout ce contre quoi elle lutte : l’image de la femme fragile, que tous les hommes, noirs ou blancs veulent mettre dans leur lit, la jalousie des femmes qui ne voient en elle qu’une rivale, pleine de beauté. Mais le plus grave reste le racisme ambiant qui réduit les afro-américains à des postes subalternes, sans aucun espoir de s’en sortir.
Quel être au monde n’aurait pas souhaité quitter cet abominable endroit ? Il n’y avait qu’un moyen : économiser. C’était un cercle infernal, auquel personne ne pouvait échapper. Les Noirs qui vivent à New York et qui n’ont pas d’argent ne peuvent habiter que des maisons comme celle-ci. Et pendant qu’ils travaillent au-dehors pour payer leur misérable loyer, la rue se charge d’élever leurs enfants. Elle leur sert de père et de mère. Père démoniaque, mère vicieuse, elle les modèle à son image. Le peu de temps qu’ils lui échappent, ils n’entendent parler que d’argent
La rue, c’est nauséabond, sordide, violent, c’est tout ce que les noirs ont le droit d’avoir. La rue, c’est la haine que les blancs donnent aux noirs.
Publié en 1946, ce livre aurait dû se rapprocher le plus d’un roman historique, mais malheureusement, il reste terriblement actuel. À croire que rien n’a changé.
Ce livre est incroyable, car lors de sa publication, il a atteint le million d’exemplaires vendus, ce qui est un événement dans cette Amérique ségrégationniste. Il est d’une rare intensité sur la condition des Noirs, des pauvres et particulièrement des femmes noires confrontées à la misère.
À travers Luti, l’auteure aborde la rage face à l’injustice, le refus de la fatalité dans une Amérique blanche.
La plume est d’une beauté fulgurante, comme Luti, dont la beauté transfigure le récit. Un récit intemporel et d’une incroyable vérité, avec un final déchirant, et inattendu.
Vous ne pouvez absolument pas voir à quoi ressemble un nègre. Vous ne le pouvez pas : un nègre n’est jamais un être humain. C’est une menace, un animal, une malédiction, un déshonneur ou une plaisanterie