Jean Giono serait très fier... Reportage aux Correspondances 2017, pour mieux comprendre le bonheur des lecteurs !
Louis, un retraité taciturne, ancien charcutier, veuf à la vie tranquille et ordonnée, devient malgré lui une icône planétaire de l'écologie au terme d'un parcours commencé dans une brocante - où il découvre un manchot empereur pour lequel il va éprouver un irrésistible coup de foudre - qui se poursuit en Antarctique, puis dans le grand Nord et se termine dans le port de Toulon où Louis, juché sur un iceberg transporté là à grands frais par un fabricant de boissons à base de glace polaire fondue, devient un plai- doyer vivant, et contradictoire, contre la fonte de la banquise.
Dans ce roman, la fonte des glaces est celle de la banquise, comme on l'a vu, mais aussi celle d'un homme dont l'existence, jusqu'alors gelée, sans but, reprend son cours, un cours imprévisible, aventureux et mouvementé, drôle, mais grâce auquel sont aussi posées des questions importantes.
Il est encore, ce roman, celui de l'épanouissement du grand talent de Joël Baqué, d'une écriture à la fois évidente, simple et riche, pleine de trouvailles. Il est aussi celui d'une imagination parfois joliment délirante, pleine d'humour et généreuse.
Jean Giono serait très fier... Reportage aux Correspondances 2017, pour mieux comprendre le bonheur des lecteurs !
J'ai beaucoup apprécié la lecture de ce roman loufoque! Enfin un livre atypique avec de l'humour et qui balance sur la société contemporaine. Je me suis vraiment attachée au personnage et à sa dream team, je sais maintenant que je ne suis guère plus grande qu'un manchot empereur et qu'il ne faut pas le confondre avec le pingouin (ni avec moi). Un petit clin d'oeil à mon Jura natal avec cette ville aux multiples librairies (c'est bien ça), mais qui a engendré une boulangère revêche. Bref, un roman très plaisant où parfois on était content d'avoir une bonne couverture sur les genoux lorsque Louis part sur sa banquette banquise. Et une mention spéciale aux biscuits soviétiques!
Joël Baqué signe ici un roman plein d’humour tout en braquant le projecteur sur un des soucis les plus sérieux, grave et préoccupant de notre siècle en ce qui concerne la santé de notre planète : la fonte des glaces.
Son héros est un veuf retraité, un petit homme seul plutôt naïf voire simplet, qui va avoir un coup de cœur pour un manchot empereur empaillé chiné sur une brocante. De fil en aiguille, il va reconstituer une banquise artificielle dans le grenier de son modeste pavillon toulonnais et enfin quitter sa banlieue pour rejoindre un équipage sur un bateau chasseur d’icebergs accosté au port de Saint Anthony dans la province de Labrador-et-Terre-Neuve. Au hasard d’une aventure rocambolesque qui va nous faire voyager au Canada et au pôle sud, Louis, à son insu, va devenir une icône de l’écologie dénonçant le danger imminent (ou pas…) de la fonte des icebergs. Internet lui « assurera une consécration mondiale (…) dodelinant sur une plaque de glace, en bob et boots. »
Au passage, l’auteur va écorcher et gentiment se moquer des médias et des engouements populaires fulgurants portés par les réseaux de communication d’Internet et pourtant très utiles dans la réactivité à l'information. Joël Baqué ne donne pas de leçon et crée toujours un équilibre entre le pour et le contre, ce qui nous permet d'avoir notre propre avis.
L’écriture de Joël Baqué est fluide, sait traduire les ressentis avec talent et rendre des images percutantes.
« Il s’habille à toute vitesse en commençant par son bonnet commando. Il n’eut pas à attendre Alice, déjà dans le hall, vêtue d’une parka jaune canari qui brutalisait la moquette brunâtre et percuta l’œil mal réveillé de Louis. Elle finissait de s’enduire les mains d’une crème achetée la veille dans la pharmacie où Vikings et dinosaures se partageaient le marché des produits de confort. La porte à tambour les téléporta dans un univers parallèle noyé dans un brouillard compact qui encagoulait les réverbères d’un halo contracté, comme si la lumière se roulait en boule pour se réchauffer. Le froid rappela immédiatement Louis à l’ordre, qui rabattit la capuche de sa parka sur son bonnet commando. Ils se hâtèrent en silence dans les rues escamotées, penchés vers l’avant tels deux religieux en route vers un office de nuit. Le bitume crissait sous leurs pieds, leurs poings se crispaient à l’intérieur des gants. Un souffle glacé les gifla dès qu’ils débouchèrent sur le port. »
On rit beaucoup tout en fronçant le sourcil pour ce roman intelligent qui, enrobé d’humour, traite d’un sujet grave et quelques drames amers.
