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« Ce livre parle avant tout d'amour : le grec ancien a été l'histoire la plus longue et la plus belle de toute ma vie.
Peu importe que vous connaissiez le grec ou non.
Si c'est le cas, je vous dévoilerai des caractéristiques de cette langue dont personne ne vous a parlé au lycée, quand on vous demandait d'apprendre par coeur conjugaisons et déclinaisons.
Si ce n'est pas le cas, c'est encore mieux. Votre curiosité sera comme une page blanche à remplir.
Qui que vous soyez, cette langue recèle des manières de s'exprimer qui vous permettront de vous sentir chez vous, de formuler des mots et des idées qui ne trouvent pas d'expression exacte dans notre langue. » Le grec est une langue géniale : voici neuf bonnes raisons d'en tomber éperdument amoureux.
Un voyage éblouissant pour commencer ce mois consacré à la Grèce. J’ai commencé ce « cycle » de lecture lancé pour m’imprégner de ce monde avant d’y poser un pied pour une courte escapade, pour essayer de comprendre ce qui a longtemps été dans mon esprit une idée, avant d’être un pays ou un territoire. J’ai ressenti le même émerveillement qu’en apprenant le chinois, cette nécessité de penser autrement parce que la conception linguistique de la réalité n’était pas celle de la langue française.
Cette déclaration d’amour au grec (ancien) est sans doute l’une des plus belles manières d’appréhender cet esprit qui souvent nous habite parfois sans que l’on y prête attention. L’ouvrage nous donne aussi furieusement envie de vivre, de penser comme un grec de cette époque.
Tout d’abord par la liberté qui se dégage des explications de l’auteur qui nous précise que les grecs vivaient au présent : « Eux qui étaient libres, se demandaient toujours comment. Nous qui sommes prisonniers, nous nous demandons toujours quand ». Le temps est secondaire comparé à la façon dont les choses adviennent. Nous plongeons dans la valeur aspectuelle de l’action.
Le thème de l’aoriste, qui a disparu, est d’une grande poésie, ce temps qui décrit une action « prise pour ce qu’elle est », « qui s’accomplit » sans considération de -de ses conséquences, parce qu’il n’y en a pas, pourquoi devrait-il toujours y en avoir? »
Mais il s’agit d’une liberté réfléchie et responsable. Avec la désinence des mots, il s’agit de réfléchir à ce que l’on veut dire mais une liberté quand même puisque celle-ci donne le sens aux mots et nous libère d’un ordre à suivre dans leur agencement.
Autre subtilité, qui a disparu « le duel », en plus du singulier et du pluriel, le « duel » exprime un couple par nature, par choix, « un nombre humain et non mathématique », et donne du sens aux relations entre les choses et les personnes. Son utilisation, très personnelle, est donc choisie par celui qui l’écrit et qui le parle.
Et l’optatif ! Là nous poussons la porte du « degré de réalité » exprimée par le locuteur. De sa projection sur ce qu’il désire, espère, il « rend compte de sa vie sans imposer sa volonté ou envahir la vie (et les mots ) des autres ». Avec cette délicatesse, on s’avoue à soi-même à haute voix ses désirs sans les faire subir aux autres car cette potentialité ne dépend que de soi.
Une autre grande leçon, celle d’assumer ses actes, d’être responsable.
Il y a un degré de nuances vertigineux mais rassurant aussi car profondément humaniste et qui ouvre de nouveaux mondes.
Évidemment on referme l’ouvrage en voulant apprendre le grec ancien pour arriver à vivre comme ce que l’on peut percevoir depuis la compréhension linguistique de leur monde, en homme libre et responsable.
C’est l’histoire d’une passion.
Une passion qui dure depuis l’enfance.
La passion de l’auteur pour le grec ancien.
Elle fait le parallèle entre nos langues et le grec ancien.
Chez nous, la notion de temps est toujours représentée.
Chez les grecs, c’est la notion du comment.
Le grec ancien est influencé par la langue indo-européenne qui a disparu.
Après un début très accessible, tout devient plus pointu et donc plus ardu à lire.
On notera cependant certaines notions, comme l’appauvrissement de la langue. Avec entre autre la disparition du mode optatif.
L’auteur prodigue conseils et encouragements pour aborder l’étude du grec ancien de manière positive.
L’étude de cette langue, dit-elle, ouvre l’esprit et permet de se connaitre soi-même.
C’est une étude très complète sur l’origine, la complexité, l’évolution, voire la disparition d’une langue.
