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En 1930, l'architecte Léon Claro, grand-père de l'auteur, fait bâtir, au pied de la Casbah d'Alger, une « maison indigène », à la fois hommage au style néo-mauresque et célébration du centenaire de l'Algérie française .De cette maison (qui existe toujours) ce livre est une «visite» - intime, historique, littéraire, politique - une « boîte noire » dont Claro extrait la mémoire, laquelle inclut Albert Camus, Le Corbusier, le poète Jean Sénac ou Lucchino Visconti, tous fascinés par la ville blanche ou pris dans la tourmente de la guerre d'Algérie - et chacun détenant, à sa façon, une clé de la « maison mauresque ». Ce livre force donc des serrures, pousse des portes, dont une, inattendue, qui donne sur une pièce que l'auteur croyait vide : celle du père.
Ce n'est pas un roman, c'est un récit, une intropection par un petit fils, qui va enquêter sur l'un des travaux de son grand père architecte en Algérie, à l'époque où c'était une colonie française. Son grand père a construit la fameuse maison indigène du titre. Cela va être l'occasion de croiser Le Corbusier, Camus, le poète Sénac, le cinéaste Visconti... J'ai beaucoup aimé ce texte et le cheminement de l'écrivain sur ces recherches, d'abord générales (des recherches sur cette maison, sur la visite de le Corbusier à ALger, sur la vie de Camus et de Sénac à Alger, sur le tournage de l'étranger de Visconti) puis des recherches plus personnelles sur son grand père mais surtout sur son père. Des pages documentés sur Alger, la guerre, le départ des pieds noirs, la vie et l'oeuvre de Camus et celle de Sénac, ami intime de son père. Avec beaucoup de délicatesse, ce texte m'a beaucoup ému sur les recherches sur le père. Et m'a donné envie de relire l'étranger, mais aussi la version de Daoud et revoir le film, qui m'a beaucoup impressionné lors de sa projectio au festival de cinéma de la Rochelle, avec un impeccable Mastroani.
C'est un livre hybride, à la fois documentaire érudit et biographie familiale.
Le fil rouge de ce récit est un bâtiment algérois, appelé la Maison ou la Villa du centenaire.
Elle changera de nom au fil du temps et deviendra la "Maison du millénaire" pour célèbrer les mille ans de la fondation d'Al Djazaïr, Alger.
Elle est l'oeuvre de l'architecte Léon Claro,grand-père de l'auteur, héritier du mouvement initié au début du XIXe siècle par Henri Klein, fondateur du Comité du Vieil Alger visant à défendre et à faire connaître le patrimoine de la vieille ville.
Le Gouverneur général l'a commandée pour commémorer en 1930 le centenaire de la présence française en Algérie.
Il s'agit de la réplique d'un maison traditionnelle de la Casbah en 1830. On retrouve les mêmes espaces : le vestibule 'sqifa' étroit, frais, qui s'évase progressivement pour arriver au puits de lumière "west eddar", autour duquel s'organise la maison.
Léon Claro réutilisera des matériaux originaux, marbre, faïences, bois, colonnes, provenant de démolitions de maisons de la Casbah.
"Ne manque que l'indigène, bien sûr. Mais la mise à l'honneur de sa demeure sonne peut-être aussi la fin de sa native invisibilité : à force d'être exclu d'entre ses propres murs, il finira bien par songer à les abattre."
Cette maison se situe dans un entre-deux: d'apparence ancienne mais neuve en réalité, pas dans la Casbah mais en bordure, ni française ni indigène.
Chacun peut y trouver ce qu'il y cherche.
Comme par exemple le jeune Albert Camus qui aura une révélation lorsqu'il l'a visitera : il écrira. Elle lui inspirera alors "La maison mauresque", qui ne paraîtra que bien longtemps après son décès.
Claro va faire revivre les figures du monde intellectuel et artistique de l'Algérie des années 1930, tous d'origine européenne.
Camus bien évidemment, Jean Sénac, Jean de Maisonseul, Edmond Charlot, d'autres de passage comme Le Corbusier, beaucoup plus intéressé par les bordels que par l'architecture.
Plus tardivement Visconti viendra y tourner une adaptation de "l'Etranger" avec Mastroianni dans le rôle de Meursault.
L'auteur écrit "j'étais sourd aux racines".
Ce récit est l'occasion pour Claro de retrouver les traces de son père, qui avait le même âge que la Maison Indigène. Ce père, poète contrarié, qui quittera très tôt l'Algérie pour s'installer dans la grisaille parisienne et se perdra dans l'alcool.
Mais il reste toujours à distance pudique.
Ce livre est fait de courts chapitres, passant d'une période à une autre, changeant de perspective. Cela m'a fait penser à une toile cubiste ou bien à une mosaïque que l'auteur aurait élaboré au gré de ses digressions.
J'ai vraiment apprécié ce récit dense et original, impeccablement documenté.
J'ai également aimé le propos de Claro chaque fois qu’il est question de colonisation ou de guerre. Il est irréprochable, totalement impartial et respectueux.