Par manque d’attention, les icebergs partent à la dérive tout comme beaucoup de gens abandonnés et laissés à eux-mêmes aussi… Une tragédie de l’abandon pas drôle du tout, in fine… Louis a voulu remplir le vide qu’est devenue sa vie par la glace de la banquise qui va fondre inexorablement si personne n’y prête plus attention… Un appel glaçant au respect de la vie…
Rencontré aux Correspondances de Manosque, écouté avec attention, sourire aux lèvres devant cet humour décalé qui dit tant de choses, il ne me restait plus qu’à lire Joël Baqué. Si La fonte des glaces, le roman qu’il présentait en septembre 2017, paraît complètement loufoque, il dit tant de choses bien réelles sur l’évolution de notre planète.
Tout commence sur la banquise, où Louis est avec Ivaluardjuk, son guide inuit. Tant de souvenirs remontent à la surface et permettent de connaître un homme élevé par sa mère carcassonnaise dont le père, comptable, a été écrasé par un éléphant qu’il prenait en photo. L’humour de l’auteur est déjà bien présent sur cet épisode, en principe, dramatique.
Il grandit à Carcassonne, aime la nature, observe insectes et animaux puis devient Fuck Dog Louis amoureux de Chantal Garage. Celle-ci lui demande un jour « pourquoi il parlait avec l’accent de l’Aude et chantait avec l’accent des ghettos nord-américains. »
Finalement, avec un CAP de boucher, il épouse Lise et ils s’installent à Toulon : « Oui, il a aimé le cochon à la chair rose et fondante comme l’Inuit a aimé le phoque d’où il tirait vêtements, coques et kayaks, graisse pour éclairer l’igloo et imperméabiliser le cuir, le phoque dont la chair onctueuse comme l’iceberg le réjouissait. »
Ces quelques éléments permettent de situer un peu le héros du livre mais Joël Baqué truffe son récit d’anecdotes toutes plus savoureuses les unes que les autres jusqu’au jour où, lors d’un vide-grenier, il découvre un manchot-empereur empaillé dans une armoire normande. Pour 35 €, cet achat va changer la vie de notre boucher-charcutier retraité, supporter du RC Toulon, comme la suite le prouvera.
« Ce compagnon qui, à peine entré dans sa vie, en était déjà le centre et la circonférence, l’os et la moelle, » apporte tant d’événements en cascade que Louis devient un passionné d’écologie, profondément choqué par les dégradations causées par l’homme à la nature : « L’aveuglement et l’injustice des humains sont sans limites : des croquettes élaborées par des nutritionnistes pour le chien, la fonte des glaces pour le manchot-empereur ! »
Si les Inuits vivent près du pôle nord, c’est à l’opposé, en Antarctique que l’on peut observer les manchots-empereurs et c’est Ivaluardjuk, l’Inuit de l’hémisphère sud, qui l’accueille et lui apprend à lutter contre le froid si vif.
Avec Joël Baqué et son héros, j’ai aimé voyager, passer de Toulon au pôle sud puis au Canada et découvrir les chasseurs d’icebergs. « Ce Français terne et grognon s’avérait être un original passionné, » un peu comme ce livre qui met en lumière, avec humour et originalité, la folie humaine pour le profit, exploitant à fond toutes les ressources naturelles sans respecter la vie.
Chronique illustrée à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Bon allez, elle n'est pas terrible mais je ne peux pas m'en empêcher : La fonte des glaces est certainement le roman le plus givré de la rentrée (ah, ah, elle est bonne, hein?) mais givré de chez givré...
En deux mots : Louis, dont le père, devenu spécialiste de la banane après l'avoir été des pneus, est mort écrasé en Afrique sous la patte d'un éléphant alors qu'il prenait une photo dudit pachyderme. Bien plus tard et rentré en France, Louis est devenu charcutier et follement amoureux de la fille de son patron, Lise, qui devint sa femme. Sa trancheuse à jambon et ses rillettes pur porc remplirent l'essentiel de son existence, sans oublier quelques parties de jambes en l'air avec Lise dans la chambre de découpe du magasin sous le tue-insectes électrique. Chacun son truc, chacun son bonheur.
En tout cas, Louis, à ce moment-là, était incontestablement heureux.
Lise meurt. Des années plus tard, Louis, à la retraite, se trouve confiné dans une routine bien routinière : expresso au café, contemplation du port de Toulon, assis sur un banc, deuxième expresso, achat de la demi-baguette et du Var-Matin, éventuellement passage à la supérette selon les besoins et sans un regard sur la charcuterie industrielle, retour à la maison. Rebelote le lendemain et le surlendemain...
« Le regard de Louis s'embua peu à peu comme le pare-prise d'un véhicule resté trop longtemps stationné à l'extérieur. Un léger voile tendait entre lui et le monde un linceul transparent. Il n'en percevait pas moins parfaitement le bleu frissonnant de la Méditerranée et celui plus alangui du ciel varois. Cette buée était d'un tout autre ordre. Elle ne laissait pas présager le glaucome mais la dépression. »
Louis avait été heureux autrefois et il pensait ne plus l'être...
