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« Après la seconde guerre mondiale, Jean, un mineur prisonnier de guerre, retourne à la fosse à Bruay-en-Artois, fonde une famille et décide de ne plus penser qu'à profiter de sa vie, de ses congés et de sa liberté. Mais c'est sans compter les mouvements de grève où il est vite stigmatisé.
À l'opposé, Alexandre, son neveu, place l'intérêt des siens et de ses compagnons au-dessus de son propre intérêt particulier. Et contrairement à Jean, il rentre de la guerre d'Algérie instruit et révolté... » La Lampe au chapeau brosse le portrait de ces mineurs qui risquaient leur vie pour la gagner, mais dépeint aussi la vie dans les corons après la seconde guerre mondiale, notamment par l'intermédiaire de Jean. Mais il s'étend bien au- delà puisque la destinée d'Alexandre, le neveu, va entraîner le lecteur jusqu'en pleine guerre d'Algérie, puis lui faire vivre les barricades de mai 68 avant de lui narrer la singulière initiative des salariés de Lip. Un roman d'apprentissage émouvant qui inscrit l'individu dans la grande Histoire.
Jean et Alexandre sont tous deux mineurs de fond à Bruay-en-Artois. Ils ont toutefois une manière radicalement opposée de faire face à leur vie harassante, dangereuse et mal rémunérée. A son retour de captivité après la Libération, Jean s'attèle d'arrache-pied à améliorer son sort personnel en prenant des cours du soir pour devenir porion. Sa promotion lui attire la défiance, et bientôt la vindicte des mineurs lorsque les grèves se succèdent. Son neveu Alexandre, lui, aspire à l'action collective : il rentre de la guerre d'Algérie plus que jamais renforcé dans ses convictions et ses idéaux libertaires, qui ne tardent pas à le faire passer pour une forte tête et un agitateur politique auprès de son employeur. Entre Jean et Alexandre, la rupture finit par devenir irrémédiable.
Ce roman a d'abord été pour moi une rencontre pleine de tendresse avec des personnages et des lieux qui me sont particulièrement proches en raison de mes racines familiales : j'ai immédiatement entendu sonner des voix familières au fil des dialogues patoisants, savoureux et parfaitement justes, que tous les lecteurs pourront décrypter sans mal parce que traduits au fur et à mesure, sans renvois ni notes de bas de page. Elle-même originaire de Bruay, l'auteur a su restituer mille détails authentiques qui recréent avec réalisme la vie de cette ville minière, de l'après-guerre jusqu'aux années soixante-dix.
Derrière l'histoire particulière se dessine la profonde évolution de la France toute entière pendant les Trente Glorieuses, marquées par des changements économiques et sociaux majeurs qui ont introduit en Europe la société de consommation et de loisirs. Un des facteurs de la forte croissance industrielle fut d'ailleurs l'accès à une énergie à bas coût, en particulier les énergies fossiles...
Le point de vue historique de l'auteur s'attache plus particulièrement à la prévalence de l'individualisme dans les grandes orientations prises par notre société moderne occidentale. Selon Sandrine Leturcq, qui nous fait découvrir au passage quelques penseurs libertaires, les intérêts particuliers ont toujours fini par l'emporter, y compris dans les sociétés collectivistes communistes. Seules les minorités anarchistes ont imaginé une voie différente, comme Alexandre dans le récit, restée antinomique avec les égoïsmes inhérents à la nature humaine.
La lampe au chapeau est un captivant roman historique dépassant largement le cadre régional, porté par une réflexion intéressante sur nos valeurs sociétales qui devrait intéresser tous les lecteurs, quelles que soient leurs affinités politiques.
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