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« Les hommes de notre famille sont toujours morts ruinés, ne laissant à leurs enfants que la certitude d'avoir à se construire seuls. Mais c'est une force, ma soeur, ne le sais-tu donc pas ? L'avais-tu oublié ? Les hommes de notre famille construisent des maisons pour les détruire ensuite. Ils vivent en dansant, debout sur les tables, persuadés de ne jamais vieillir. Ils rendent les femmes très heureuses puis très malheureuses, mais ils les rendent vivantes. C'est notre héritage, ma soeur. Nous ne devons rien posséder d'autre que du sable entre les doigts. Là est notre légèreté. Là est notre liberté. Après un silence, elle a ajouté : « Tu te rends compte, ce salaud, il va vendre notre maison... je n'ai pas répondu puis je lui ai dit au revoir. Je l'ai embrassée et j'ai promis de venir la voir. J'ai raccroché. Les hommes de notre famille ont toujours été des salauds, de magnifiques salauds. Alors seulement, j'ai décidé de prendre le train. » À quarante ans, la narratrice décide d'aller, seule, une dernière fois aux pays des lauriers roses, dans cette maison des étés de son enfance où elle a été si heureuse. Sur le quai de la petite gare du Sud de la France, elle retrouve un père qu'elle n'a pas vu depuis vingt ans, depuis les bleus et les cris de sa mère, la maison de l'insouciance ravagée par les eaux noires de la nostalgie russe.
Ce roman raconte, à la manière des poupées russes, comment les étés d'une petite fille au bord de la Méditerranée font écho à ceux vécus par sa grand-mère au bord de la Mer Noire avant la Révolution russe, comment le sentiment d'exil perdure et cherche à se noyer dans des petites Russie qu'on reconstruit où on peut, des maisons russes ouvertes à tous dans les années vingt ou quatre-vingt, à Fontainebleau, Boulogne ou sous le soleil du Midi.
La Maison russe est un roman qui prête sa voix à plusieurs générations de femmes, à leurs souvenirs. Pour Anna, la grand-mère, c'est Saint Pétersbourg qui s'éloigne, de longues robes rouges de velours brodé, son père lisant Tchékhov pour tout l'immeuble. Pour sa petite fille, le bonheur, ce fut la table en pierre encore fraîche à l'aube, la mer qu'on voyait des fenêtres, les jus d'orange glacés qu'on buvait en rentrant de la plage, les colliers de pépins de pastèque, les rires, les bals, les amies de chaque été, les amoureux d'une nuit. Tania Sollogoub nous raconte combien nous sommes riches de ce passé dont personne ne pourra jamais nous déposséder.
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