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Elle fut longtemps appelée « la folle de Saint-Lunaire ». Mais Jeanne Devidal (1908-2008) est aujourd'hui reconnue comme un Facteur Cheval au féminin, avec sa maison-forteresse, faite de bric et de broc, qui finit par s'inscrire sur les circuits touristiques de la côte d'Opale, en Bretagne. Fabienne Juhel dédie ce tombeau littéraire à cette femme en marge, aux nombreuses zones d'ombre, entre folie et art brut, qui fut torturée par les Allemands lors de la Seconde guerre mondiale.
J’ai tout aimé dans ce roman ! Le portrait poignant d’une femme meurtrie qui garde son mystère, la construction du roman qui bâtit chapitre après chapitre les 4 murs de la maison de Jeanne et le style parfois intime, parfois lointain comme le ressac de la mer qui garde le souvenir de Jeanne Devidal.
Jeanne et sa maison de bric et de broc ont réellement existé sur la côte bretonne de Saint-Lunaire. Je viens d’apprendre son existence grâce à ce très beau texte de Fabienne Juhel qui respire la vénération devant la vie et l’œuvre de Jeanne.
Les 4 murs de la maison de Jeanne grandissent au rythme des 4 points cardinaux de sa vie. L’exode pendant la guerre, son arrestation et les tortures par électrochocs, son enfance, sa vie d’avant la guerre si brève et sa vie d’après qui garde le secret de ces années noires. Fabienne Juhel a la délicatesse de respecter le silence de Jeanne et son texte ne dévoile rien d’autre que ce que Jeanne nous a légué : « c’est une maison de mots ».
Il y a beaucoup de poésie dans ce texte, et c’est ce qui me plaît énormément comme dans tous les ouvrages de Fabienne Juhel.
Je suis moi-même toute retournée! Je regrette de n’avoir pas rencontrée Jeanne ni vu sa maison mais en lisant ce livre, j’étais là-bas à travers le regard et la voix de l’auteure. Je voyais ce petit bout de femme, la tête penchée, marchant inlassablement, jour après jour, et recueillir après les marées toutes sortes de petits objets rendus par la mer. Une glaneuse de la mer qui ramasse bouts de bois, filets de pêche,cageots, autant d’objets pour colmater, fermer, obstruer le moindre trou, le plus petit courant d’air. Reconstruire pour guérir et se protéger.
Un toit, quatre murs pour enfouir les blessures et ranimer au coeur des pierres chaudes les souvenirs les plus heureux.
Dans les années 80, un château bien étrange de Saint-Lunaire, à quelques mètres de la mer, était une des curiosités touristiques de La Côte d’Émeraude.
Jeanne Devidal ( 1908-2008), une brestoise venue s’installer avec sa mère dans ce petit pavillon après la seconde guerre mondiale en avait fait une œuvre d’art brut bien contestée par les riverains.
« Sa maison, elle l’a construite avec ce continent de bois et de plastique que le ressac et les naufrages poussent sur le rivage. »
Ce château fantasmagorique, tarabiscoté déborde sur la voie publique, enserre dans sa construction un poteau électrique et abrite un tilleul au milieu du séjour
Pour cette femme, employée à la Poste avant la guerre, résistante torturée par la Gestapo, plusieurs fois internée en psychiatrie et soumise aux électrochocs, cette tanière est un refuge où elle peut convoquer ses Invisibles et se protéger de la folie du monde.
Pendant quarante ans, Jeanne, l’excentrique fagotée comme l’as de pique arpente la plage et les chantiers en quête de matériel. Elle vit seule avec ses chats et ses fantômes. Elle est cette dernière feuille du tilleul dont elle attend la chute. Elle a dans les yeux cette flamme qui vacille, celle qu’elle reconnaît dans les yeux d’un touriste japonais qui a connu Hiroshima et qui l’interpelle. Les murs sont la mémoire.
Lors du bombardement de Brest par les Américains, Jeanne Devidal a rencontré la Bête, ce grand chien noir qui se nourrit du cœur des soldats morts. Depuis ce jour sombre, leur destin est lié.
C’est un article de journal local qui éveille l’intérêt de Fabienne Juhel, auteure toujours sensible aux figures féminines torturées et aux couleurs de sa Bretagne natale.
L’auteure tient à garder les zones d’ombre de son personnage, refusant de faire une plate biographie. Alors, elle construit des fondations jusqu’au mirador, en passant par les quatre murs qui évoquent les saisons et les points cardinaux, le portrait de cette femme originale, dévastée en pétrissant sa forme et ses émotions dans la nature sauvage du pays, dans ce ciment protecteur qui l’isole de ce monde qui chavire.
En utilisant tantôt la seconde personne du singulier, tantôt la troisième, Fabienne Juhel donne de la consistance à son personnage. Comme empreinte de sa folie, l’auteure se laisse emporter par les éléments, les mots, les rimes, les énumérations donnant à l’instar de cette maison, de la poésie, de l’art à l’extravagance.
Une beauté différente qu’elle tire jusqu’au dénouement en décidant d’une fin plus imagée.
Un très beau texte qui rend hommage à une artiste torturée. L’art brut de Jeanne Devidal était le reflet d’une histoire. malheureusement, la maison a été détruite en 1991. Avec ce livre, Fabienne Juhel lui construit un mausolée.
Je suis tout de suite tombé sous le charme de cette Jeanne écorchée et sensible . Toute l'histoire des gens peu ordinaires est là . On ne devient pas ce qu'on est par hasard . La personnalité de Jeanne fascine autant qu'elle impressionne et on assiste à un bel hommage tout au long de l'ouvrage . Cependant un petit regret ,dommage que l'histoire ne soit pas plus étoffée avec Jeanne en personnage central .Je pense après lecture que l'auteure a voulu rester fidèle à son sujet en ne trahissant pas l'exactitude de la biographie ce qui rend la démarche d'autant plus respectable .
On peut comparer le titre à l'idée simple que la demeure dans laquelle nous vivons nous ressemble parfois et que de ce fait Jeanne est effectivement écorchée et fissurée par les événements qui ont émaillés sa vie et on réalise alors que notre personnage est emmuré avant tout dans cet esprit fragile qui fait de sa vie un chemin de croix. La fin est un peu surprenante toutefois mais pas forcement désagréable dans la mesure où elle n'est pas inhumaine .
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