Mais un jour, sur le chemin du bercail, il tombe sur une braderie. Soudain, un reflet l'aveugle : ce sont les portes d'une armoire flamande qu'un acheteur ouvre et referme pour en tester la solidité. Louis se dirige vers le meuble, en observe l'intérieur, se penche et découvre à sa grande surprise ce qu'il prend d'abord pour un... pingouin et qui se révélera être en réalité... un manchot empereur. Le vendeur lui explique que c'est très bien un manchot empereur, beaucoup mieux qu'un pingouin (moi, j'ai testé les deux et finalement, ça se discute…) S'ensuit une tractation. Louis repart avec sa bestiole empaillée sous le bras. (Je trouve, à bien y réfléchir, qu'il y a un petit côté « art contemporain » dans ce Louis traversant la rue des Blatterets à Toulon avec son nouvel achat sous le bras, je dis ça comme ça, une impression...)
« Un éléphant avait clôturé l'existence du comptable (son père), un manchot empereur allait inaugurer une nouvelle ère pour Louis. Il avait aimé sa mère, Lise, son métier et la boutique de la rue Lavoisier, mais son amour pour le manchot empereur l'emporterait dans une autre dimension. Il vrillerait dans l'Infini le bleu retrouvé de son regard. Cette subite passion restera mystérieuse et dépourvue de sens, preuve de son authenticité. Le commencement d'une histoire d'amour en est la meilleure part et toute vraie passion est un commencement toujours renouvelé. C'est pourquoi les vraies passions ne se terminent jamais, mais cessent un jour de commencer. Aimer passionnément, on le sait par ouï-dire, c'est être frappé d'un coup de foudre chaque matin en redécouvrant l'être aimé. C'est fatigant, à la longue, mais c'est beau. »
Et là, messieurs dames, ATTENTION, on décolle (au sens propre et figuré) car notre Louis se prend effectivement de passion pour les manchots empereurs au point de leur (oui, de LEUR) installer amoureusement, dans le grenier de son modeste pavillon, une banquise faite de moquette blanche, de peinture blanche, d'un canapé iceberg et d'un climatiseur capable de reproduire à peu près, encore le croit-il à cette époque-là, une température proche de celle de la banquise. Et pour que notre manchot empereur ne s'ennuie pas, comme vous l'avez deviné, Louis se lance dans une recherche d'autres bestioles de la même espèce pour en reproduire un petit groupe, sa Dream Team, ressemblant fort à ce qu'il a pu voir sur les images Wikipédia…
Et si l'aventure de Louis ne s'arrêtait pas là ? Vous pensez bien, ce serait trop facile...
Bon, je vous vois la mine un peu déconfite : les histoires de manchots empereurs, ça ne vous intéresse pas…
Ah bon, moi, j'adore ça au contraire et j'attendais avec impatience de lire enfin un roman de la rentrée sur ce sujet…
Qu'est ce que vous pouvez être étroit d'esprit et peu ouvert sur le monde !
Quand je vous disais que c'était certainement LE roman le plus cocasse, le plus déjanté, le plus inénarrable de la rentrée - j'ai bien ri et beaucoup souri !-, eh bien franchement, croyez-moi, c'est beaucoup plus que ça : La fonte des glaces est un livre superbement écrit, dans une langue délicate, imagée et poétique (eh oui, rien que ça!) qui joue sur les mots et s'amuse des expressions toutes faites, c'est un récit empreint d'un humour pince-sans-rire, un texte qui m'a fait penser à du Michaux avec son personnage de Plume (dans la dimension absurde du propos) mais aussi à Ponge à travers la recherche de l'expression juste et concise. Je vous le dis, un o .v.n.i dans le paysage littéraire actuel.
Un texte qui, au fond, derrière ses allures légères, est beaucoup plus grave qu'il n'y paraît : il y est question de bonheur, de solitude, d'amour, d'ennui mais aussi de notre société actuelle et de ses dérives… Dans Le Matricule des anges (n°186, sept 2017), Joël Baqué, interviewé longuement, parle de ses personnages en ces termes : « Les personnages… sont en quête ou, pire, en panne de quête. Ils ont aimé, n'aiment plus, n'arrivent pas à aimer, ne savent plus qui ou quoi aimer. Leur existence n'est pas étayée par des structures affectives familiales, amicales. Lorsqu'ils sont pris par une passion, celle-ci les conduit au désastre ou à l'échec. L'humour est l'enrobage de leur vide existentiel et du tragique des situations. »
C'est précisément cela que l'on ressent, une espèce de gravité qui est là, sous-jacente, partie immergée de l'iceberg, plongeant dans les profondeurs de l'être, le tirant chaque jour de plus en plus vers le fond. Oui, on s'amuse mais l'on sent qu'en réalité, tout cela est bien désespéré… « L'humour est indissociable du plus grand sérieux. La gravité n'a pas le monopole du grave. » précise l'auteur. « Mes personnages sont des solitaires qui se débattent comme des poissons dans un filet. Parfois quelques mailles lâchent, ils vont frétiller un peu plus loin mais c'est pas gagné... »
Espérons que Louis reviendra de son escapade (que je vous laisse découvrir!) des images plein la tête et que ses manchots empereurs toulonnais n'auront pas trop pris la poussière…
Une œuvre à découvrir absolument !
Lire au lit : http://lireaulit.blogspot.fr/
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