Ce récit est la recherche d’un père. Tout part d’une maison, construite en 1930 à Alger par Henri Claro, architecte et grand-père du narrateur, à l’occasion du centenaire de la présence de la France en Algérie. Cette maison déroulera pour lui des fils de son passé, tout en retraçant les contours d’une période de l’histoire. De nombreux personnages jalonnent cette recherche, comme Le Corbusier, le poète Sénac, mais aussi et surtout Albert Camus, qui séjournera quelques temps dans cette maison « mauresque ». Cette partie du récit est celle qui m’a le plus intéressée. Christophe Claro raconte Camus, son enfance en Algérie, analyse le roman « L’étranger », et livre quelques considérations sur la colonisation, les femmes « indigènes » dénudées sur les cartes postales, écrivant page 135 : « Dans la fantasmagorie orientaliste, que le colonialisme a fait sienne, le harem et le bordel sont comme les deux faces d’une même pièce jetée par l’Européen au pied de l’almée, d’un même regard lancé à l’odalisque. Et comme il en va depuis des siècles et des siècles, l’homme mesure et la femme murmure ». D’anecdotes en rencontres, comme celle à Marseille avec l’un des amis d’enfance de son père, Michel M, Christophe Claro tentera de soulever des « plis » de cette vie algérienne. Je ne connaissais pas l’auteur avant, c’est donc une découverte, et bien que cette histoire familiale ne m’ait pas particulièrement passionnée, elle se lit facilement. La rhétorique de Claro y est pour beaucoup, c’est un plaisir de lecture, même si probablement, je ne retiendrai de ce livre que les anecdotes sur Camus, et les points de vue de l’auteur sur une période encore crispante pour nombreux, qu’ils soient français ou algériens.
Une demeure peut-elle être une « boîte noire » de la mémoire ? Pour Claro, auteur de La Maison indigène, la réponse est positive. Dans ce récit, Claro décrit la genèse de la construction d’une maison, conçue par son grand-père l’architecte Léon Claro. Cette demeure de style mauresque est bâtie pour célébrer le centenaire de la conquête de l’Algérie par les Français en 1830. Claro s’interroge sur ce que dit cette maison de l’histoire, de la conscience coloniale, de l’orientalisme mis à la mode par les tableaux de Delacroix : « La Maison indigène semble attendre, à la croisée des temps, à la lisière des heurts (…) Et si elle était tout autre chose ? Une matrice. Une page vierge dressée à la verticale, en attente d’une encre sympathique, capable de mettre en branle un destin. » Ces interrogations, Claro les confirme et les légitime en illustrant le rôle déclencheur que joue cette maison, dans l’inspiration d’Albert Camus qui visite cet endroit en 1933, alors qu’il n’est encore qu’un inconnu. Il la mentionne dans ses Notes de lecture publiées dans La Pléiade : « Je m’étonne à cette heure d’accorder plus d’importance qu’elle n’en mérite (je m’en rends bien compte) à ma Maison mauresque. Sans doute, pour ce travail qu’elle m’a coûté, lorsque je songe à son peu de volume. »
D’autres personnalités y accompliront un passage :Le Corbusier en 1931, vient donner deux conférences ; mais Léon Claro, qui avait invité Le Corbusier à Alger , doute de la réalité de sa visite .L’architecte ne construira rien à Alger, se bornant à des croquis représentant les femmes d’Alger , dans la plus pure tradition orientaliste….Le poète Jean Sénac, ami du père de Claro, Henri Claro , est l’un des invités de cette demeure .Luchino Visconti tourne à Alger en 1967 une adaptation de l’Etranger avec Mastroianni dans le rôle de Meursault ;Sénac est présenté à Visconti . On trouve dans le récit de Claro des interrogations multiples sur le père, l’Algérie coloniale, les sources d’inspiration littéraire, l’histoire aussi. Plaisant ouvrage, qui nous transporte à travers différents épisodes et aspects de cette période, en évitant le côté carte postale sépia. A rapprocher de l’ouvrage de Kaoutar Hadimi Nos richesses, qui retrace le parcours du libraire Edmond Charlot dans l’Algérie coloniale avec sa librairie Les vraies richesses. Une demeure, lieu générateur d’inspiration et de rencontres, une librairie, lieu de fécondation culturelle : une belle symétrie…
Très difficile pour moi de résumer ce livre.
Claro nous offre un ouvrage unique, fabuleux où il est question de sa famille. Il remonte à ses origines, effeuillant son arbre généalogique, le dénudant au grès des pages.
Il nous fait voyager en Algérie où sont nés son père; qu'il cherche timidement à comprendre et son grand-père; Léon claro, architecte qui réalise, sur une commande du Gouverneur général à l'occasion du Centenaire en 1930, une réplique de la maison traditionnelle de la Casbah, la« maison indigène », avec des matériaux provenant de démolitions de maisons de la Basse Casbah. Une réplique d'une maison mauresque typique avec ses espaces et toute la décoration qui va avec.
Claro la décrit ainsi: ''Artificielle jusque dans son authenticité, authentique au-delà de son artificialité, tel un faux ne copiant aucun vrai unique, la maison indigène n'est pourtant l'esclave ni du vrai ni du faux.''
Cette maison qui a vu passer et s'entrecroiser plusieurs destins, de grands noms tels que: Le corbusier, Jean Sénac, jean de maisonseul... et biensur Albert Camus, qui, ébloui par cette réplique, la décrit dans l'un de ses premiers écrits.
Claro fouille un passé ignoré, un passé oublié, renié, ''Rien de ce qui touchait à l'ascendance ne me parlait. J'étais sourd aux racines, aveugle aux jeux de lumière dans les hauts feuillages de l'arbre généalogique. Je ne voulais rien savoir de la source, sinon la confirmation que ses eaux étaient de toute éternité frelatées.''
Par cette immersion, il ravive les souvenirs, enflamme la nostalgie d'une génération ayant aimé et vécu sur une terre qu'il ne considère pas comme sienne.
Il tente d'expliquer cette rupture douloureuse avec le passé, l'architecture et la pierre. Lui l'architecte du papier, du verbe et du mot !!!
Christophe Claro nous éblouit par sa plume dense , sa prose singulière, sa verve unique.
Son roman se déguste... une pure merveille.
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