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À l'issue de la 12e Guerre mondiale, la civilisation s'est effondrée, les chiens ont quitté leurs anciens maîtres, toutes les forêts et les jardins ont été détruits et l'amour a fui le monde. Un jour, pourtant, une jeune fille découvre la dernière fleur subsistant sur terre et décide d'en prendre soin...
En 1939, alors qu'éclate la Seconde Guerre mondiale, James Thurber dessine pour sa petite fille Rosemary, âgée de 7 ans, cette émouvante « parabole en images » (véritable « roman graphique » avant l'heure), pour lui raconter les cycles de la guerre, de la paix et de l'amour, à travers la résilience d'une simple petite fleur. Un conte écologiste et pacifiste, grave et tendre, mais enjoué et d'une délicate sagesse, traduit en français en 1952 par Albert Camus.
« La dernière fleur » est un bijou qui est à nouveau offert à notre génération d’adultes pour qu’elle puisse sensibiliser les enfants, dès l’âge de 7 ans - dit souvent l’âge de la raison - à la perte d’humanité vers laquelle le Monde s’empresse de courir s’il ne prend pas garde à relire son passé et à s’interroger sur les mutations de son temps.
Cette réédition a été rendue possible grâce aux Nouvelles Editions Wombat et aux autorisations octroyées par les ayants droits de James THURBER et Albert CAMUS. Qu’ils soient remerciés pour ce cadeau de première nécessité dans un monde où l’urgence de réfléchir devrait être décrétée !
Cette histoire a tout de la parabole. Le corps même de ce texte illustré se compose d’un récit gentil, doux, non-agressif qui se tient par lui-même à partir de notions simples et quotidiennes, tant dans le choix des mots que dans le graphisme des dessins. Chacun, au premier degré, peut suivre et apprécier cette histoire.
Mais, le lecteur ne s’y trompera pas. Au-delà du corps, se révèle l’âme du message. Par suite d’idées parallèles au texte et dessins contés, une conviction de l’auteur, dans un plan supérieur, propose une élévation de l’âme du texte et du lecteur et confie une vérité qui interpelle, se montre susceptible de mobiliser l’homme, la femme que nous sommes pour construire, reconstruire des relations humaines qui épanouissent les vivants.
N’oublions pas que James THURBER a écrit et dessiné ce « The last flower » à l’intention de sa fille, Rosemary, en novembre 1939, deux mois après le déclenchement officiel de la seconde guerre mondiale. Sa dédicace était : « Pour Rosemary, avec l’espoir ardent que son monde sera meilleur que le mien ! »
En 1952, alors éditorialiste chez Gallimard, quelque peu en panne d’écriture après la polémique fratricide qui l’opposa à Jean-Paul Sartre (par suite de la parution de ‘L’homme révolté’), Albert CAMUS se saisit de ce texte signé THURBER et en propose une traduction française tout en gardant les dessins d’origine, tracés simples et pourtant chargés de symboles qui porte à réfléchir.
L’homme, bâtisseur et destructeur du Monde engrange tant d’effort pour stabiliser une civilisation dans la joie, la sérénité, le partage des biens et la douceur d’une vie commune puis, avec la même rage, avec une force parfois décuplée, il ignore tous ces bienfaits, les banalise, ne les voit même plus et il s’insurge contre la vie, la détruit au nom de son insatisfaction, des ses envies, de ses ambitions et de sa soif de pouvoir. La grandeur de ce qui était est détruite, rasée, ruinée, rien ne subsiste ! Rien peut-être, sauf une toute petite fleur qui pourrait devenir celle de l’espoir si tant est qu’il y aura au moins un homme, une femme pour la remarquer et se laisser habiter par le besoin de la faire vivre.
J’ai reçu comme un cadeau « La dernière fleur », cette parabole illustrée qui m’a été proposée par Babelio et les éditions Wombat. Mille mercis à eux ! La lecture en a été agréable, l’observation des dessins qui, pour simplistes qu’ils apparaissent, n’en sont pas moins gorgés de messages dans l’expression des visages, la position des corps, les mouvements des protagonistes ou leur absence, la disparition progressive du soleil ou sa réintégration dans la vie, le cœur des gens… tout est à observer et à mettre en relation avec nos quotidiens dans un monde de réchauffement climatique et de refroidissement des relations humaines.
En s’attelant à ce travail de traduction de « The last Flower », Albert CAMUS ne s’était pas trompé. A la suite de Jame THURBER, comme lui lanceur d’alerte, c’est en parfaite congruence avec son époque et la nôtre qu’il déclarait dans le journal le Soir Républicain à propos de cette déclaration de seconde guerre : « Nous savons qu’à une certaine extrémité du désespoir, l’indifférence surgit et avec elle le goût de la fatalité. […] Tant d’efforts pour la paix, tant d’espoirs mis sur l’homme, tant d’années de lutte ont abouti à cet effondrement, ce nouveau carnage ! […] C’est bien là peut-être l’extrémité de la révolte que de perdre sa foi dans l’humanité des hommes. Peut-être après cette guerre les arbres refleuriront encore, puisque le monde finit toujours par vaincre l’histoire. Mais ce jour-là, je ne sais combien d’hommes seront là pour les voir. » (Le Soir républicain, 17 septembre 1939).
« La dernière fleur » pourrait-elle être notre dernière lecture ? Peut-être si nous ne prenons garde à préserver la fleur d’amour qui ne demande qu’à s’épanouir au cœur du Monde.
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