Un livre plein de surprises, à commencer par son titre. le lecteur attend un argumentaire en neuf points passionnants, le lyrisme des neuf muses filles de Zeus appelées à la rescousse pour chanter le logos. J'ai cherché en vain…
Je m'attendais à un « antimanuel » de grec ancien, ce livre est beaucoup plus que cela, un essai sur l'agonie des mots et peut-être leur réincarnation par celles et ceux qui les font vivre.
Je m'empresse de préciser que dans ma période lycéenne et universitaire erratiques je n'ai suivi aucun enseignement de latin ou de grec ancien. Disons le d'emblée, malgré la promesse de la quatrième de couverture, pas toujours facile de suivre le propos de l'auteure pour le lecteur qui ne dispose d'aucun point de repère académique en grec voire en linguistique. A cet égard, pour le vocabulaire technique un glossaire aurait été le bienvenu.
Naturellement, la lecture de cet essai apporte d'autant plus de plaisir si les univers de Platon, Sophocle … ne sont pas totalement inconnus, mais on imagine que celle ou celui qui ouvrira ce livre a déjà quelque affinité et plus avec « l'été grec » pour reprendre le titre du magnifique livre de Jacques Laccarière.
Abstraction faite de l'écueil susévoqué, affleurement de récifs égéens dans l'azur des cyclades, on se laisse emporter par la fougue, la passion, la drôlerie de l'auteure.
Assurément, pas besoin d'être docteur es études homériques pour percevoir le legs du grec à la langue française, ces lieux philosophiques légendaires « l'académie » de Platon, le « lycée » d'Aristote si différents aujourd'hui et bien sur cette richesse étymologique qui donne sens au mot à commencer par « philosophe », qui aime la sagesse et non pas le sage, ce n'est pas tout à fait pareil cela peut même être très différent.
Andrea Marcolongo chante les subtilités de cette « langue morte », rien de dénigrant dans mon propos, le français est devenu à maints égards une langue morte, immolé sur l'autel de la pensée moderne binaire utilitaire et son affreux appendice la novlangue.
Parmi ces subtilités j'ai notamment fait connaissance avec ce mode optatif. L'optatif exprime le désir, le souhait, l'espérance, dans les interstices du « réel », ainsi que le rappelle l'auteure, « la frontière qui sépare un désir réalisable d'un désir impossible est aussi subtile, délicate » (P. 112)
Cette langue qui ignore l'univers carcéral du temps tronçonné en passé, présent, futur… le plus important était le « comment » plus que le « quand » ; apprécier le début, le déroulement, la conclusion
« Difficile de penser sans le temps, mais le temps n'existe pas, ce qui existe c'est une fin pour chaque commencement, et un commencement pour chaque fin (…) difficile pour nous mais non pour le grec ancien cette langue qui percevait non le temps mas le processus et qui grace à l'aspect du verbe, exprimait la qualité des choses qui semblent toujours nous échapper – quand la question que nous nous posons toujours sans jamais percevoir comment. » (p. 14)
Autre délicatesse du grec ancien, le « duel », qui s'ajoute au singulier et au pluriel ; le duel par lequel, on ne comptabilise pas, la somme un plus un, mais l'alliance et l'exclusion, un petit air de yin & yang si j'ai bien suivi le propos.
Deux éléments contraires mais qui ne sont pas contradictoires, la terre et le ciel, l'homme et la femme…., l'un ne se dissous pas dans l'autre ou dans une transcendance aliénante
Ce n'est pas naturellement le premier ouvrage de cette nature, les « petites leçons sur le grec ancien » de Jacqueline de Romilly et Monique Trédé (2008) suit un fil d'Ariane assez proche et ambitionne aussi d'être simple et pédagogique mais quelle différence dans le souffle ! Dans ce second ouvrage, la sensation de lire une démonstration de patinage artistique avec les figures imposées exposées parfaitement mais un cours d'amphithéâtre in vitro, pas l'amphithéâtre de la vie, in vivo, celui de la comédie (« kômôdia ») et de la tragédie (« tragôdia »).
Le grec ancien est victime d'une politique culturelle étriquée et aussi de l'évolution des préférences de la « démocratie de l'usage », (démocratie encore un mot grec,...) qui plébiscite l'expression sms et se moque de Montaigne.
L'auteure constate avec raison « Quoiqu'on dise aujourd'hui à l'ère de twitter et de whatsapp, ce sont eux qui changent avant que la langue change et non l'inverse. » (p. 126)
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