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« Questions d'art » (Klincksieck, 2008) réunissait cinq chapitres monographiques sur Cézanne, Degas, Giotto, Rembrandt et Picasso. L'ouvrage est la traduction française d'un ouvrage dont la première publication était posthume et américaine : e Demands of Art, 1968. Pourtant l'édition française laisse de côté, comme les éditions allemandes successives (Comment une oeuvre d'art exige-t-elle d'être vue?, 1984, 1992), un ultime essai qui constituait le 6e chapitre dans le manuscrit de Raphael : «Der Kampf um das Kunstverständnis». C'est ce texte, qui n'est en somme connu que des lecteurs anglophones, que nous traduisons ici d'après le tapuscrit original allemand annoté par Raphael et resté inédit dans sa langue d'origine même. Il s'agit pourtant d'un essai capital pour comprendre les enjeux de cette pensée si singulière sur la production des oeuvres d'art.
Dans son recueil composé dans l'entre-deux-guerres et reprenant des articles des années 20, Raphael entendait fonder une science empirique de l'art en étudiant non les oeuvres elles-mêmes mais les forces qui avaient été à l'origine de leur formation. Cette approche, qui considérait également la vision comme un acte productif et replaçait l'art au coeur de la vie en soulignant sa puissance révolutionnaire, se retrouve dans ce texte à l'abstraction déroutante. Si ce texte resté inédit nous intéresse ici c'est qu'il résonne étrangement avec l'époque contemporaine...
Né dans une famille de la petite bourgeoisie juive de Prusse orientale, Max Raphael (1889-1952) a consacré sa vie à bâtir une « science empirique de l'art », comme il l'a lui-même nommée, d'une ampleur et d'une originalité exceptionnelles, au croisement de l'histoire, de la théorie de la connaissance, de la philosophie existentielle et de la pensée politique.
Sans a liation académique, dans des conditions matérielles d'extrême précarité, il a subi de plein fouet les chocs de l'histoire du e siècle, errant de Berlin à Davos, de Davos à Paris, des camps d'internement de Gurs et des Milles jusqu'à New York, où il a pu s'échapper en 1941. Marqué dans sa jeunesse par le vitalisme de Georg Simmel et d'Henri Bergson, il a évolué dans les années 1920 vers une forme de marxisme aussi passionnée qu'hétérodoxe. Plus en profondeur, son attachement aux oeuvres de Goethe et de Maître Eckhart est demeuré intact, sa vie durant. Proche des milieux artistiques d'avant-garde en Allemagne, en Suisse et en France, il a été bouleversé par sa découverte du cubisme à Paris en 1911. A partir de la n des années 1930, il a consacré une grande partie de ses recherches à l'étude de la préhistoire, abordée à la lumière de la modernité, en proposant notamment une interprétation profondément novatrice de la signi cation des grottes ornées paléolithiques.
Son oeuvre très abondante - et seulement partiellement publiée - va de la critique d'art contemporain à la théorie pure de la connaissance (Newton), en passant par la philosophie politique (Marx, Proudhon), l'histoire économique (la naissance du capitalisme industriel allemand), les études littéraires (Flaubert, Valéry) et, surtout, toutes les périodes de l'art, du Paléolithique européen au Néolithique égyptien, à l'Antiquité grecque, au monde roman, à la Renaissance et à la modernité.
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